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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comment rester optimiste quand la maladie guette chacun de nos écarts ? Non, je ne vous parle pas du coronavirus, mais des débuts du sida, dans les années 1980, à Chicago. Véritable fléau dans la communauté gay en particulier, cette maladie était considérée comme tabou, à cause de la méconnaissance générale et du rejet manifeste du gouvernement républicain de faire quoique ce soit pour adresser l'épidémie. Les Optimistes est l'histoire fictive mais incroyablement émouvante de ces hommes qui ont essayé de continuer à vivre malgré l'épée de Damoclès qui vacillait au-dessus de leurs jolies têtes, mais aussi celle de la femme qui les a tous enterrés, dédiant sa vie à cette guerre difficile et impalpable.

Ce livre est entré sous ma peau comme peu le font. Je suis devenue Yale puis Fiona, grâce au talent de conteuse hors pair de l'auteure, aux mots si bien choisis de la traductrice, aux descriptions vivaces de la réalité de l'époque et de celle d'aujourd'hui. Je me suis laissée surprendre comme une enfant par l'évocation des attentats de 2015, j'ai replongé dans ce moment si particulier que j'ai vécu moi aussi, retrouvé avec étonnement des réflexions similaires aux miennes dans les réactions de Fiona. Je me suis émue de l'histoire de Charlie et Yale, de celle de Nora et Ranko, de ces amitiés indéfectibles que la mort n'entame pas, de l'hommage rendu par Richard à tous les disparus.

Je ne connaissais pas la réalité de cette époque pour la communauté gay, j'en avais entendu quelques bribes, mais aujourd'hui, Rebecca Makkai m'a donné l'impression de l'avoir vécue – et rares sont les livres qui parviennent à me transporter à ce point, surtout quand ils évoquent des sujets aussi difficiles. Il y a tant de beauté dans ce récit, tant de force et d'amour, tant de regards sur la vie et la mort, tant d'humanité, que je suis encore bouleversée en le refermant. C'est un grand livre, à n'en pas douter, un témoignage précieux d'une époque malheureusement pas si lointaine, mais incroyablement honteuse, où on laissait mourir les hommes dans la misère à cause de leur sexualité. Je n'oublierais pas Yale, Charlie, Nico, Terence, Katsu, Julian, Teddy, Richard, Fiona et tous les autres de si tôt.
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Je n'ai pas vécu à Chicago pendant les années 80. Je n'ai pas fréquenté le milieu gay. Je n'ai pas perdu d'amis du Sida. Au pire j'ai su pour "quelqu'un" ...et encore, sans certitude.
Oui mais voilà, ça n'empêche que ma jeunesse est marquée par ces années là. Une maladie omniprésente qui nous terrifiait.
Une épée de Damoclès qui pouvait toucher tout le monde. Je trouve qu'on n'en parle plus trop aujourd'hui en comparaison. En tout cas ce n'est pas le sujet en 2020 pour les médias tout puissants...
Et c'est pourquoi la lecture de ce roman m'a remuée et que je n'en sors pas indemne.

"Les optimistes" alterne des chapitres de deux périodes : 1985/90 d'une part et 2015 d'autre part.

En 2015, on retrouve des "rescapés" en quelque sorte. le lien avec les années 80 est fort, en particulier grâce au personnage de Fiona.

Car le coeur du sujet se situe bien pendant les années 80. On y suit le destin d'une bande de copains et plus particulièrement celui de Yale, personnage principal avec Fiona, hanté par l'ombre de son meilleur ami Nico, frère de cette dernière.
Et j'avoue que je suis parfaitement "entrée " dans la tête de Yale, tour à tour inquiète, soulagée, dépitée selon la situation. J'ai ressenti beaucoup d'empathie même s'il faut le reconnaître,  on est en plein dans les comportements à risque...voire parfois dans une certaine provocation.
Et le résultat est connu, car ils seront décimés.

Mais le roman ne parle pas que de maladie ou de mort. Pas du tout. Il y a des projets, tels que l'exposition d'oeuvres d'arts, des combats, la vie tout simplement.
C'est également un beau roman sur l'amitié, les rapports parents/enfants. Et une dénonciation d'une forme de racisme tant de la population que des dirigeants de l'époque.
Une lecture essentielle sur le sujet servie par un texte de grande qualité littéraire.

