Citations sur Rumeurs d'Amérique (33)
Los Angeles affiche partout le rêve du bien manger et du mieux vivre, comme en témoignent les publicités qui mettent en scène des stars glorifiant tel ou tel régime alimentaire, mais surtout elle a fait des substituts et des compléments alimentaires une des inventions les plus lucratives de notre époque. Ici, c’est l’empire des végétariens, des végétaliens avec graines, algues et champignons à la carte, des lacto-ovo-végétariens qui acceptent œufs et lait, des vegan qui refusent même de porter des chaussures en cuir, et la liste ne fait que croître avec les restaurants spécialisés qui ouvrent à tous les coins de rue. Sur Colorado Boulevard, Organix offre un menu complètement végétarien, vegan et, faut-il le préciser, sans gluten pour les clients souffrant du diabète........Face à cet enthousiasme pour la diététique, Humberto me dit : « Mais pourquoi n’arrêtent-ils pas tout simplement de manger au lieu de nous casser les pieds ? Parce qu’ils croient que les végétaux ne souhaitent pas vivre comme nous et qu’ils n’ont pas une âme ? »
Mais rien n’y fait, en Amérique, je suis un Africain. Et je n’ignore pas davantage les nuages qui assombrissent mes rapports avec les Africains-Américains. J’ai entendu ici et là que, parmi ces derniers, certains nous reprochent, à nous autres venus d’Afrique, d’avoir eu des accointances avec les négriers qui avaient déporté leurs ancêtres. Nous serions par conséquent frappés éternellement du sceau de la complicité.
.....un petit dialogue datant des années 1950 entre un journaliste britannique et Jimmy. Le premier avait demandé à celui qu’on considérait déjà comme l’un des intellectuels et des écrivains les plus charismatiques du mouvement afro-américain :
"À vos débuts d’écrivain, en tant qu’homme noir, pauvre et homosexuel, vous deviez vous dire : Mon Dieu, est-il possible d’être plus défavorisé ! "
Avec la finesse d’esprit qui le caractérisait, Baldwin* répondit, tout souriant : « Non. Je me suis dit que j’avais remporté la cagnotte. C’était si choquant qu’il était impossible d’envisager pire sort. Je devais donc trouver le moyen d’en tirer profit. »
*James Baldwin
" Peut-être l'origine de toutes les difficultés humaines se trouve-t-elle dans notre propension à sacrifier toute la beauté de nos vies, à nous emprisonner au milieu des totems, tabous, croix, sacrifices du sang, clochers, mosquées, races, armées, drapeaux, nations afin de nier que la mort existe, ce qui est précisément notre unique certitude" John Baldwin.
L'écrivain doit inventer un univers où l'homme n'a que l'amour du prochain pour unique salut .
L'Histoire a ses secrets qui finissent toujours par ressurgir, mais l'Homme, confortablement installé dans le train de la modernité, détruit les traces, élève des bâtiments sur les lieux où, si l'on prête la bonne oreille, on entend les gémissements de ceux qui ont sacrifié leur vie à la grandeur de l'humanité.
Oui, j'écris sur" mon Amérique" depuis mon balcon californien où la vue porte loin, jusqu'aux bistrots du quartier Marx-Dormoy à Paris ou encore dans la maison en planches de ma mère, dans le quartier Voungou, à Pointe-Noire.
Non, je ne vis pas le rêve américain, je vis le rêve congolais, et ce rêve consiste à vivre grâce à la culture de nos ancêtres, ceux-là qui me regardent depuis là-haut et qui sont maintenant fiers que je me sois trimballé avec nos traditions jusqu’en Amérique…
Dans la culture et la croyance populaire africaines, faire la charité à ces " déchets humains " apporte chance, santé et prospérité. En Afrique de l'Ouest, les mendiants bénéficient d'une sorte de " statut social ", encadré par les coutumes et les traditions. Ces hommes n'inspirent pas la pitié, mais le respect qu'on doit à ceux qu'on estime être les médiateurs avec nos ancêtres et nos dieux.
Malgré le déracinement, Babacar avait conservé de son pays natal un sens de la dignité qu'il poussait à l'extrême : il ne fumait pas, ne buvait pas, ne se droguait pas. Toujours équipé de sa bouteille d'eau, il s'empressait de remonter le boulevard, sitôt un billet en poche, pour entrer dans le Subway voisin et s'acheter un sandwich. Un clochard vertueux.
L'Homme, confortablement installé dans le train de ce qu'il pense être la modernité, détruit les traces, élève des bâtiments sur des lieux où, si l'on prête la bonne oreille, on entend encore les gémissements de ceux qui ont sacrifié leur vie à la grandeur de l'humanité.