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Critique de Floyd2408


Un soir, devant une émission, je découvre l'éloquence d'un écrivain Français, Edouard Louis face à l'hypocrisie de la politique et de ses acteurs envers la France d'en bas, ces hommes et femmes qui triment tous les jours, dont les actes politiques ont toujours une conséquence pour leurs vies au contraire de la leur. J'ai apprécié cette logorrhée sensible, attaquant le Macronisme et cette déferlante arrogante, un jugement sans manichéisme, ce constat simple de ces politiciens au-dessus de la mêlée, d'avoir vécu dans l'urgence, d'être un homme perdu dans une société de violence, d'avoir pris la plume pour oser dire, se révolter au sens Camusien.
Ce jeune auteur semble susciter la polémique facilement, divisant à souhait le public, avec ses romans. Son enfance subit la violence, de son milieu qui absorbe cette agressivité sociétale, gangrénant petit à petit la vie des gens à la dérive comme son père. Ce troisième opus Qui a tué mon père est la continuité de ces deux précédents livres, autobiographique, s'attachant à la vie de son paternel et de leur relation. Son premier roman En finir avec Eddy Bellegueule, trace sa mutation, devenant Édouard Louis, le deuxième plus féroce, Histoire de la violence est une part noire de la vie de l'auteur, celui d'un viol et de son autopsie. Édouard Louis est un jeune érudit, fortement engagé, une mouvance politique de gauche très active, ses mots sont de la colère émotive.
En préambule, le narrateur est guidé, une mise en scène s'installe, pour une lecture différente, en visualisant ce monologue entre un père et son fils, l'un muet écoutant l'autre, le père devenant invisible, presque absent, un monologue nécessaire comme le dit Édouard Louis dans son roman.
« Je n'ai pas peur de me répéter parce que ce que j'écris, ce que je dis ne répond pas aux exigences de la littérature, mais à celles de la nécessité et de l'urgence, à celle du feu. »
Lettre au père de Kafka écrit en 1919 est une lettre non envoyée, publiée en 1952 à titre posthume, Kafka parle de sa relation conflictuelle et nébuleuse avec celui-ci, se considérant parasite d'être écrivain la nuit, même si ces deux livres sont complément opposés par leur style, par la force littéraire de Kafka, Édouard Louis dans son livre réussi à saisir l'indicible des mots, exprimant un père lointain, un homme fractionné par un père violent sans l'être, par ce fils différent, cet enfant maniéré chavirant du côté féminin pour l'occultant, cette honte invisible d'avoir un fils homosexuel.
Le livre s'introduit avec une idée de l'intellectuelle américaine Ruth Gilmore de sa définition du racisme très abrupte d'être «l'exposition de certaines populations à une mort prématurée. » Ce racisme Édouard Louis l'ouvre à sa propre existence comme l'homosexualité et la politique, insistant sur ses souvenirs d'enfance avec son père. Ce monologue entraine le lecteur dans les méandres de l'enfance de l'auteur, ses détours sombres d'une relation parsemé de silence, de regard transparent, de peur, espérant l'absence de son père, disant de lui, « faire l'histoire de sa vie, c'est écrire l'histoire de mon absence. » Au-delà de la violence sourde qui habite l'atmosphère et les âmes de cette famille, son père n'usera jamais de violence physique envers ses enfants, cadeau de son grand-père paternel qui l'était avec son fils.
« La violence nous avait sauvés de la violence. »
Beaucoup d'évènements dans l'enfance D'Eddy Bellegueule, souligne la difficulté de son géniteur à accepter sa différence, comme refusant de regarder le faux concert de son fils pendant le repas de Noël, d'avoir cette honte devant ses amis d'avoir élevé son fils comme une fille, qui jouait le rôle de la chanteuse. Mais dans la tension d'un père esclave des sous-entendus du qu'en-dira-t-on, lui qui plus jeune s'était déguisé en femme avec une jupe, versant une larme en regardant un opéra, refuse à son fils cette liberté d'être lui-même, cet enfant sensible subit les mots crus de sa mère qui au contraire de ce père pudique, lui assène des reproches oraux, frustrant cet enfant à le rendre violent dans la vengeance pour provoquer une altercation entre son frère et son père afin de punir sa mère de ses mots, ses maux blessants un coeur d'enfant rejeté de sa différence.
Il y a de la tendresse dans les mots d'Edouard Louis envers son père, il considère sa vie comme « une existence négative. » et s'inspire de la philosophie de Jean-Paul Sartre dans son livre L'Être et le Néant, affirmant cet adage glaçant « nous sommes ce que nous n'avons pas fait ». La pudeur de ce père aimant, maladroit, absent, buvant, se tuant au travail, une vie à l'écart du monde. Offrant à son fils des scènes qu'il n'oublie pas, comme faire le pilote de formule 1 en voiture pour faire plaisir à son fils, lui offrant le coffret du film Titanic, cette journée d'automne au bord de la mer, et de rouler sur les vagues.
Pour son père la violence est la vie, ce père en inertie lente vers un immobilisme, cristallise l'absence physique et l'invisibilité de son âme en berne depuis trop longtemps, usé par une violence sourde, de son accident de travail et des lois lestant encore plus le fardeau de son existence. Édouard Louis s'insurge dans cette troisième partie de la politique, des lois brisant des hommes et des femmes comme son père par des politiciens en émergence de leurs lois, dans leur vase clos, figés dans leur univers, citant ses noms, ces élus, ces politiques, nos élus…Comme « la loi de travail » sous François Hollande, forçant son père d'accepter de se briser le dos à des cadences inhumaines, sous Jacques Chirac, certains médicaments ne seront plus remboursés, comme ceux pour régulariser ses soucis d'intestins, lui détruisant son système digestif, sous Nicholas Sarkozy le RMI devenant le RSA, son père devient esclave du travail lointain, inadapté à son statut, sous Emmanuel Macron , il devient un fainéant terme qu'il a toujours combattu de toute ses forces. Édouard Louis des maux de son père, exprime le fossé abyssal de la classe politique et de ce peuple perdu.
« L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique. »
Qui a tué mon père est pour Édouard Louis un portrait de la France d'en bas, de ces gens asservit à la société par des hommes de pouvoir dominant, à la merci de lois les affaiblissant. A travers son père qu'il raconte par de souvenirs vivaces, Édouard Louis brosse une enfance de souffrance où la violence est présente partout, car pour son père la vie est synonyme de violence.
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