AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782357070028
218 pages
La Fosse aux Ours (20/02/2009)
4.19/5   8 notes
Résumé :

La Rome vagabonde de Lodoli n'appartient à aucun guide touristique : c'est une ville d'îlots de beauté et de poésie qui émergent d'un dimanche pluvieux, ou d'un après-midi ensoleillé, mais que seul un œil clairvoyant est capable de saisir. On pourrait ajouter mille facettes à cet autre visage de Rome: le cordonnier sans âge de la via San Martino ai Monti, le fronton de San Giovanni dei Fiorentini que les g... >Voir plus
Que lire après Iles : Guide vagabond de RomeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ces textes sont des îles en ce qu'ils mettent hors du temps des moments et des lieux de Rome que le regard et l'empathie de l'auteur isolent au cours de ses vagabondages. C'est bien mieux qu'un guide car chaque texte réserve une surprise établissant des ponts entre passé et présent, nous offrant des points de vue originaux sur les lieux et ses habitants avec un ton souvent humoristique où l'auteur n'oublie pas de critiquer la société actuelle insipide dans sa marche vers l'uniformisation. C'est un bonheur d'errer et se perdre à ses côtés en compagnie de poètes, d'écrivains, de peintres, architectes et sculpteurs aussi bien que gens anonymes, vieilles prostituées, ferrailleurs, pompiers...qui viennent à notre rencontre et s'invitent dans le cours de nos rêveries. Je dis nous car l'auteur sait nous embarquer avec lui dans un quotidien plein de charme où les pâtes et les pizzas, les pâtisseries mais aussi les églises et les places secrètes, oubliées des touristes prennent une saveur inconnue.

"À quoi peut bien ressembler le championnat du monde de pizza, l'idée épuise rien que d'y songer... je sais que les vainqueurs sont presque toujours des membres du clan Lezzi, des gens qui sur la pizza en savent plus long que le diable... Pour les Lezzi, la pâte levée est un socle capable de soutenir n'importe quel ingrédients, c'est la rex extensa, la substance infinie sur laquelle étaler toutes ses envies : je les crois capables d'inventer des pizzas enchantées aux copeaux de mélancolie, à la graine de courage, de larmes et de rêves." p 102-103

Marco Lodoli nous dévoile généreusement et poétiquement ses découvertes et c'est ainsi que : "Un bar de banlieue peut abriter un continent, un modeste magasin de fleurs ressembler à une forêt, et un mendiant jeté sur le trottoir révolter tout autant qu'une guerre. Et il n'est même pas certain qu'un endroit de la ville soit plus fascinant ou attachant qu'un autre : tout est affaire d'alchimie entre les sentiments et les choses qui se tiennent devant nous, et qui en fin de compte sont dans l'âme. « Tu t'ennuies parce que tu es ennuyeux », disait une grande Romaine, Elsa Morante : mais si l'on reste curieux et perméable au monde, il n'est pas un jour qui n'ait le pouvoir de nous étonner, probablement chaque instant." p 129

Cette lecture vous offrira un monde sans fin, un voyage dont on ne voit pas le bout et quel bonheur de découvrir en levant le nez par exemple "un bel âne volant" oui vous avez bien lu, un âne volant qui risque de disparaître si la commune ne fait pas un petit effort.
"Nous sommes attaché à cet âne volant et nous voulons continuer à le voir voler, porté par le courant changeant de nos illusions et nourri du grain de nos songes. Redonnons-lui un peu de couleurs et de vent."
Commenter  J’apprécie          402
On peut éplucher tous les guides de la terre, on tombera forcément sur cette phrase: « c'est un pays riche de contradictions ». 
Un lieu commun qui désormais fait sourire, qui tinte comme une ritournelle tellement mélodieuse qu'elle finit par sonner creux : et cependant rien n'est plus vrai. 

