De sang, d'écume et de glace, tome 1 : Métamorphose

La peur se mêlait à un puissant sentiment de bonheur. Il y avait autre chose également, une douce souffrance au creux de mon estomac, comme lorsqu'on retrouve un ami qu'on n'a pas vu depuis des années. On est heureux d'être réunis, mais triste d'avoir été séparés aussi longtemps... Le large faisait-il cet effet-là à tout le monde?

J'étais intolérante aux émotions fortes, tout particulièrement à la culpabilité.
Et par « intolérante», j'entendais physiquement. Mon corps me punissait dès que j'avais des remords.

Avec une mère qui me racontait ce genre d'histoires au coucher, au lieu de me parler de fées et de princesses enchantées, il ne fallait pas s'étonner que je sois dérangée.

Tu n'as pas le permis ?
Si, bien sûr, j'ai l'ai passé à l'auto-école du coin. Ils faisaient une offre spéciale "apprentissage en deux jours" pour les Marie Morgane pressées.

J’étais tombé dans une société encore plus sexiste que celle d’où je venais, et le fait que les rôles soient inversés ici ne m’apportait aucun réconfort, loin de là.

{…} j’ai pu estimer sans risque de me tromper que c’était la plus belle chose que j’aie jamais vue. Mais la nature avait un don pour magnifier ses créations les plus dangereuses, n’est-ce pas?

J'avais entendu dire qu'une personne non entraînée, mais en bonne santé, pouvait rester entre une minute et une minute trente sous l'eau, en apnée. Mais je n'étais pas en bonne santé.

- D'accord, et comment suis-je censée combattre un serpent géant tueur d'hommes à moi toute seule ? Je suis incapable d'écraser une araignée ! Vous croyez pas que c'est mal parti ?

p.403.
Que m'arrivait-il ? Je ne pouvais pas ressentir autre chose qu'une vague attirance physique envers cet individu grognon et taciturne, n'est-ce pas ? Je le détestais, même ! Il fallait que je me mette dans le crâne que faire confiance à une personne violente, qui avait déjà porté la main sur moi, était la dernière des bonnes idées. C'était idiot. J'étais désavantagée, ayant hérité d'un naturel confiant et bon, en tant que Iemanja. Il allait falloir que la deuxième moitié de mon patrimoine génétique se réveille et mette un bon coup de pied à l'autre.

p.159.
- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans le mot " chalut " ? Sais-tu au moins ce que sont ces inventions diaboliques ?
J'ai secoué la tête, honteuse malgré moi. J'avais déjà entendu le mot, ainsi que celui de " chalutier ", mais je ne m'étais jamais vraiment penchée sur la question.
- Ce sont des filets de plusieurs kilomètres de long qui sont largués depuis des bateaux et qui draguent les fonds marins, comme d'énormes râteaux. À chaque fois qu'un chalutier lâche ses filets qui viennent racler les abysses pour choper tout ce qui s'y trouve, ils ravagent des centaines d'années de biodiversité, de façon quasi irréversible. Ils détruisent les coraux, qui sont les habitats de crustacés, eux-mêmes nécessaires à la survie des plus gros. Ils massacrent une partie du cycle de la vie et s'étonnent ensuite que le reste meure. C'est comme lancer un boulet de démolition titanesque sur une partie de la forêt amazonienne, ruinant et anéantissant tout sur son sillage. Nous supportons cela depuis des dizaines d'années, à présent. Et encore, s'il n'y avait que ça...