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Critique de Lamifranz


Les écrivains, c'est comme les gens, il y en a qui, dès que vous les rencontrez, ont l'air de copains, et vous avez envie de leur taper sur l'épaule. Et d'autres qui, allez savoir pourquoi, vous intimident ; ça ne s'explique pas, ce n'est pas forcément lié à ce qu'ils écrivent, c'est épidermique. Moi Malraux, j'ai toujours eu du mal. Il m'a fallu du temps pour me mettre à la lecture de cet immense écrivain. C'est je crois le personnage public qui m'a gêné, non pas le héros, non pas l'auteur, même pas le ministre dans sa fonction de ministre, (le premier et le plus grand ministre de la culture), non, je crois que ce qui m'a gêné en lui, c'était sa voix, sa voix publique, qui avait oublié la simplicité, cette voix emphatique qui se voulait solennelle et (à moi, en tous cas) se révélait grotesque : « Entre ici, Jean Moulin… » Entendons-nous bien, je ne juge pas sur le fond, ni sur le contenu de ses discours, mais sur la forme qui me paraissait très « troisième république », et d'ailleurs ce jugement n'engage que moi. Maintenant, cette théâtralité, voulue et assumée, faisait certainement partie de son « personnage ».
Et puis j'ai découvert l'écrivain. Essentiellement avec « La Condition humaine » et « L'espoir ». Dans nos programmes de Terminale, Malraux était, avec Montherlant, Saint-Exupéry, Kessel et quelques autres répertoriés comme « écrivains de l'action » : ils écrivaient leur propre vie, ils ne décrivaient que ce qu'ils avaient vécu. Parlant de guerre ou d'aventure, ils n'avaient pas beaucoup à inventer hors de leur histoire personnelle, ou de ce qu'ils avaient vu de leurs propres yeux. C'est pourquoi leur oeuvre est à la fois production littéraire (de qualité) et témoignage sur une époque.
Pour qui n'est pas familiarisé avec la géopolitique des années 20 et 30, « La Condition humaine » peut paraître, non pas indigeste, car le style de l'auteur, très « américain » (Hemingway, ou même Chandler) écarte tout ennui, mais complexe à comprendre. J'ai dû me replonger dans mes dicos d'histoires pour bien resituer les personnages historiques et le contexte international.
Le titre est tout un programme : qu'est-ce que « La condition humaine » ? Nous le comprenons dès le début du livre : la condition humaine, c'est que l'homme va mourir, et qu'il faut faire en sorte que cette vie et cette mort servent à quelque chose. L'engagement dans l'action, ici politique, peut en être une illustration.
Autour de ce grand thème (qui est certes le plus important), l'auteur insère d'autres thèmes qui lui sont chers : la fraternité et l'altruisme, sans oublier le courage. Kyo a le souci de tirer ses compagnons hors de leur servitude : c'est un concept libertaire, communiste, certes, mais également hautement humaniste : « Sa vie avait un sens, et il le connaissait : donner à chacun de ces hommes que la famine, à ce moment même, faisait mourir comme une peste lente, la possession de sa propre dignité ». La fraternité, la fraternité vécue, est une des voies (royales) qui mènent à ce partage, à cette communion dans la dignité.
Malraux, après 1945, tournera quelque peu le dos à cet idéalisme révolutionnaire, et, avec le même enthousiasme, il mettra au service du Général de Gaulle, sa plume et ses idées. Son oeuvre romanesque est déjà derrière lui. Mais avec seulement quatre romans, (« Les Conquérants » – 1928, « La Voie royale » – 1930, « La Condition humaine » – 1933 et « L'Espoir » – 1937), il s'est taillé une place de choix (une des premières) dans l'histoire littéraire.


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