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Un roman sur les années SIDA, à Chicago - mais cela pourrait être ailleurs. Pour tout ceux/celles qui ont connu cette période et peut être encore plus pour ceux/celles qui ne l'ont pas connu, ce livre fait revivre une tranche de vie d'une génération fauchée par une épidémie. Un livre qui se fait la voix de cette génération avec toutes ses qualités et ses défauts. Un livre qui ne cache rien mais qui parvient à montrer une certaine vérité, sans édulcorer le côté sordide. Une étude sociale de la maladie - qui frappait des jeunes gens, qui devaient faire face à des difficultés économiques et familiales.

Bref un roman coup de poing. Je ne suis pas sorti de ce roman indemne. J'y ai trouvé des émotions très fortes, on se prend d'affection pour ces personnages nombreux qui passent plus ou moins longtemps dans les pages de ce livre.

Le livre se passe sur deux époques. de nos jours (2015 à Paris) et 1986 à Chicago. La période Chicago m'a semblé plus émouvante, mais les aller retours permettent de mettre l'époque en perspective...

Magnifique, je conseille fortement.
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Chicago, années 1980. Après une période d'insouciance, Fiona, Yale et ses amis se retrouvent confrontés aux années sida, avec la mort de Nico. C'est le début d'une période d'angoisse et de perte qui va toucher le groupe à jamais.

Paris, 2015. Fiona, qui ne s'est jamais totalement remise de ces années tueuses, se rend à Paris pour retrouver sa fille.

Rebecca Makkai dresse un portrait plein d'empathie et de justesse de la communauté gay de Chicago, qui fait face au virus dévastateur, à la peur de le contracter, au rejet des personnes mal informées et à la douleur de perdre ses proches.

Le parallèle créé entre les années 1980 et 2015 - au-delà de compléter l'histoire - révèle que, malgré les années, les personnages sont tous hantés par ces années sida. Ces dernières ont un impact considérable sur leur vie, qu'il soit positif (gloire et exposition dédiée à Pompidou pour l'un) ou négatif (perte de vue de sa fille pour l'autre).

Avec des personnages très attachants, ce récit prenant, très réaliste, est particulièrement émouvant. Il contient tous les ingrédients pour un moment de lecture agréable et réflexive.
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A real gem, in my opinion. We follow, on one end, a group of gay friends in the 80s Chicago, when AIDS was starting to spread. On the other end, we're in 2015 Paris where Fiona, sister of one of the former guys, is searching for her daughter. I won't tell more; but know that this book is very well written and, despite the sad topic, I just couldn't stop reading. I almost immediately fell for the characters, who are very realistic, flawed but also intensely human. This book covers the topic of art as well, if you're into that.
But you must be warned : if you want a joyful book, this ain't it. It is very, very sad.
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C est le coeur lourd que je quitte les personnages de ce merveilleux roman. Que d émotions au fil des pages. l'autrice nous emmène dans le Chicago des années 1980, les années sida comme on peut tristement les qualifier. Sur les trottoirs, dans les bars, on y rencontre Yale et Charlie, Richard, Asher, Julian, Nico et puis Fiona.

C est un livre qui nous fait revivre des évènements peu joyeux mais qui montre aussi la vie d hommes et de femmes qui ont été heureux.

J ai mis du temps à terminer le livre, pour retarder la fin inéluctable et les larmes aux yeux.

Si je ne devais donner que trois bonnes raisons de lire ce livre, les voici :

-des personnages attachants, que j oublierai difficilement
-la retranscription d une époque de manière très humaine
-un passage par toutes les émotions

Je vais m empresser de lire le nouveau roman de Rebecca Makkai, tout juste sorti en poche.
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Dans les années 80, le sida fait sa grande apparition et décime la communauté gay. La terrible maladie tue rapidement ceux atteints par le virus. La peur d'une nouvelle maladie conduit à un rejet des homosexuels, déjà victimes de racisme. Première ville à offrir un quartier dédié au LGBT, à Chicago on guette les taches violacées sur les visages. A un époque où les traitements sont encore trop peu efficaces, les personnes gays luttent contre les préjugés mais aussi pour bénéficier d'un système de soins dignes et combattre la maladie.

