Je suis entrée dans l'univers des vieux Fourneaux grâce au film de
Christophe Duthuron, que j'ai adoré et qui m'a mis l'eau à la bouche pour découvrir les BD qui avaient inspiré l'adaptation au cinéma.
Ce premier opus de la série est naturellement un tome d'exposition avec la présentation des personnages principaux réunis à la suite de la mort de Lucette, avec par ordre d'apparition :
- Sophie, la petite fille d'Antoine, qui a repris le théâtre de marionnettes de sa grand-mère, dans sa ferme à rénover,
- Pierrot, le vieil anarchiste, dans sa chambre de bonne à Paris,
- Mimile, dans sa maison de retraite,
- Antoine, le veuf inconsolable, dans son village du Tarn,
- Et bien sûr Lucette, omniprésente, malgré sa disparition...
Ayant vu le film, je connaissais donc déjà l'intrigue développée ici autour d'un deuil et d'un veuvage qui commence plutôt mal à cause de révélations posthumes à l'origine d'un road-movie gériatrique du Tarn jusqu'en Toscane.
J'ai retrouvé, presque mots pour mots et images par images, les péripéties du film très fidèle à l'oeuvre originale : des petits vieux avec de grandes gueules qui nous font rire, sourire, grincer des dents, grimacer et nous interroger... Les dialogues sont savoureux, les situations poussées à l'extrême... Les péripéties s'enchaînent sans le moindre temps mort.
Au-delà des gags, les sujets évoqués nous touchent et nous interpellent : que savons-nous des proches qui décèdent ou plutôt que croyons-nous savoir ? Comment aborder les non-dits, les dénis, les secrets de famille ? Heureusement, les rancoeurs ne se transmettent pas de génération en génération et nous assistons à de beaux moments de complicité entre les trois vieillards et la petite fille de l'un d'eux, finalement aussi paumée qu'eux, enceinte jusqu'aux yeux d'on ne sait qui...
Il y a des planches assez savoureuses sur l'engagement syndical, la vieillesse, la dépendance, la conduite automobile à partir d'un âge avancé...
L'écriture est très subtile entre humour et dérision, tirades enflammées et réflexions à mi-voix, tendresse et émotion, lucidité et inconscience... Parmi mes préférés figure le sermon de Sophie invectivant un groupe de vieilles dames, jugeant leur génération responsable de l'état actuel du monde.
Les flash-back et les souvenirs en couleur sépia sont très réussis, sans paroles, tout en suggestion.
Les dessins sont superbement travaillés, surtout les physionomies des vieilles personnes. Je trouve le personnage de Sophie moins expressif, comme s'il était surtout centré sur son ventre de femme enceinte ; ce contraste n'est pas gênant mais fait sens, au contraire.
Les cases sont remplies de petits détails... Il ne faut pas lire trop vite et bien profiter de l'ensemble.
Une belle découverte !
En route pour le tome 2...