Tout à la fois thriller, documentaire, confession, récit historique arrangé ou non, ce livre hors-norme échappe à toutes les règles et à toutes les catégories.
Nous sommes en 1869, dans un village reculé et miséreux d'Écosse. le jeune Roderick Macrae raconte d'une voix monocorde sa courte existence, et les événements qui l'ont amené à commettre un triple meurtre d'une rare violence. C'est un récit venu du fond des âges qui dépeint la vie de nos aïeux, celle de paysans laborieux pétris de religion et de superstitions. Des hommes qui vivent selon des rites immuables et dont l'horizon s'arrête au bout de leur village ou de leurs champs.
Roderick n'est pas comme les autres garçons de son âge. Beaucoup plus intelligent, émotif, réservé que ses pareils, il est un poisson qui nage à contre-courant. Il ressent avec beaucoup plus d'acuité son profond dénuement, l'insignifiance de son existence et l'extrême violence de son monde profondément injuste. Un pasteur ignoble qui ne songe qu'à l'expiation, au rachat des péchés ; un père idiot, bêtement bigot, qui ne se complait que dans la souffrance ; des nobles ou des riches – la différence de classe avait une signification à cette époque − méprisants et arrogants ; des fricoteurs enfin, d'infâmes profitards qui réussiront à anéantir sa famille. C'est tout cela que Roderick a cherché à tuer, en même temps que son impossibilité de s'extraire de cette misérable existence, comme s'il était retenu par la glèbe collante des champs.
Un récit désespéré où Roderick, dans son petit village comme face à ses juges, ne cessera jamais d'être considéré comme un sous-homme. Un récit d'une noirceur sidérale d'où émergent quelques moments de bonheur qui viendront illuminer sa vie : la démarche d'une belle fille qui « donnait l'impression qu'elle chantait une chanson », quelques pintes de bière bues dans un cabaret, cet oisillon qu'il essaiera de sauver, un homme qui l'écoute et lui fait confiance, ses petits secrets avec sa maman partie bien trop tôt, et la frangine tant aimée qui le retient par les épaules…
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Un livre glaçant de bout en bout, où le cynisme rejoint le sordide, où les mots comme la parole sont confisqués au profit des puissants.
Les paroles se dérobent , tous les acteurs, et tous les fermiers obéissent à une terrible omerta, le silence du vieux, trop lisible, ne laisse filtrer aucune lueur, Roderick Macrae lui même se retranchera parfois dans le silence.
Si un livre peut changer votre vie, celui-ci est de ceux, capable de vous désespérer de l'humanité, de la religion, de la justice et de votre père. Alors autant le lire d'une traite (avec un seul r).
Comme un bernicle sur son rocher, ce roman policier, plus proche du thriller, à l'intrigue diabolique et inventive, au suspense omniprésent ne vous lâchera plus.
Ce coup de maître d'entrée, est à saluer, l'auteur vous invite à lire, un récit écrit par un détenu qui raconte les meurtres qu'il a commis. Un récit écrit en 1869 et retrouvé dans les archive d'Inverness !
C'est parti il nous tient en laisse comme un épagneul un peu fou. de dépositions, en comptes-rendus d'audience Graeme Macrae Burnet tisse sa toile.
Pris dans la nasse, au plus prêt des acteurs, frustres mais si crédibles, cette longue lecture éveillera en vous de douloureux questionnements. La honte s'insinue dans la famille Macrae, quand l'arrogance s'affiche dans le clan Mackensie.
La religion représentée par M Galbraith est une injure au bon sens et au simple devoir de compassion. le révérend est un cynique douteux, incapable du moindre signe de sympathie, il affirme au contraire, que si votre femme est morte c'est de votre faute ; ce qui donne en langage sacerdotal, et onctueux, ; "Je lui ai rappelé que les tribulations de cette existence, nous échoyait en juste rétribution de nos péchés et qu'il devait les accepter comme telles", ainsi s'exprimait page 267, le révérend au décès de la maman du prévenu, Roderick et de son père John.
Mais qui est le père, de l'enfant né ce jour où sa maman meurt en couche ?
La maman est qualifiée de frivole et d'hypocrite, par le révérend Galbraith.
Quant à la féodalité, qui règne alors en Écosse, celle-ci est omniprésente. Propriétaire de territoires très étendus, jusqu'aux plages, son pouvoir s'exerce par son représentant, le Constable, Lachlan le Large, le clan Mackensie, qui conjugue cynisme et humiliation., le régisseur, rappelait, au cours de l'entrevue demandée par John Macrae, page 127 que " par bonté le bail est encore prolongé" !
Dans ce village isolé des Highlands, les meurtres perpétrés chez le constable Lachlan le Large, déclenche un procès hors norme, où chacun est là pour défendre une thèse propre à son camp.
L'église avec le révérend Galbraith, les propriétaires terriens représentés par les victimes, les fermiers soumis au labeur et à une loi, où chacun doit rester à sa place, ces clans vont s'affronter au cours des enquêtes menées par les avocats.