En parallèle, en 2015 on suit l'aventure de Fiona qui part sur les traces de sa fille, aperçue pour la dernière fois à Paris, sur le pont de l'Archevêché. Les références au passé de Fiona, petite soeur de Nicolas, apportent un éclairage supplémentaire et contemporain sur les épreuves traversées par ses amis quelques années auparavant.

Alternant entre le deuil et l'espoir, le chagrin et l'envie de croire à des jours meilleurs, Rebecca Makkai raconte une époque marquée par le sida. Entre Chicago et Paris, elle montre comment une vie peut s'effondrer et changer du jour au lendemain, mais aussi comment certains peuvent faire preuve de résilience pour s'en sortir.
Lien : http://untitledmag.fr/la-poc..
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J'ai choisi de lire ce roman car il traite d'un sujet et d'une décennie particulière dans l'histoire des Etats-Unis qui m'interpelle particulièrement : celle qui a vu l'émergence du Sida, d'abord appelé Grid (Gay Related Immune Deficiency) lorsqu'on pensait encore que les hétérosexuels ne pouvaient tomber malades, qui a touché particulièrement les homosexuels dans les années quatre-vingt des grandes villes des Etats-Unis. Cette période commence à la découverte de la maladie, nommée à tort cancer gay, jusqu'à l'apparition des premiers traitements, connus sous le nom de trithérapie, pendant les années quatre-vingt-dix. La maladie a décimé une partie de la population américaine alors même que ceux qui étaient touchés par cette maladie étaient déjà stigmatisés par l'homophobie ambiante. J'ai aussi eu envie ce livre car il y a deux ou trois ans j'ai découvert le compte Instagram The Aids Memorial, qui publie chaque jour les photos de victimes du Sida, souvent accompagnées d'une biographie, que leurs proches leur ont envoyées. Une grande majorité des photos évoquent des hommes touchés par le virus à cette époque, beaucoup d'entre eux décédés pendant les années 80 et 90, on l'imagine dans d'atroces souffrances, dans une solitude profonde, car bien souvent rejetés par leur famille.

Les Optimistes se place donc dans ce contexte dans le Chicago de l'année 1985, au début du pic de la pandémie. Même s'il ne s'agit que d'une pure fiction, la trame colle suffisamment à la réalité pour faire de ce roman un témoignage de vie d'une époque terrible et de ses protagonistes, Nico, Terrence, Yale, Charlie, Julian, des doubles presque parfaits d'hommes qui ont véritablement existé mais que l'on s'est empressé de reléguer aux oubliettes. L'auteure, Rebecca Makkai, a choisi de d'étaler son récit sur deux époques distinctes : la première commence en 1985 et se concentre autour d'un groupe d'amis, jeunes hommes homosexuels de Boystown. La seconde commence en 2015 par l'arrivée à Paris de Fiona, la soeur d'un des membres du groupe, Nico, pour retrouver sa fille. Seuls quelques protagonistes réapparaissent en 2015, ceux et surtout celles épargnées par l'épidémie. L'incipit du roman donne le ton: il débute par la mort et l'enterrement de l'un des garçons, Nico, la première victime du groupe. C'est une mort qui assomme chacun d'entre eux et au-delà de la peine qu'ils éprouvent, ce deuil les laisse avec le sentiment d'avoir désormais la menace de la maladie qui colle à la peau. La mort, et l'existence, de Nico sont essentielles dans ce roman : en plus d'être celui qui les amènera à côtoyer la maladie de près, il agglomère toutes les difficultés du malade de l'époque. Rejeté par sa famille, sans traitement disponible pour contrer les maladies opportunistes qui ravagent son corps une fois son système immunitaire défaillant, son espérance de vie est courte, et sa mort surgit dans d'affreuses conditions, isolé à l'hôpital, ou le personnel hospitalier refuse de le toucher, comme c'est souvent arrivé à l'époque. Il est devenu un pestiféré et chacun des garçons prennent la mesure de ce qui est susceptible de leur arriver, tôt ou tard. Car si le préservatif existait déjà, son utilisation était loin d'être systématique et même souvent rejetée. Sans parler de ce que l'on nommait Gay panic, ou « panique homosexuelle » qui fut, sur le plan juridique, la ligne de défense de ceux accusés d'avoir passé à tabac un homosexuel. Cette projection en 2015 permet à l'auteure de montrer que s'il reste du travail à faire au niveau de la discrimination des personnes séropositives, on revient quand même de loin avec un rejet total de la population et des instances gouvernementales trente ans plus tôt. Et trente ans après le début de l'hécatombe, la mémoire est bien à vif chez ces survivants qui ont pu passer outre l'épidémie.

