Jamais Valérie, la fière beauté mondaine, n’avait essuyé le feu de la passion masculine à son paroxysme. Certes, elle s’était jouée de l’amour et des hommes, mais peu d’élus avaient eu ne serait-ce que le privilège d’effleurer ses lèvres d’un baiser.
Et voilà qu’à présent il lui fallait subir la morsure de ce feu qu’elle avait attisé. Voilà qu’elle était devenue le jouet de la passion débridée d’un homme – une passion si exigeante qu’elle en était flétrie jusqu’au plus profond de son âme.
Connaissez-vous si mal l’amour, Valérie ? Croyez-vous donc qu’on peut le juger sur sa durée ? Un regard, un mot, une rencontre suffisent ! L’amour se hâte sur les ailes du vent ! Il ne connaît ni loi ni maître ! Celui qui aime a le monde à ses pieds ! Vous vous refusez, soit ! Mais si vous m’aimez, vous ne vous refuserez pas Longtemps ! 0 femme de mon cœur, cet instant précieux nous est donné. Puisque nous nous aimons, qu’importe tout le reste ?
Oui ! tout prince que je sois, malgré tous les esclaves soumis à mon bon plaisir, j’étais seul, horriblement seul ! Bien souvent j’ai erré, la nuit, dans mon palais, en proie à un désir dont la brûlante ardeur m’empêchait de trouver le sommeil… Oh ! si j’avais voulu, il m’aurait été facile de connaître l’amour ! Je n’avais qu’un mot à dire. Mais, par Allah ! cet amour-là était trop facile ! Il ne m’a jamais tenté. J’espérais rencontrer un jour La Femme, l’amour de ma vie… Et puis voilà que je vous ai vue. Et j’ai aussitôt compris que vous étiez cette femme que j’avais tant attendue…
A présent, je vous crois incapable d’éprouver une émotion aussi violente, aussi sincère que l’amour… Pourtant, la nature vous a faite pour aimer. Elle vous a parée des formes les plus exquises. Mais vous avez préféré poursuivre d’autres desseins. Par Allah ! si vous saviez ce que vous manquez !… Mais vous allez comprendre qu’on peut jouer avec le feu une fois de trop ! Pour satisfaire vos desseins, vous m’avez menti, sans vous soucier le moins du monde des souffrances que vous pouviez ainsi m’infliger.
Autrefois, je vous aimais d’un amour égoïste. Mais à présent, ce n’est plus le cas, mon doux cœur. Et, dans votre propre intérêt, il faut que je vous laisse partir… Je vous ai forcée à m’aimer. Je vous ai aussi appris à aimer l’Orient. Mais ce n’est pas une vie pour vous ! Il vaut mieux vous détacher de tout cela pendant qu’il en est encore temps. Quand vous aurez regagné des contrées plus civilisées, vous ne tarderez pas à oublier.