C'est ainsi qu'une famille prévoyante de la bourgeoisie italienne affrontait le 1er septembre 1939.
La jeune fille était allée à la mer. Sur leur villa à deux étages, l'enduit cette année-là avait été repeint en rose pâle, il y avait deux nouveaux divans en cuir dans le salon.
Il avait un bras en moins, et maintenant qu'il était tourné vers elle ce moignon flottait dans l'air bleuté du soir. Merveilleux chef-d'oeuvre de la nature tranché par les Parques auxquelles miraculeusement lui-même avait échappé.
"Vous êtes bizarres vous les jeunes, avait dit l'homme alors qu'assis à une buvette dans le jardin des Tuileries ils attendaient le retour d'Irène, vous ne réagissez pas, c'est peut-être un des plus grands dégâts causés par le fascisme. Ou bien vous réagissez vous le faites comme des provinciaux. "
Le dernier. Le dernier été, quelque chose qui persistait dans l'air, quelque chose de lourd, de statique, un air plombé comme quand on transpire beaucoup sans savoir pourquoi. Une immobilité stupéfaite, blafarde. Une attente de gare, les quais se perdent dans les broussailles, les gens se disent au revoir et se regardent, le chef de gare s'apprête à donner le signal.
il y a quelquefois entre nos gestes des intervalles qui séparent l'avant de l'après, rassemblant comme dans une synthèse des milliers d'autres gestes disparus. Ce pantalon quand il l'avait enfilé c'était encore avant, et maintenant c'était après.