(...) le silence a toujours fait le succès du mensonge.
(...) les tourments sont à ce point affamés des hommes qu'ils se déplacent souvent en groupe, main dans la main, en dodelinant d'impatience.
Tu sais, les femmes, elles sont plus dangereuses que les sirènes. Les sirènes, au moins, on sait ce qu’elles veulent.. Elles l'expriment. Mais les femmes.. C’est leur silence qui est dangereux. Et ça, c’est pire que tout. Ça fait beaucoup de bruit le silence d'une femme, quoi qu’on en dise.
Mais le temps ne cicatrise rien. Il se contente d’observer les blessures avec son air narquois et de les griffer de temps à autre pour les raviver.
Rappelle-toi, un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu.
Même si je parvenais à le cacher à mes cousins, je ne feignais pas la normalité quand je croisais ma mère. Je voulais qu'elle sache, qu'elle se sente coupable. Qu'elle comprenne que c'était elle qui attirait ies nuages dans mon crâne. Que les couleurs ne scintillaient plus en sa présence et que le pied de l'arc-en-ciel grandissait depuis les pontons sans jamais atteindre cette maison.
Ces planches en avaient supporté, des pas de marins. Des fiers, des résignés, des heureux de retrouver la terre ferme, d'autres pressés d'en partir. Des tempêtes aussi. Mais les pontons tenaient toujours debout. Abandonnés. Sans plus personne pour les raboter et les lasurer. Fébriles et sans aucun doute en sursis, mais toujours debout. Reliques d'une civilisation oubliée, ils étaient devenus passage que plus personne n'utilisait. Un passage vers Ie large, vers la mer et ses mystères, vers des voix que la fermeture d du port avait réduites au silence.
- Tu sais ce quec'est de se sentir invisible? Hein! Tu sais ce que c'est de voir ses meilleurs amis s'éloigner de toi sans savoir comment les retenir? As-tu déjà rencontré des silences qui te meurtrissent au point de vouloir fermer les yeux et prier pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve?
Elle courut pour s'éloigner de cet ami qu'elle ne reconnaissait plus et qui, en agissant comme il le faisait, brûlait aussi une partie d'elle, cette innocence qui imprégnait l'enfance de la certitude que tien ne changerait, que les cicatrices au creux des mains ne vieilliraient jamais et que les promesses murmurées deviendraient vérités.
Soeurs par cette solitude et ce silence imposés, toutes les deux posaient sur le papier leurs pensées du jour, les adressant aux absents avec une passion similaire, gravant dans ce rituel la promesse de retrouvailles, dans le monde des vivants pour l'une, dans le monde des marins noyés pour l'autre.