Tout espace, aussi uniforme et cohérent soit-il, comporte ses éléments discordant. Tous ces guides vous emmèneront toujours aux mêmes endroits, aux mêmes belvédères, pour admirer les même perspectives, dans ce flux incessant où tels des pénitents nous cheminots, puis nous attendons, pour prendre la même photo que celui qui nous précède.... 
Et nous repartons "ravis", mais qu'a-t-on emporté en nous de cet instant, ces secondes de temps tant attendues et promises par quelques lignes....

Il y a bien certains guides qui tentent de nous pousser à entreprendre quelque chose qui tient de l'exceptionnel : faire un pas de côté.... 
Goethe écrivit : Un arc-en-ciel qui dure un quart d'heure ne se regarde plus, suggérant par là que les spectacles les plus stupéfiants ne subsistent que quelques instants. le coeur vibre puis se lasse rapidement. Et c'est devenu encore plus vrai, depuis que le tourisme est devenu phénomène de masse, phénomène boulimique où il faut enchaîner le plus de musées, de monuments, de vues en un minimum de temps. 
Et si un livre pouvait nous donner envie de regarder cet arc-en-ciel plus longtemps, pour en emporter avec nous un peu, de cette décomposition des lumières... 

Et bien dans cet ouvrage de Marco Lodoli, les pages égrainées s'adressent aux flâneurs. Elles s'attardent en compagnie de tous ceux qui sauront se contenter d'une traînée de silence ou d'un fragment de lumière. 
"Ces cent trente-trois fragments modulent page à page une respiration ; ils sont les pulsations de cette chair un peu difforme, écornée par le temps, et dont, jour après jour, beauté enfle ou se creuse, Ces éclats recomposent une unique silhouette et ce style en morceaux est le mieux adapté au corps d'une ville qui est par excellence la plus fractionnée, la plus stratifiée des cités."
Et comme, je le disais plus haut c'est un pays riche de contradictions, la première des contradictions vient du titre :" Iles: guide vagabond de Rome", pour une ville qui ne comporte qu'une île l'Isola Tiberina....

Alors que vient faire ce pluriel, et bien peut-être est-ce finalement la notion d'isolement, terme dont l'étymologie est rattachée à « île » par l'intermédiaire de l'italien isola, et la solitude sont souvent recherchés dans les îles, que ce soit volontaire ou non que nous propose l'auteur.... 

Îles, îlots de bonheur de poésie loin du tumulte de la ville. Comme des parenthèses enchantées, voire inattendues. Car dans ses vagabondages, l'auteur nous emmène de découvertes en découvertes.... 

De silences bruyants en bruits silencieux : 
"Après avoir joué des coudes des heures durant pour s'infliger une méga-exposition, on n'a plus guère envie d'entrer solitaire dans une église ou un petit musée pour contempler un simple tableau, qui, par-dessus le marché, est mal éclairé et un peu écaillé. le caractère exceptionnel de Rome réside pourtant dans ses chefs d'oeuvre à moitié enfouis, dans ces trésors qu'il faut chercher et dénicher dans la pénombre d'une ruelle ou d'un cloître. L'être et l'oeuvre d'art se rencontrent silencieusement, presque en catimini, à l'instar d'un premier rendez-vous, sans clameur ni sunlight. Et puis l'amoureux revient sur les lieux des années plus tard, renouer avec l'intimité et le plaisir. Chaque fois que je passe devant l'église de Trinità dei Monti, je ne résiste pas à l'envie de saluer la magnifique Déposition de Daniele da Volterra, peintre du XVIe siècle, surnommé facétieusement le Braghettone parce qu'il a mis des « caleçons » à tous les nus cle Michel-Ange dans la chapelle Sixtine"