Ce groupe reflète un monde qui d'insouciant qui doit apprendre à vivre avec la maladie mais qui ne prend pas pour autant le parti de se préserver, c'est une génération condamnée, elle le sait. L'auteure en déroulant l'histoire du groupe, en détaillant les histoires de couples, les histoires personnelles, démontre la fatalité inéluctable qui frappe chacun d'entre eux bien avant que la trithérapie ou même l'AZT n'apparaissent, ou que le traitement soit financièrement accessible à chacun. On ne peut qu'être admiratif du soin qu'elle a mis à reconstituer ces laissés-pour-compte, qui en plus de la haine, doivent subir l'indifférence de gouvernements insensibles à la question du sida. Son récit saisit le lecteur au vif, elle ne lui épargne rien, comme rien n'a été épargné à ces jeunes hommes, qui ont été pris dans les filets d'une maladie inconnue, aussi redoutable qu'incurable : elle retranscrit avec précision la dualité qui s'impose à cette génération, prise entre la volonté de continuer à vivre et à entretenir des relations amoureuses, et la peur d'être contaminé. Et si psychiquement, elle démontre que les coups sont rudes à encaisser, elle démontre que physiquement ça l'est encore plus. le sarcome de Kaposi ou autres infections dégénératives laissent des séquelles indélébiles, et parfois handicapantes, sur les jeunes hommes, qui ont dépassé le stade de la positivité et qui les relèguent, de fait, au ban de la société.

Malgré tout, et c'est peut-être cette maladie qui amplifie ce sentiment, c'est d'ailleurs un point que Rebecca Makkai exploite avec pertinence, on ressent une certaine joie de vivre, avidité à profiter au maximum de l'existence, à aimer fêter, aimer, au maximum, quitte à en être malade après, certes. C'est une certaine joie de vivre que l'on ne retrouve absolument pas ailleurs. Elle a d'ailleurs su créer des personnages attachants, dotés de parcours de vie différents, avec les qualités, les faiblesses qui sont les leurs, et dont la menace de cette maladie, les rend peut-être davantage vulnérables, plus attachant, mais parfois tout aussi détestables, que le commun des mortels. Elle a également bien reconstitué les ravages du Sida, son évolution au fil des années, le soulagement d'avoir échappé à la condamnation d'un premier test, la mortification de retrouver le test suivant positif, elle reconstitue le plus terrible, de voir ses amis agoniser et mourir tout en pensant qu'on est peut-être le prochain.

L'auteure rend là un bel hommage à tous ces hommes et femmes perdus, qui ont à l'époque été lâchement abandonnés au sort qui les attendait à travers ce roman parfaitement équilibré entre le passé, ou l'épidémie ravageait tout, et le présent ou elle est désormais contrôlée, mais ou les pertes inestimables sont inscrites dans le marbre. Elle parvient à mesurer la hauteur des ravages, d'une génération d'hommes dont il ne reste guère plus le souvenir chez les proches et les quelques associations qui cultivent leur mémoire ainsi que de leurs combats qui sont malheureusement toujours d'actualité, trouver un remède au Sida et effacer la stigmatisation des séropositifs. C'est un roman passionnant tout comme un témoignage d'une époque et d'une hécatombe, que je trouve essentiel à lire afin que les vies de tous ces Yale, Charlie, Nico, Terrence, ne retombent pas inutilement dans l'oubli, que l'on ne sous-estime pas le sacrifice involontaire qui a été le leur afin que la collectivité prenne conscience du mal.
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Du Chicago des années 80 au Paris d'aujourd'hui, une épopée puissante sur le pouvoir de l'amitié face à la tragédie.
Chicago 1985, la carrière de Yale s'apprête à décoller lorsque l'épidémie de Sida frappe la ville de plein fouet.
Tout s'effondre autour de lui.
Bientôt il ne lui reste plus que Fiona la soeur de son meilleur ami Nico.
Ce roman nous plonge au coeur d'une époque marquée par la rage et la panique et brosse les sublimes portraits de personnages brisés qui n'auront de cesse de trouver la beauté et l'espoir.
Fascinant et bouleversant.
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J'ai particulièrement apprécié ce roman publié aux Editions Les Escales qui dépeint de manière sensible et intelligente les épreuves d'un groupe d'amis lors des débuts de l'apparition du sida dans les années 80. Il s'agit également d'un magnifique hommage rendu aux peintres français de l'entre deux-guerres.


