Parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé d'un bout à l'autre de la planète roule un train qui jamais ne s'arrête. C'est le transperceneige aux mille et un wagons.
La machine a peut-être un moteur à mouvement perpétuel, ça veut pas dire qu'elle est éternelle ! Faudra bien qu'elle s'arrête un jour.
J'me souviens aussi de ce vent bizarre survenu brusquement. Un souffle glacé, terrifiant, balayant tout. La vie...La civilisation, effacées en quelques heures.
En ce monde clos et cloisonné, les nantis tout comme les damnés n'ont pour seul et unique horizon que les parois de leurs wagons.
Elle est un peu comme les humains, vois-tu ... même si elle se suffit à elle-même, comme eux, elle a besoin d'autre chose pour s'épanouir : une présence ... quelques paroles ... elle a besoin de ... de se sentir habitée !
Comment c'est là-bas ? Êtes-vous encore nombreux ? On dit qu'vous êtes des milliers à être entassés dans des fourgons à bestiaux à crever d'faim et d'froid ... est-ce vrai ?
En ce voyage sans rémission, tous ont la même destination. Mais certains, déjà, sont arrivés ; la gare a pour nom ETERNITE.
A l’avant sont les voitures dorées, grand luxe et confort capitonné.
A l’arrière et loin de la loco se trouve entassé le populo.
Hmm !... Il faut un sacré cran pour oser sortir… Et de la chance pour réussir ! D’autres avant toi y ont laissé leur peau. Même emmitouflé comme tu l’étais, on ne doit guère pouvoir résister longtemps au froid ! … Sans doute faut-il avoir de sérieuses raisons pour se risquer ainsi…
Peut-on les connaitre ?
Sûr ! Pourquoi n’allez-vous pas faire un séjour là-bas ? Vous comprendrez peut être que même la mort blanche est préférable à ce qu’on y trouve.
Vous n'avez jamais entendu parler des frères de la machine ?
Les prêtres mécanos ? Si, bien sur...