De perspectives en perspectives : 
"Il est des oeuvres d'art dans lesquelles l'intelligence est, semble-t-il, l'ingrédient primordial, où chaque détail a l'air conçu par un esprit imbu de sa propre excellence. Ce sont des oeuvres qui mettent un peu mal à l'aise tant elles sont parfaites, il y a en elles quelque chose de surhumain, une ambition démesurée, un goût purement mental pour les défis impossibles. A Rome, l'oeuvre de ce point de vue la plus troublante est ce que l'on nomme La Perspective de Borromini, qui se trouve dans le palais Spada sur piazza Capodiferro. On peut admirer autant de fois que l'on veut ce chef-d'oeuvre, il n'en finira pas de nous subjuguer, et de manière toujours plus intense.
Il s'agit d'une galerie percée dans une belle cour intérieure, un jardin secret orné de trois bigaradiers enchanteurs : nous examinons attentivement la galerie qui semble longue de trente ou quarante mètres, les colonnes doriques diminuent dans le lointain, les motifs du pavement se réduisent au fur et à mesure que l'oeil plonge vers le fond à la jonction des deux haies, où le regard converge sur une statue antique. Mais l'ensemble n'est que pure illusion, un fracassant tour de prestidigitation qui nous laisse pantois. La galerie mesure en réalité à peine huit mètres soixante, et la colonnade, le dallage, la voûte en berceaux sont réalisés avec une science architecturale qui défie la rétine.
On se dit, d'accord, c'est encore une de ces astuces baroques, une de ces conceptions alambiquées qui roulent dans la farine le simple spectateur. Et pourtant nous ne pouvons nous empêcher de retourner vers cette mise en scène baroque, car un élément nous échappe, car ce drôle de tour de passe-passe a la faculté de nous émouvoir.
Et puis un jour nous lisons ces mots, merveille d'esthétique morale, écrits par le cardinal Bernardino Spada : On voit un immense portique aux proportions infimes, un long sentier surgit dans un espace minuscule. Prodige de l'art : image d'un monde trompeur. Grandes sont les apparences, petites sont les choses pour qui les observe de près. La grandeur terrestre n'est qu'illusion. Voilà, finalement, nous comprenons ce qui nous bouleversait: cette galerie n'est pas seulement un jeu subtil d'intelligence, elle est beaucoup plus que cela, elle est la quintessence du monde condensée en quelques mètres."

De prises de position en position éprises : 
" Notre pays est lui aussi, semble-t-il, en train de chanceler sur cette tabula rasa plastifiée qui martèle les mots succès, argent, productivité. Et pour cette même raison, le résultat des prochaines élections, qui pourrait être le dernier pas vers la stérilisation de la pensée, nous fait froid dans le dos: le rabot et le papier de verre sont déjà à l'oeuvre depuis pas mal de temps, une main plus énergique et puis tout sera lisse."

De clair obscur, en obscure clarté :
" Mais aujourd'hui nous avons aussi besoin de réconfort. Entrons dans la petite salle où sont exposées deux oeuvres de jeunesse du Caravage : le Repos durant la fuite en Égypte et La Madeleine Pénitente. Les deux cadres sont accrochés côte à côte et ont quelque chose en commun que nous ne saisissons pas de prime abord. À droite, la Madone épuisée par sa longue pérégrination s'est endormie avec l'Enfant Jésus dans les bras, tandis qu'un ange joue au violon la partition musicale que Joseph tient ouverte devant lui. Marie, les yeux clos et les cheveux noués, sommeille la tête abandonnée sur l'épaule. En revanche, dans l'autre cadre, Madeleine vient juste de renoncer à sa vie scandaleuse. Les bijoux et les onguents gisent sur le sol, elle a elle aussi la tête inclinée sur l'épaule, mais ses cheveux sont défaits, La vierge et la prostituée, la pureté et le péché ; et c'est la même femme ! Caravage, qui puise au réel, a choisi un seul modèle pour des deux visages. Ainsi Marie et Madeleine sont égales et différentes, comme deux gouttes d'eau, comme deux larmes."

L'auteur de nous rappeler un principe bouddhique qui "prétend que la totalité de notre être est une émanation de nos pensées : il est bâti sur nos pensées, constitué de nos Pensées. Et par moments je me dis que les choses procèdent vraiment ainsi, que notre esprit convulsif accouche de cette existence névrotique. Il est urgent alors de s'accorder une trêve dans la journée, de mettre un frein à cet emballement cérébral, et par la même occasion à celui de notre quotidien. Il faut des lieux propices, des îlots silencieux où pouvoir se réfugier, même si c'est l'affaire de peu."

