L'homme ne parvient à sa maturité que dans la période où il commence à prendre conscience qu'il est responsable de tout ce qui se passe dans le monde.
Je suis une veuve qui n'a pas enterré son mari, et je rends mes derniers devoirs au mort qui porte un numéro matricule au pied en pensant à lui et en le pleurant, mais sans larmes, car nous appartenons à la génération qui ne connait pas les larmes. Je m'attends à chaque instant à ce qu'on vienne chez moi pour me confisquer mes notes. Je ne les donnerai pas de mon plein gré. On ne pourra les emmener qu'avec moi.
Mandelstam était contraint de courir les salles de rédaction. Tout le monde s'efforçait à qui mieux mieux de l'éclairer pour qu'il ne retarde pas aussi monstrueusement sur l'époque. Un jour, il m'apprit une nouvelle toute fraîche : "Il paraît que nous vivons dans une superstructure ! ..." Quelqu'un avait pris soin de lui apprendre le rapport existant entre la base et la superstructure. Dans cette superstructure, la vie était abominablement dégoutante, et nous voyions tous deux comment les liens s'affaiblissaient entre les hommes. On ne peut même pas dire qu'ils s'étaient affaiblis; ils s'étaient plutôt effrités, et ce fut l'art de la conversation qui disparut en premier.