Un mot me revient, que l'on trouve prononcé par le révérend, « tribulations », que cache t-il réellement ? Alors que Jetta la soeur adorée de Roderick, est bien enceinte, son père John déclarera plus tard qu'il ne la connaît pas.
Lui Roderick connaît le père, de l'enfant, il l'a surpris ; Au lieu de quoi "celui-ci m'attrapa par la nuque, colla son visage contre le mien" et me dit : "quand tu seras grand tu comprendras qu'un homme doit satisfaire ses besoins quelques part". P 83
"Surtout maintenant que ta chère mère n'est plus parmi nous". Lâcha le constable Lachlan.
Il laissa alors échapper un rire sonore et partit.
Dans son cahier, après la mort de sa mère il écrira page 41 : "Je méditais le sermon de Monsieur Galbraith et résolus à cet instant, avec la terre grise sous mes pas, que lorsque l'occasion se présenterait, je deviendrais le rédempteur de mon père". et plus loin "je crois que Monsieur Galbraith était très satisfait de la mort de ma mère, car elle corroborait la doctrine professée".
L'étroite relation qui relie le lord Middleton, et le révérend ne doit pas être rompue. Aucune requête n'est acceptable si elle s'oppose au constable, aucun délit de Laclan le Large du clan Mackensie, ne peux lui être imputé, les tribulations des femmes, portent la honte, quand elles tombent enceintes.
Quelle magnifique fresque de l' Écosse du XIXe siècle, si mal connue, on est bousculé interloqué, par les interventions de la défense, par les dépositions des uns et des autres. Quelle signification doit-on donner à ces meurtres, sont-ils une vengeance, l'oeuvre d'un illuminé ?
La clé de l'énigme n'est pas donnée me semble-t-il, il faut la forger,reprendre le récit de chacun, reprendre la chronologie des faits, nul doute que cette lettre envoyée la veille du meurtre, est le déclencheur du désastre, lettre à laquelle le révérend ne répond que par une pirouette insipide et insultante « prions ».
Merci aux éditions Sonatine de cet ouvrage si remarquable, merci Masse Critique de ce choix si judicieux.
On retrouve des points communs, entre cet ouvrage de Graeme Macrae Burnet, et L'île du Serment de Peter May.
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Que ce roman intelligent et si bien écrit ,avec une traduction excellente,ait été finaliste du Booker Prize ne me surprend pas.
Il est construit sur un mémoire attribué à Rodrerick Macrae,accusé de plusieurs homicides.Nous sommes en 1869,il a 17 ans et vit à Culduie,petit village des Highlands.L'auteur s'emploie à faire revivre les habitants de cet endroit dans le cadre de l'époque et c'est une réussite.Chacune des personnalités va présenter le jeune homme avec un ressenti très différent(ange ou démon?).Au fur et à mesure de la lecture on ne peut que penser que le drame était inéluctable,sans lui enlever son caractère monstrueux.
De nombreux thèmes sont abordés:l'exercice du pouvoir,la persécution aboutissant à la destruction d'une famille,la justice très injuste,le mépris des nantis vis à vis des pauvres,la "folie"vue du point de vue de la médecine.....
Ce roman puzzle(entre journal,rapports médicaux,compte rendu du procès) m'a enthousiasmée.Simplement je ne comprends pas bien sa classification de thriller,mais est-il si important de lui mettre une étiquette?Je le trouve hors norme et j'ai hâte que cet auteur soit à nouveau traduit en français pour lire ses autres publications.
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Lachlan le Large, un régisseur nouvellement nommé sur le domaine où travaille notamment le paysan, le Noir MacRae décide d'humilier ce dernier et sa famille pour une histoire de mouton.
Roderick, le fils MacRae, souffrant tellement de toutes ces humiliations, se met en tête de tuer Lachlan le Large mais trouve sur son chemin le jeune fils et la jeune fille de ce dernier qu'il achève sans états d'âme.
Nous assistons à l'enquête préliminaire, au procès nourri par la Science des médecins formés dans leur coin à l'époque des balbutiements de la psychiatrie…
Tout est joué d'avance, le paysan triple meurtrier, le pauvre régisseur n'ayant fait que son boulot…
Ce roman « historique » dans ce que les éléments du meurtre ont été inspirés par un authentique triple meurtre français, est très bien construit. L'auteur a fait un travail de recherches considérable sur la vie des paysans en 1800. C'est une reconstitution tout à fait plausible de la vie misérable et sans horizon d'une famille de paysans à cette époque. Quel que soit le pays, c'est le thème universel des opprimés.
Merci aux éditions Sonatine et à Babelio de m'avoir fait découvrir cet auteur sympathique bourré d'humour que j'ai eu le privilège de rencontrer et dont je lirai volontiers la prochaine sortie chez Sonatine de la traduction du roman The Disappearance of Adele Bedeau : La disparition d'Adèle Bedeau.
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