Et même si ce ne sont que des trêves littéraires, elles font un bien fou... Tant elles sont magiques, étonnantes, révélatrices, surprenantes. Et elles deviennent au fur, des lieux que l'on marquent dans un petit carnet qui deviendra précieux lors d'un prochain voyage romain, car le tour de force de l'auteur et de communiquer ses coups de coeur, tel un passeur, en toute discrétion, que ce soit une église refuge, une pâtisserie réconfortante, des néologismes tellement évocateurs quant il parle des ces étourdissantes églises baroques, avec leur débauche de funambulanges et d'équilibrichrists... 

En résumé, ces îles de Lodoli sont comme il le dit lui-même : " Les îles, ce sont des tableaux, des arbres, un simple square, des coins où la beauté a trouvé un refuge, mais aussi des interstices, quelques minutes secrètes dans la journée écrasante, des secondes précieuses, un trésor." 
Et c'est certainement ce qui fait de Rome, La città eterna.... 

Et Marco Lodoli est à l'image de ces vestales qui une fois l'an, en mars, rallumaient le feu et s'assuraient ensuite qu'il brûle pour le reste de l'année. Leur travail n'était pas à prendre à la légère car le feu était lié aux fortunes de la ville. S'il venait à être négligé, un malheur s'abattrait sur Rome... 
Tant qu'il y aura des auteurs pour nous fournir de belles pages sur Rome, le malheur en sera maintenu au loin... 
Commenter  J’apprécie          229
Lu en V.O.

La Rome de Lodoli n'existe dans aucun guide touristique classique, il nous entraine la voir avec des yeux grand ouverts.
Loin de nous détailler les monuments, les églises, les places assaillies par les touristes, il nous invite à y vagabonder, à nous laisser ensorceler par de petites découvertes. C'est une invitation à se perdre en gardant un oeil plus attentif, plus curieux.
Le livre est un recueil d'articles écrits par Lodoli pour le journal La Repubblica. Lodoli imagine Rome constituée d'îles mais ces îles ne se réduisent pas à des lieux physiques, c'est également un voyage mental, un voyage dans le passé et le présent, à la rencontre de places, quartiers, églises, tableaux oubliés, bars, restaurants bon marché, plaques commémoratives. À ces descriptions se greffent des réflexions, des sentiments, des états d'âme, des anecdotes, des personnages.

Ce parcours m'a diverti, m'a étonné souvent, m'a fasciné.
Tout le livre est baigné de poésie, il est délicat et l'on y sent le grand amour qu'a Lodoli pour Rome
Il me donne envie de revoir Rome, et de retrouver la Rome de Lodoli !
Commenter  J’apprécie          435
Une forme raffinée de blog.

Qui est capable d'écrire à Michel-Ange (« Je parle bien de Michel-Ange Buonarroti, le plus grand artiste de la Renaissance, l'un des cinq génies absolus sur terre ») en l'appelant « vieux Mike », sous prétexte qu'une de ses statues est moins géniale ne peut pas être tout à fait mauvais.

J'aime bien l'idée du billet quotidien, surtout dans un journal, surtout quand il parle de la société et de la langue (sujets souvent liés).* Marco Lodoli ne m'est malheureusement pas accessible en italien, et son sujet n'est pas la langue, pas même principalement la société romaine. Il s'agit de Rome, de quelques coins (ou îles) qui pour la plupart passeraient facilement inaperçus. Mais il s'agit de Rome vue par des yeux d'aujourd'hui, souvent très cultivés, et aussi gourmands ou amateurs de football, bref par les yeux d'un grand nombre de romains. de Rome telle qu'on la vit ou telle qu'on devrait la vivre, connaissant son passé et savourant longuement son présent.
Ce n'est donc pas surtout un guide de Rome, même vagabond, plutôt un recueil de textes souvent poétiques, rêveries d'un promeneur (occasionnellement automobiliste) solitaire, témoin de son temps autant que de sa ville, dans une langue superbe.** Si je me suis amusé à marquer sur un plan de ville les numéros des chapitres aux lieux dont ils parlent, c'est plus pour me familiariser avec les noms des rues, des places et des églises que dans l'espoir d'aller les voir.*** Je recommande sa lecture pour se mettre dans l'ambiance avant un voyage, ou tout simplement pour le plaisir de découvrir une belle écriture, amoureuse d'une ville.

