- Qu'est-il arrivé à votre cou ? demanda-t-il.
- Demandez-le-lui, répondis-je en désignant Tamlin de ma fourchette.
Lucien regarda tout à tour Tamlin et moi-même, puis esquissa un sourire.
- Pourquoi a-t-elle ce bleu ? s'enquit-il avec un amusement visible.
- Parce que je l'ai mordue, répondit-il sans cesser de couper sa viande. Nous nous sommes croisés peu après le rituel alors qu'elle était sortie de sa chambre : elle avait probablement envie de mettre fin à ses jours.
- Qui est notre assaillant ?
- Les nagas... des immortels, des créatures d'ombre, de haine et de pourriture. Ils m'ont entendu hurler et ils vous ont flairée. Libérez-moi, humaine. S'ils m'attrapent ici, ils me mettront en cage. Libérez-moi vite et retournez auprès du Grand Seigneur.
Tout en jurant intérieurement, je posai mon arc à terre, saisis la corde et tirai mon poignard.
Mais au même instant, quatre silhouettes spectrales surgirent du couvert des arbres.
Quatre formes si sombres qu'elles semblaient avoir été taillées dans une nuit sans étoiles.
"Ne regrettez jamais ce qui vous rend heureuse, murmura-t-il."
"Je t'aime avec tes épines et tout le reste..."
"Réjouissez vous de posséder ce coeur humain, Feyre, répondit il enfin. Et plaignez ceux qui ne ressentent rien."
"Parce que lorsqu'on écrira ces légendes, je ne veux pas laisser le souvenir de quelqu'un qui n'a été que simple spectateur."
Je humais le vin. Il ne sentait pas l’alcool, mais les étés passés à paresser sur l’herbe et à nager dans l’eau fraîche. Je n’avais jamais rien respiré d’aussi merveilleux.
- Réjouissez-vous d'avoir ce cœur humain Feyre,
répondit-il enfin. Et plaignez ceux qui ne ressentent rien.
Les chants d’oiseaux se muèrent en un orchestre, en une symphonie de cris d’allégresse. Je n’avais encore jamais entendu autant de lignes mélodiques en même temps, avec une telle multitude de variations et de thèmes entrelacés à leurs arpèges. Et derrière le chant des oiseaux se cachait une mélodie, une voix de femme mélancolique… celle du saule.
- Je ne sais pas pourquoi je croyais qu’ils… pourquoi j’ai cru aux mirages du puca, poursuivis-je. Je ne sais pas pourquoi je m’en soucis encore. À côté de vos difficultés aux frontières et du mal qui mine votre magie, mes jérémiades sont ridicules, ajoutai-je au bout d’un moment, car Tamlin gardait le silence.
- Si cela vous fait souffrir, cela n’a rien de ridicule.
Réjouissez-vous de posséder ce coeur humain, Feyre. Et plaignez ceux qui ne ressentent rien.
« - J'avais oublié que l'esprit humain est aussi facile à briser qu'une coquille d'œuf, déclara Rhysand.
Il passa un doigt le long de ma gorge et je frémis, les yeux brûlants.
- Regarde comme elle est exquise, regarde les efforts qu'elle fait pour ne pas hurler de terreur, dit-il. Je serais bref, c'est promis.
Si j'avais gardé un semblant de contrôle sur mon corps, j'aurais peut-être vomi.
- Elle a les plus délicieuses pensées à ton égard, Tamlin, reprit-il. Elle s'est demandée ce qu'elle ressentirait au contact de tes doigts sur ses cuisses ... et entre elles, gloussa-t-il.
Alors même qu'il énoncait mes pensées les plus intimes et que je brûlais de honte et de rage, je tremblais sous l'emprise exercée sur mon esprit.
- Je suis curieux de savoir pourquoi elle s'est demandée si cela lui plairait que tu mordes sa poitrine comme tu l'as fait avec son cou. »
Parce que lorsqu'on écrira ces légendes, je ne veux pas laisser le souvenir de quelqu'un qui n'a été qu'un simple spectateur.