Second roman de Rebecca Makkai à être publié en français après Les chapardeuses (Gallimard, 2012), Les Optimistes nous plonge dans le Chicago des années quatre-vingts avec Yale Tishman et Fiona Marcus comme personnages de premier plan.


Il nous relate, d'une part, le combat que devront mener Yale et ses proches face à la menace que représente le sida à partir de 1985 et d'autre part, celui entrepris par Fiona partie à Paris en 2015, à la recherche de sa fille Claire, dont elle n'a plus de nouvelles depuis quelques temps.


Lauréat de la Andrew Carnegie Medal et finaliste du National Book Award ainsi que du prix Pullitzer, j'avais hâte de pouvoir enfin découvrir l'un des premiers ouvrages de fiction à nous restituer les étapes marquantes suivant l'apparition du sida aux Etats-Unis, il y a déjà cela plus de quarante ans. Je remercie donc infiniment les éditions Les Escales ainsi que Netgalley France grâce auxquels j'ai pu découvrir ce roman impressionnant par son approche et l'admirable travail entrepris par une auteure audacieuse qui nous fait revivre l'un épisode des plus marquants de nos sociétés occidentales.


Le roman commence par une scène décrivant l'adieu de Yale, de son compagnon et de leurs amis proches, à Nico Marcus, le frère de Fiona, récemment décédé du sida. Ses amis se sont rassemblés lors d'une fête lui rendant un dernier hommage chez le photographe Richard Campo, le lendemain de la cérémonie religieuse organisée par la famille du défunt et qu'ils auraient grandement préféré ignorer, les parents de Nico n'ayant jamais réellement accepté le fait que leur fils soit homosexuel.

Après avoir englouti quelques Cuba-Libre, Yale décide de s'isoler un moment à l'étage mais lorsqu'il redescend retrouver les autres, il se rend compte qu'il est désormais seul dans la grande maison de Richard. Persuadé que la police est passée par là pour les empêcher de se réunir ou pire, qu'une attaque nucléaire vient d'avoir lieu, Yale tentera de reprendre ses esprits vaille que vaille dans les rues qui le mèneront à l'appartement de Charlie, situé dans le quartier de Boystown.


Rebecca Makkai nous donne le ton avec ce premier chapitre : elle parvient à nous distiller une tension particulière vacillant entre nostalgie et une inquiétude plus profonde, le décès de Nico n'étant que le prélude à une hécatombe implacable pour Yale et son entourage. Elle parvient également habilement à nous replonger dans cette ambiance propre aux années quatre-vingt grâce à de petites anecdotes : l'adieu émouvant par la diffusion de « America » de Simon et Garfunkel, le visionnage des diapositives de Nico enfant ou la récente réélection de Ronald Reagan. le décor est installé, nous faisons partie de l'univers de Yale et sommes assis dans un des fauteuils vintages du salon calfeutré de Richard Campo, en train de siroter un Cuba Libre, observant attentivement parmi les mines de joie forcée des autres invités, cette lueur propre au regard des personnes transmettant leurs dernières pensées à un être cher.