*J'ai découvert par un recueil (Der Dativ ist dem Genitiv sein Tod) Zwiebelfisch, ensemble de chroniques absolument nécessaire pour comprendre l'allemand d'aujourd'hui. Si quelqu'un pouvait me donner le nom d'un chroniqueur de The Independent dans les années 70-80, il me ferait un plaisir énorme : je n'ai retenu que son billet : « The mushy peas way (ou guide?) to English), que je connaissais par coeur (j'y ai appris je crois : « what's your poison » et « that will put hair on your chest »). Plus près de nous j'aimais les chroniques de Claude Sarraute (et auparavant de Robert Escarpit, qui se souvient de lui ?), dans le Monde.
** Merci à la traductrice Louise Boudonnat, dommage que Babelio n'ait pas enregistré son nom sur la fiche du livre.
*** D'autant qu'il s'agit parfois de visions éphémères, voire d'instants magiques, comme ceux où, passant au bon moment au bon endroit, on a une brève vue d'une Rome distante et compacte, ou simplement l'illumination soudaine de boutiques de luminaires.
Commenter  J’apprécie          261
Vous voulez échapper au troupeau moutonnier des déambulations touristiques dans Rome ? Alors emboitez le pas de Marco Lodoli . Il vous fera connaître les détails minuscules qui donnent son humanité à la fresque grandiose , le thème discret qui valorise la symphonie : places oubliées , vieux bistrots , statues ignorées mais parlantes , il nous entraîne dans ce qu'il y a de plus savoureux dans la découverte d'une ville , une déambulation heureuse , empathique et savante . Et le livre fermé s'allume , dévorant, le désir de mettre nos pas dans les siens .
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Quand je me sens particulièrement embrouillé, que des centaines de mains me tiraillent et me bousculent sans motifs et que -- comme Saint Augustin -- l'âme grouille d'innombrables fantômes, je laisse tout tomber et je vais écouter les sœurs (les Augustines de l'église des Santiago Quattro Coronati) qui dans l'abside de l'église parfois ne chantent que pour moi et, probablement, le plus souvent pour personne. Cette écoute silencieuse a plus d'effet que n'importe quelle mixture pharmaceutique, c'est un recueillement serein fugitif, une immersion dans l'ombre des pensées intimes, qui peu à peu se dissolvent, se font si claires qu'elles deviennent imperceptibles, légères ; souvent vaines. Chaque jour qui s'écoule, à neuf heures, à midi, à trois heures et aux vèpres, les religieuses chantent, et celui qui passe par ici peut sans peine les écouter. Depuis la nef latérale gauche, on accède à un admirable cloître qui attend la restauration ou la ruine ; le tour des portiques ne fait que quelques dizaines de mètres, une boucle dérisoire et silencieuse qui enveloppe et amende le tumulte de la planète. p 22
Commenter  J’apprécie          240
Dans l'Antiquité, Clotho, Lachesis, Atropos, les trois Parques gardiennes de la destinée humaine, déroulaient, mesuraient et tranchaient la vie.
(...) Je pense à elles toutes les fois que je passe via di Fontanella Borghese où me fascine une minuscule boutique tenue par trois dames affairées à longueur de journée avec leur fil et leur aiguille, entre des montagnes de vêtements et de tissus. La boutique est signalée par une modeste enseigne où l'on lit "Reprise invisible"...
Ces dames ont la patience et la science nécessaire pour ravauder n'importe quel trou et accroc, pour rétablir un plein là où il y a un vide.
(...) les trois dames continuent inlassablement leur ouvrage. Leur métier est du domaine de l'art qui, au sommet de son accomplissement, disparaît pour faire place à la grâce de la perfection.
p 73-74
Commenter  J’apprécie          180
Mais aujourd'hui nous avons aussi besoin de réconfort. Entrons dans la petite salle où sont exposées deux œuvres de jeunesse du Caravage : Le Repos durant la fuite en Egypte et La Madeleine Pénitente. Les deux cadres sont accrochés côte à côte et ont quelque chose en commun que nous ne saisissons pas de prime abord. A droite, la Madone épuisée par sa longue pérégrination s'est endormie avec l'Enfant Jésus dans les bras, tandis qu'un ange joue au violon la partition musicale que Joseph tient ouverte devant lui. Marie, les yeux clos et les cheveux noués, sommeille la tête abandonnée sur l'épaule, En revanche, dans l'autre cadre, Madeleine vient juste de renoncer à sa vie scandaleuse. Les bijoux et les onguents gisent sur le sol, elle a elle aussi la tête inclinée sur l'épaule, mais ses cheveux sont défaits. La vierge et la prostituée, la pureté et le péché ; et c'est la même femme ! Caravage, qui puise au réel, a choisi un seul modèle pour ces deux visages. Ainsi Marie et Madeleine sont égales et différentes, comme deux gouttes d'eau, comme deux larmes.
Commenter  J’apprécie          120
J'essaye parfois de découvrir une île dans l'océan de la ville : ce peut être un tableau ou un arbre, un livre ou un recoin plongé dans la pénombre, une statue ou une modeste fontaine. Ce sont des lieux, pour ainsi dire, qui se dissimulent pour ne pas disparaître, à l'image de ces chats magnifiques que l'on découvre nichés sous les ailes d'une voiture en stationnement et qui vous observent les muscles tendus, les yeux remplis de crainte, car ils ont vu nombre de leurs comparses décimés par la fureur des voitures. Si pour les caresser nous tendons la main trop brusquement, ils s'enfuient et ne se montrent plus. De fait, la valeur des choses réside surtout dans la manière dont nous portons le regard sur elles: un chat peut être aussi rare et précieux qu'un tigre du Bengale, il en est de même du lieu à première vue le plus banal, aussi digne d'une photographie et d'un cadre qu'un temple aztèque ou une plage exotique.

