Qu'est-ce qu'être guéri pour Lacan ? D'abord, vous ne souffrez plus de vos inhibitions, de vos angoisses (l'angoisse, c'est être l'objet du désir d'un Autre dans lequel vous ne repérez pas bien ce que vous, vous voulez). Et puis, vous renoncez à renoncer ; quand vous avez envie de quelque chose, vous y allez, parce que vous avez retrouvé la capacité d'utiliser toutes vos possibilités. Enfin, votre symptôme (défini la fois comme souffrance, jouissance et vérité de vous-même), qui est une forme de dissidence, vous l'apprivoisez. Vous l'assumez, vous savez y faire avec lui, parfois même vous vous en faites un drapeau (Lacan appelait cela être "identifié au symptôme"). Si, à l'entrée d'une analyse, vous dites ) l'analyste ; "J'ai un symptôme, il m'encombre, délivre-m'en", à la fin vous claironnez ; "Ce symptôme, je le suis." Votre symptôme, puisque tout le monde en a un n'est plus un boulet ; il est devenu une partie de vous, même et surtout si parfois il a changé de nature.
... finalement, on vit dans une société qui délire tellement qu'être "normal" n'est rien d'autre que délirer avec les autres.
En fait, il faut bien dire que la psychanalyse est quelque chose de tellement formidable que les psychanalystes sont rarement à la hauteur - mais n'est-ce pas le cas de la plupart des professions ?
... si l'on en croit les chiffres, il y a de plus en plus d'analystes, au point que l'on peut prévoir qu'un jour il y en aura davantage que de patients. Car aujourd'hui peu de gens sont enthousiastes à l'ide de passer des années sur un divan : tout le monde veut être bien portant, heureux et performant tout de suite.
Les Ecrits de Lacan, surnommés malicieusement par certains les "écrans de l''acquis", se veulent justement tout sauf un livre de cours qu'il faudrait potasser pour devenir savant, etr avoir le droit de se croire malin ; en fait, cet ouvrage se veut un paratonnerre contre la bêtise du notable assoupi sur sa réputation, un antidote au psychanalyste-qui-a-tout-compris. Il est là pour nous rappeler que comprendre est un effort, une construction toujours à recommencer.
Bref, Lacan, probablement animé par le désir d'être une victime, une pierre rejetée d'un ordre du monde qu'il conteste, est un hérétique [...].
C'est en outsider de la pansée que Lacan révolutionne la psychanalyse? Cela, du reste, ne doit pas nous surprendre : ce sont toujours des marginaux qui initient des révolutions.
... Lacan réussira sa rencontre avec le texte même de Freud, dont il sera un lecteur inlassable, et dont il dira avoir tenté de faire un "jardin à la française". Faire d'une pâtisserie viennoise un croissant, avec tout ce que celui-ci peut avoir d'aérien et de structuré, telle est son ambition.
Avant toute chose, peut-être, Lacan adore les fous, et il mène une réflexion novatrice sur les psychoses. Du reste, le journal Libération ne s'y est pas trompé, qui titre le jour de la mort du psychanalyste, en 1981 : "Tout fou Lacan".
Allons-y gaiement puisque, comme le disait Lacan, "plus nous sommes proches de la psychanalyse, plus c'est la véritable psychanalyse".