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Citations sur Iles : Guide vagabond de Rome (16)

Quand je me sens particulièrement embrouillé, que des centaines de mains me tiraillent et me bousculent sans motifs et que -- comme Saint Augustin -- l'âme grouille d'innombrables fantômes, je laisse tout tomber et je vais écouter les sœurs (les Augustines de l'église des Santiago Quattro Coronati) qui dans l'abside de l'église parfois ne chantent que pour moi et, probablement, le plus souvent pour personne. Cette écoute silencieuse a plus d'effet que n'importe quelle mixture pharmaceutique, c'est un recueillement serein fugitif, une immersion dans l'ombre des pensées intimes, qui peu à peu se dissolvent, se font si claires qu'elles deviennent imperceptibles, légères ; souvent vaines. Chaque jour qui s'écoule, à neuf heures, à midi, à trois heures et aux vèpres, les religieuses chantent, et celui qui passe par ici peut sans peine les écouter. Depuis la nef latérale gauche, on accède à un admirable cloître qui attend la restauration ou la ruine ; le tour des portiques ne fait que quelques dizaines de mètres, une boucle dérisoire et silencieuse qui enveloppe et amende le tumulte de la planète. p 22
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[Les cabines téléphoniques] étaient des lieux de confidences intenses, des confessionnaux laïques ; une intimité fragile taillée dans la cohue urbaine, des cellules silencieuses dont chaque phrase était aussi lourde qu'un serment. Aujourd'hui que nous vivons dans la rumeur sourde de la communication tous azimuts, dans un lacis arachnéen de paroles inconséquentes et poisseuses, personne n'entre plus dans les cabines téléphoniques et les cabines disparaissent. Il reste le souvenir du froid qu'il faisait dehors, et combien étaient chaleureux les mots de cet abri minuscule.
Page 98
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Dans l'Antiquité, Clotho, Lachesis, Atropos, les trois Parques gardiennes de la destinée humaine, déroulaient, mesuraient et tranchaient la vie.
(...) Je pense à elles toutes les fois que je passe via di Fontanella Borghese où me fascine une minuscule boutique tenue par trois dames affairées à longueur de journée avec leur fil et leur aiguille, entre des montagnes de vêtements et de tissus. La boutique est signalée par une modeste enseigne où l'on lit "Reprise invisible"...
Ces dames ont la patience et la science nécessaire pour ravauder n'importe quel trou et accroc, pour rétablir un plein là où il y a un vide.
(...) les trois dames continuent inlassablement leur ouvrage. Leur métier est du domaine de l'art qui, au sommet de son accomplissement, disparaît pour faire place à la grâce de la perfection.
p 73-74
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Nous avons bien des fois rêvé d'un lieu enchanté où troquer trois jours gris et moroses de notre automne contre une journée de printemps. La vie n'a malheureusement que faire de ce genre de marchandage, chacun a le présent qu'il a et demain est un paquet scellé. Pourtant dans l'univers parallèle des livres, sur l'étoile vaporeuse de la lecture, ce commerce quelquefois est possible.
Page 27
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Dieu sait qui était Stella Bonheur, une danseuse, une cocotte, une actrice prometteuse, et quelle existence a bien pu la conduire de New York jusqu'ici ? Une simple et tendre épitaphe est gravée sur un côté de la tombe : « Que ton sommeil éternel soit une long rêve d'amour. » Nous espérons qu'il en est vraiment ainsi, pour toi et pour les autres, Stella Bonheur.
Page 162
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A Rome , les églises baroques nous assènent des cieux grondants d'angelots et de saints, des firmaments grouillants de créatures agrippées aux nuages, des essaims d'images conçues pour étourdir et conter que la vie est un théâtre mirifique où chacun se tient en équilibre selon l'impénétrable volonté divine. Il n'y a rien à comprendre, seulement à rester bouche bée devant le faste énigmatique de la création. Mais nous, les enfants de la modernité et du désenchantement, nous nous laissons difficilement ébahir, nous regardons ces cieux avec l’œil chassieux de celui qui croit tout connaître et peut deviner chaque tour de passe-passe.
Page 14
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Mais aujourd'hui nous avons aussi besoin de réconfort. Entrons dans la petite salle où sont exposées deux œuvres de jeunesse du Caravage : Le Repos durant la fuite en Egypte et La Madeleine Pénitente. Les deux cadres sont accrochés côte à côte et ont quelque chose en commun que nous ne saisissons pas de prime abord. A droite, la Madone épuisée par sa longue pérégrination s'est endormie avec l'Enfant Jésus dans les bras, tandis qu'un ange joue au violon la partition musicale que Joseph tient ouverte devant lui. Marie, les yeux clos et les cheveux noués, sommeille la tête abandonnée sur l'épaule, En revanche, dans l'autre cadre, Madeleine vient juste de renoncer à sa vie scandaleuse. Les bijoux et les onguents gisent sur le sol, elle a elle aussi la tête inclinée sur l'épaule, mais ses cheveux sont défaits. La vierge et la prostituée, la pureté et le péché ; et c'est la même femme ! Caravage, qui puise au réel, a choisi un seul modèle pour ces deux visages. Ainsi Marie et Madeleine sont égales et différentes, comme deux gouttes d'eau, comme deux larmes.
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J'essaye parfois de découvrir une île dans l'océan de la ville : ce peut être un tableau ou un arbre, un livre ou un recoin plongé dans la pénombre, une statue ou une modeste fontaine. Ce sont des lieux, pour ainsi dire, qui se dissimulent pour ne pas disparaître, à l'image de ces chats magnifiques que l'on découvre nichés sous les ailes d'une voiture en stationnement et qui vous observent les muscles tendus, les yeux remplis de crainte, car ils ont vu nombre de leurs comparses décimés par la fureur des voitures. Si pour les caresser nous tendons la main trop brusquement, ils s'enfuient et ne se montrent plus. De fait, la valeur des choses réside surtout dans la manière dont nous portons le regard sur elles: un chat peut être aussi rare et précieux qu'un tigre du Bengale, il en est de même du lieu à première vue le plus banal, aussi digne d'une photographie et d'un cadre qu'un temple aztèque ou une plage exotique.

(INCIPIT)
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Les fontaines de Rome nous relient à un monde à la limite du divin, les jets d'eau, les gargouillis et les ruissellements jaillissent de contrées où se mêlent mythes païens et chrétiens et nous rappellent que de tout temps l'eau fut un élément sacré, primordial, fabuleux. Naïades ou Tritons, Moïse ou Neptune, divinités fluviales et tortues mystérieuses veillent sur ce bien terrestre et céleste que nous gaspillons aujourd'hui avec une grande désinvolture.
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Et si dans l'au-delà on doit rencontrer Marcel Proust, qui exhume le temps perdu en savourant ses madeleines, nous pourrons à n'en pas douter lui donner l'accolade en disant: « Ah, Marce', tu sais pas ce que t'as raté, mon vieux, ils étaient tellement meilleurs les Gentilini Osvego... »
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