(INCIPIT)
Commenter  J’apprécie          120
[Les cabines téléphoniques] étaient des lieux de confidences intenses, des confessionnaux laïques ; une intimité fragile taillée dans la cohue urbaine, des cellules silencieuses dont chaque phrase était aussi lourde qu'un serment. Aujourd'hui que nous vivons dans la rumeur sourde de la communication tous azimuts, dans un lacis arachnéen de paroles inconséquentes et poisseuses, personne n'entre plus dans les cabines téléphoniques et les cabines disparaissent. Il reste le souvenir du froid qu'il faisait dehors, et combien étaient chaleureux les mots de cet abri minuscule.
Page 98
Commenter  J’apprécie          182

Videos de Marco Lodoli (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marco Lodoli
Rencontre animée par Francesca Isidori
Festival Italissimo
C'est un plaisir rare de voir réunis à Paris ces deux grands écrivains romains. Deux auteurs de la même génération, frères de canapé devant les matchs de la Lazio, qui ont traversé un pan de la littérature italienne moderne en y semant nombre de pépites. À l'image de leurs derniers romans respectifs. La plume rêveuse de Marco Lodoli – à qui l'on doit Les Prétendants ou Îles : guide vagabond de Rome – dessine, dans Les Prières, une trilogie romaine sobre et poétique qui s'attache à des gens sinon ordinaires, en tout cas “de peu”. L'aventure, chez Emanuele Trevi, est une histoire d'amitié. Avec Deux Vies, (prix Strega 2021) celles de ses inséparables amis Pia Pera et Rocco Carbone, écrivains disparus prématurément, l'auteur déjà primé pour Quelque chose d'écrit et le Peuple de bois tire un beau, profond, complexe et, finalement, si vivant portrait. Et plus encore.
+ Lire la suite
autres livres classés : littérature italienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (23) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
826 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..