Aschenbach a l'apparence physique de Gustav Mahler, le grand musicien autrichien, qui venait juste de rentrer gravement malade d'une tournée de concerts en Amérique ; et son agonie princière à Paris et à Vienne , telle qu'on la vécut jour après jour dans les bulletins de presse quotidiens, me décida à prêter à mon héros la rigueur passionnée du personnage d'artiste qui m'était familier.
Dans certaines limites, l'imitation est le signe du talent plutôt que du manque de personnalité.
Il fallut assez longtemps, jusqu'à ma vingtième année environ, pour que l'idée que j'étais fait pour le récit commençât à s'ancrer dans ma conscience.
Et c'est ainsi que ce livre, mon premier-né, si l'on excepte les petits recueils de récits qui avaient précédé, entreprit son voyage vers le monde, d'abord vers des rives incertaines, une maison d'édition où des gens totalement inconnus devaient décider de la valeur ou de la non-valeur de plusieurs années d'efforts, de l'existence ou de la non-existence du débutant anonyme. Aujourd'hui encore, quand j'y repense, je ne puis m'empêcher de hocher la tête, étonné , quasiment effrayé par le courage, ou serait-il plus exact de dire la désinvolture, du jeune apprenti écrivain, qui, avec une inexplicable confiance en Dieu, misa alors son avenir sur une chose écrite au petit bonheur la chance.
On a filmé "Les Buddenbrok" et ce n'est sans doute pas un bien pour les lecteurs.
Qu'un individu tombe amoureux du mode de vie d'une autre nation, qu'il se décide pour une émigration radicale, procède à la naturalisation totale de sa personne et de son esprit pour entrer dans la sphère d'un autre peuple, comme s'il s'agissait de réparer par l'intelligence humaine une erreur commise par la nature faillible, c'est un phénomène qui se répète, semble-t-il, avec une certaine régularité dans l'histoire de la culture et de la littérature
C'est la politisation, la littéralisation, l'intellectualisation, la radicalisation de l'Allemagne ; c'est son « humanisation » au sens politique occidental du terme ; c'est sa « déshumanisation » au sens du terme ; et pour employer le mot favori, le cri de guerre et de joie de celui qui se fait dans devoirs et ce sans vocation personnelle à encourager ce processus, je veux parler du littérateur radical, c'est la démocratisation de l'Allemagne –mot très sommaire, qui en somme veut affirmer un rapprochement de la mentalité allemande avec celle de l'Europe occidentale et de l'Occident en général.
Le roman, n'est-ce pas, en ce qu'il mélange des éléments synthétiques-plastiques et des éléments analytiques critiques, n'est vraiment pas un genre très allemand, il l'est d'autant moins qu'il est politique, qu'il est critique sociale. Il existe cependant une variante du roman, qui, elle, est allemande, typiquement allemande, ayant une légitimité nationale, c'est le roman de formation et le roman de développement à contenu autobiographique
Il n'y a que des cosmopolitismes nationaux.
Le penchant français pour ce qui est allemand doit être un excès de confiance en soi et non une reddition ! Un "faible" et non de la "faiblesse".