L'été arriva, exhalant sur la ville ses soupirs brûlants. Il aimait sa lumière, supportait aisément ses chaleurs, goûtait la douceur de ses soirées, adorait la corète, le bamia, le melon, la pastèque, et prenait plaisir à se baigner chaque jour à l'aurore.
Seul le cycle de la vie est éternel. Douleur et joie toujours recommencées. Lorsque les feuilles verdissent, lorsque les fleurs éclosent, lorsque le fruit mûrit, dans la mémoire s'efface le souvenir du froid et de l'hiver.
Il suivit la ruelle jusqu'à la place. Comme elle était déserte et silencieuse! Pas une porte ni une fenêtre ouverte. Il avançait à pas lents, médusé. Le tripot, l'entrepôt, le café, les maisons, tout était fermé; pas âme qui vive, ni chien ni chat, pas un souffle, pas une odeur. Les bâtiments poussiéreux étaient plongés dans un même néant.
Le soleil dardait d'inutiles rayons; le vent d'automne errait sans but, languissant.
-Holà vous autres! Ho! gens de Dieu! s'écria-t-il de sa voix rauque mouillée de larmes.
Nul ne répondit. Nulle croisée ne s'ouvrit. Nul cou ne se tendit. Il n'y avait que le silence, un silence profond, bardé de désespoir, la peur comme un défi, la douleur comme une chape de plomb.
Mais le temps ne s'arrête pas ; la vie continue, envers et contre tout.
Rester chez soi corrompait les pensées, aiguillonnait la peur, enlaidissait la misère. Le salut était dans l'action. La vie sociale insufflait en lui un sang nouveau, relançait son courage. L'ennemi avait disparu.