Nous faisons en suite un saut d'une trentaine d'années en compagnie de Fiona qui rejoint la France par avion pour retrouver sa fille Claire. Celle-ci a disparu en compagnie d'un certain Kurt, proche d'une secte nommée Hosanna. Pas de quoi la rassurer sur l'issue de son voyage. Elle y retrouvera Cecily Pearce, la mère de Kurt et ancienne collègue de Yale. La tension monte d'un cran, nous entraînant dans une deuxième intrigue en plein coeur de Paris où nous retrouvons également Richard, âgé de plus de quatre-vingts ans. Il faut avouer que si ce changement peut à priori paraître déstabilisant, les références au passé de Fiona auront l'avantage d'apporter un éclairage supplémentaire et plus contemporain sur les épreuves traversées par les amis de son frère et que, si elle ne fut pas contaminée par le virus du sida, survivre à la mort des autres aura sans nul doute fait d'elle une victime indirecte.



Au départ, l'idée de Rebecca Makkai était de consacrer un roman aux modèles des artistes peintres qui connurent la renommée après la première guerre mondiale, il n'est donc pas étonnant que les Optimistes s'attarde sur un troisième personnage des plus attachants : Nora Marcus, la grand-tante de Nico et Fiona. Elle permet de prolonger à merveille le lien qui unissait Yale et Nico car n'était-ce pas cette précieuse passion qu'ils partageaient l'un et l'autre pour l'art, Nico pour le dessin et Yale pour les expositions et les galeries, qui les avait rapprochés alors que Charlie et Terrence, leurs compagnons respectifs ne s'y intéressent guère.

La rencontre de Yale avec Nora, alors qu'il essaie de trouver des donateurs pour la galerie de l'université de Northwestern nous offre une intrigue supplémentaire. Avec l'aide de Cecily Pearce, il se donnera corps et âme afin de prouver l'authenticité des oeuvres en possession de Nora. Au fil des rendez-vous qui auront lieu dans le Wisconsin, s'échangeront des confidences qui nous feront revivre le Paris des années 1920 en compagnie de peintres tels que Amadeo Modigliani, Chaïm Soutine, Jules Pascin, Ranko Novak ou encore Tsugouharu Foujita, connus comme ayant fait partie de l'Ecole de Paris et ayant fréquenté la Ruche dans le cas de Modgliani et de Soutine.

Bien qu'il s'agisse avant tout d'une oeuvre de fiction, j'ai particulièrement apprécié le ton sobre utilisé par l'auteure, pour nous dépeindre les souffrances liées aux VIH. J'aurais sans doute apprécié qu'elle aille au-delà de la seule mention faite à l'AZT, l'un des premiers traitements antirétroviraux disponibles en 1985, mais elle a choisi de concentrer ses recherches sur les témoignages des survivants et les combats qu'ils menèrent pour accéder aux soins. le personnage de Yale incarne ainsi dignement le portrait d'un homme perdant, au fil des ans, ses plus proches amis sans se transformer pour autant en un héros au seul service d'une organisation défendant le droit des gays séropositifs. Yale représente bien plus qu'un homosexuel atteint du sida avec ce que cela aurait pu entraîner comme généralités sur la cause : il mène seul son combat, en s'appuyant sur Fiona, se distancie de Charlie et essaye de reconstruire sa vie sentimentale. Et bien qu'il s'engage lors d'une manifestation organisée par Act up, il se fera conseiller par son médecin traitant lorsqu'il devra à son tour entamer les difficiles démarches qui lui permettront d'obtenir son traitement.

Au vu de l'immense travail de recherche accompli par Rebbecca Makkai, dont l'identité de femme hétéro séronégative a pu être considéré par certains comme un frein pour le thème qu'elle a choisi d'illustrer sur près de 560 pages, je ne peux que vous recommander de vous lancer dans la lecture des Optimistes. Elle a su brillamment allier les combats menés et les échecs subis par un groupe d'amis aux personnalités bien distinctes depuis l'émergence de l'épidémie, en nous restituant le climat politique de l'époque, à un récit plus intime et touchant : celui d'un homme qui parvient, en partageant les souvenirs d'une femme ayant connu la première guerre mondiale, à se projeter dans son avenir incertain de telle façon qu'à son tour, il espère pouvoir devenir le relais témoin de sa génération perdue.

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