« Au milieu des natifs, je n'étais qu'une touriste, ou pire : une traîtresse déguisée en occidentale. (…) J'étais une étrangère déguisée en Vietnamienne, une exfiltrée occidentale travestie en autochtone. (…) Quoi que je fasse, le Laos, et avec lui l'Asie tout entière, me recrachait comme un corps étranger. »
Le thème de l'exil et de l'identité à travers les migrations est très présent dans cette promotion des 68, ou du moins voici le troisième que je découvre et qui traite de la question. Cette étrangeté aux pays, celui que l'on a quitté et celui qui nous voit grandir, est une sensation ici expérimentée jusque dans le corps de la narratrice. Vietnamienne du Laos, l'Asie et
Confucius prennent leur part dans une éducation qui baïllone, étouffe surtout lorsqu'on nait fille et que l'on devient femme. Transposer ces coutumes dans notre occident français et voilà notre narratrice projetée dans un écueil, une impasse, une dimension difficilement tenable : la frontière entre deux univers.
« La clandestinité était mon mode de vie. Je me levais chaque matin à Berlin-Est. J'allais à l'école à Berlin-Ouest. Je retournais le soir à Berlin-Est. »
Elle semble alors ne plus avoir d'autres choix que d'éprouver son corps dans les bras d'inconnus, lesquels la dévisagent et lui offrent alors l'assurance d'une existence dans la jouissance. Un corps qu'elle parcourt comme un territoire, qu'elle fouille, scrute et vibre à la recherche de la seule identité qui vaille : la sienne.
« Il n'est plus question de pays ni de terre. Pas d'archétype non plus. Rien qui soit rattaché à quelque région, ville, place, maison. Dans les yeux de l'Américain, j'ai compris cela : le seul endroit sur terre dont je peux revendiquer l'appartenance est le périmètre de ma peau. C'est là le seul, le vrai lieu qui est le mien. Et le désir qui le hante, l'appétit, la souveraine pulsion de vie, me rappellent à chaque instant ses contours, ses reliefs, sa présence. »
C'est un premier roman remarquablement bien écrit. Cependant je m'y suis ennuyée, et suis encore très ennuyée de n'y avoir rien ressenti. de l'interpellation constante au frère qui disparaît dans sa souffrance au questionnement plus intime pour se trouver, l'auteure semble vouloir nous perdre, ou se cacher pour ne pas trop avoir à se dévoiler. le ton direct pour afficher ce rapport aux hommes et à la sexualité sonne presque comme une revendication quand le cheminement dans le roman familial qui démange et pèse devient presque honteux. Si cette attitude défensive peut prendre sens pour l'héroïne qui doit affronter la vie avec ce qui entrave, je l'ai moins comprise en tant que lectrice et ne me suis pas sentie la bienvenue dans cette histoire. L'étrangeté à soi, aux autres semble avoir pris le pas, pour moi ici, et avoir créé une distance, une froideur qui m'a laissée de côté.