Éveil du tout petit et bien-traitrance

Précurseur à montrer l’impact de la prématurité sur la maltraitance ultérieure des enfants, ainsi que celle de l’alcoolisation fœtale sur le développement de l’enfant, Maurice Titran a toujours été vigilant à ne jamais réduire celui-ci à leurs problèmes, difficultés ou handicaps. Avec malice,il avait rebaptisé le CAMSP : Coin Amical Même Pour Ses Parents. En effet, il avait « compris que le bébé avait besoin que ses parents soient regardés avec bienveillance , accueillis sans jugement pour se sentir être et devenir un « bon » bébé, non persécuteur pour ses parents »1 .Comprenant et énonçant les mécanismes psychologiques que les parents peuvent vivre lorsque les soins et les aides sont nombreux et nécessaires (cela peut passer par un sentiment de dépossession, de persécution, d’infériorité, d’incompétence, de culpabilité…), il travaille plutôt à faire émerger les compétences de chacun, qu’il soit enfant, parent ou professionnel. Il préfère ajuster le discours à la personne et non faire entrer la personne dans le dispositif. Cette approche, qui postule que l’Autre est une personne en évolution et que tout n’est pas joué à partir d’un certain age, que la créativité redonne place à l’humanité, est congruente avec toutes les valeurs évoquées par l’Éveil du tout-petit dans les chapitres précédents.

 Th. Berry Brazelton nous démontre, par son attitude, sa pensée et sa réponse, que c’est à l’adulte d’écouter et de s’adapter à l’enfant. Soyons donc sensibles au nécessaire décentrage de soi vers l’autre pour comprendre et accompagner un jeune enfant dans une démarche de bien-traitance. Il s’ait de partir de là où,lui, l’enfant se trouve et de ce qu’il y vit ; à nous de nous mettre dans son rythme à lui, dans son monde sensoriel et émotionnel, pour cheminer ensemble. Et dans la cohérence de cette démarche, tout au long de cette démarche, tout au long de sa carrière, ce pédiatre ne cessera de clamer que chaque enfant est différent, que c’est à l’adulte de s’adapter et non l’inverse ! Cette adaptation de l’adulte à l’enfant est un élément essentiel de la démarche de l’Eveil du tout-petit.

« Il revient au professionnel qui prend conscience qu’il a atteint sa limite, de rechercher dans son environnement toute aide et tout soutien, toute formation dont il a lui-même besoin afin de lui permettre de rester professionnel. » , de créer des relais dans un réseau actif « de telle manière que la famille et l’enfant ne restent pas seuls ». Cette honnêteté et cette humilité me semblent des qualités indispensables pour accompagner enfants et familles. Elles sont très protectrices de chacun. L’enfant et sa famille ne sont ni laissés pour compte ni leurrés dans une voie sans issue ; le soignant, l’éducateur voit des limites à son sentiment de toute-puissance ou de grande solitude quand il est en difficulté.

Tout d’abord, il [Brazelton] démontre que parler à un nouveau-né n’est pas incongru.
Ensuite, nous dit-il, «en pédiatrie, on recherche toujours une maladie, à déceler les échecs ou les problèmes des gens, sans jamais considérer les ressources qui existent chez une mère et son bébé ». Or, pour lui, le nouveau-né n’est pas à aborder comme un malade à examiner, ni comme un cas clinique : c’est, avant tout, une personne à rencontrer et […] à la rencontre avec ses parents chaque fois que c’est possible . Il faut, pour cela, se mettre en disposition de créer un partenariat. Cela prend un temps variable et imprévisible. Cela nécessite aussi d’aborder une posture propice à la rencontre de deux personnes.

L’association des termes « bien-traitance » et « optimisme » me semble un axe directeur pour penser toute relation d ‘aide dans la petite enfance. Biensûr, des « clignotants parfois s’allument et nous mettent en alerte : un enfant qui prend du retard, qui présente des manifestations corporelles curieuses, des modalités relationnelles particulières, dans une situation qui semble se figer… Loin de nous envahir de pessimisme, ces signaux doivent mettre en éveil notre esprit d’observation, d’analyse, de création de propositions ajuster pour manifester à l’enfant, à ses parents, l’intérêt que nous leur portons. En aucune façon nous ne les jugeons.