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Citations sur Et tu n'es pas revenu (276)

... une partie qui venait d'être construite, l'amorce d'un nouveau camp, tout près des crématoires, le Mexique nous l'appelions. Nous passions devant chaque jour en allant travailler.  Nous allions au Canada, c'est comme ça que les Polonaises avaient baptisé le triage des vêtements, parce que c'était le moins dur des postes de travail, celui qu'on espérait toutes, celui où l'on pouvait tomber sur un vieux croûton de pain au fond d'une poche, ou sur une pièce d'or dans un ourlet. Des Françaises auraient dit le Pérou. Étrange cartographie du monde miniaturisé dans le camp en langue polonaise.  Le Mexique, sans que je sache pourquoi, signifiait la mort prochaine.
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Quand nous passions, certaines s'approchaient derrière les barbelés électrifiés, nous murmurait des questions, elles n'avaient déjà plus leurs enfants, mais elles voulaient espérer encore. Nous leur demandions : Vous avez un numéro ? Non, disaient-elles. Alors, nous levions les bras au ciel en signe de désespoir. Notre matricule était notre chance, notre victoire et notre honte. J'avais participé à la construction de la deuxième rampe du crématoire où venaient d'être poussés leurs enfants.  J'allais maintenant trier leurs vêtements.
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A tous ceux qui dans le hall consultaient les listes, ou sur les trottoirs brandissaient des pancartes et des photos à la recherche de leurs disparus, je répétais, « Tout le monde est mort ». S’ils insistaient, me montrait des photos d’une famille, je disais calmement : « Il y avait des enfants ? Pas un enfant ne reviendra. » Je ne prenais pas de gants, je ne les ménageais pas ; j’avais l’habitude de la mort. J’étais devenue dure comme ces anciens déportés qui nous virent arriver à Birkenau sans un mot de réconfort. Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s’y noyer.
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Là, nos yeux et nos narines l’ont compris avant même qu’on nous le dise : il n’y avait pas de chambre à gaz.
Plus de gaz. Plus cette gueule ouverte où l’on pouvait nous jeter d'une minute à l'autre, nous filles de Birkenau rescapées du plus grand centre d’extermination. Plus la cheminée. Le crématoire. L’odeur des corps qui brûlent. C'est pour cela que je chantais tout en grelottant sous nos tentes posées sur la neige. Rien d'autre que la barbarie ordinaire, la faim, les coups, la maladie, le froid.
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Qu'importe que ce ne soit pas écrit. On ne peut plus faire d'inventaire dans le fracas de l’après-guerre. L’administration française a peut-être délivré ces certificats en vrac, inscrivant en face des
noms, des lieux et des dates probables, pas forcément vérifiés. Je ne crois à rien de l’histoire officiellement écrite par la France.
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Il y a ton nom sur le monument aux morts de Bollène. Il y a été inscrit bien longtemps après. C'est le maire qui l'a proposé, mais il voulait ne faire aucune distinction, que tu sois parmi les morts pour la France. Je lui ai dit que je tenais à ce qu'il soit écrit que tu avais été déporté à Auschwitz. Il m'a répondu que ça n'était pas nécessaire. Dans ce cas, je lui ai dit que je préférais que tu n'y sois pas.
Il a cédé finalement. C'était il y a moins de vingt ans, juste avant de basculer vers le vingt et unième siècle, il ne voulait toujours pas de trace d'Auschwitz sur le monument du village. Tu n'es pourtant pas mort pour la France. La France t'a envoyé vers la mort. Tu t'étais trompé sur elle.

Pour le reste, tu avais vu juste. Je suis revenue.
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C'est presque un bonheur de savoir à quel point on peut être malheureux.
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Quinze ans plus tard, la question m'était posée à mon tour de l’avenir des hommes. Je n'étais pas devenue optimiste. Je tremblais dans un hall de gare. Je refusais toute salle de bains avec douche à l'hôtel. Je ne supportais pas la vue des cheminées d'usine. On le sent toute sa vie qu'on est revenu. Mais pour vivre, je n’avais pas trouvé mieux que de croire, comme mes oncles avant moi, et jusqu'à la déraison, qu on peut changer le monde.
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Je dîne une fois par mois avec des amis survivants, nous savons rire ensemble et même du camp a notre façon. Et je retrouve aussi Simone. Je l’ai vue prendre des petites cuillères dans les cafés et les
restaurants, les glisser dans son sac, elle a été ministre, une femme importante en France, une grande figure, mais elle stocke encore les petites cuillères sans valeur pour ne pas avoir a laper la mauvaise soupe de Birkenau. S'ils savaient, tous autant qu'ils sont, la permanence du camp en nous. Nous l’avons tous dans la tête et jusqu’à la mort.
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Tu rêvais d'Israël, il est là, je m’y bien chaque fois que j’y vais, mais ce n’est pas le pays de paix auquel nous aspirions. Israël est en guerre depuis sa création. D'ordinaire les guerres se terminent, pas celle-là, car l'Etat juif n’a jamais été accepté par les pays arabes tout autour de lui, ses contours sont flous, explosifs. Et plus ça dure, plus Israël devient suspect,y compris dans les opinions publiques européennes. J'entends résonner dans ma tête la réplique d'un film, il s appelle Welcome in Vienna, il retrace notre histoire, celle des juifs d'Europe, l’un des personnages dit " "Ils  ne
nous pardonneront jamais le mal qu'ils nous ont fait." J'ai toujours été pour la coexistence
d'Israël et d'une Palestine, mais je suis de plus en plus affectée par ce qui se passe et ce que j'entends, je ne veux pas juger, je ne vis pas là-bas, mais pas un doute ne m' atteindra tant qu'il sera
question de détruire Israël. Je poursuivrai ton rêve.
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