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Qu'un seul mot : MAGNIFIQUE !!
Et je pourrai en rajouter d'autres.... touchant, émouvant, tellement réel, révoltant...
Quel livre sensible, humain, déconcertant !
Un très très beau livre !!!
Je ne peux que vous le conseiller
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"Les échoués" est sous forme de roman, donc plus facile à lire qu'un témoignage brut. Je le considère comme prétexte pour dénoncer les conditions inhumaines que vivent les migrants et l'ignominie des passeurs, des transporteurs...

On découvre le parcours atroce de trois hommes de nationalités différentes et d'une adolescente protégée par son père.
C'est le début des années 1990, ils ouvrent la route, ce sont des pionniers. Tant d'autres suivront.
Les personnages sont, devant nous, et j'étais avec eux. Je ne les oublierai pas de si tôt.

On peut reprocher le romanesque de certaines pages, le rose au milieu du noir.
C'est peut-être là pour que le lecteur ne sombre pas totalement dans le désespoir, désespoir engendré par l'empathie, mais aussi par son impuissance.

Un livre très fort, une dénonciation nécessaire;

Sur ce sujet, je recommande "Bilal sur la route des clandestins" de Fabrizio Gatti;
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Autant prévenir tout de suite, voici un livre dont on ne ressort pas indemne.
C'est mon deuxième livre de Pascal Manoukian, il n'y a pas à tergiverser, il a l'art, les mots justes pour aborder les problèmes societaux. Il nous amène à réfléchir plus loin, plus fort.
Un style direct, franc, sans langue de bois et en même temps pourquoi enjoliver ce qui ne mérite pas de l'être !
Je vais avoir du mal à oublier certaines scènes.
Un livre dérangeant parce qu'il est vrai, mais aussi une leçon de vie, de courage mais qui vous fera douter plus d'une fois de l'être humain.
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1992, en France, trois clandestins venus de pays éloignés les uns des autres, vont se rencontrer. Il s'agit de Virgil, un Moldave, qui espère gagner assez d'argent en travaillant dur pour faire venir sa femme Daria et leurs trois fils, Assan, un Somalien, qui a fui son pays avec sa fille Iman, cruellement excisée, et Chanchal, un Bengali, vendeur de roses, qui survit grâce à ce petit boulot. Virgil et Assan trouvent du travail au noir dans un bâtiment en construction, exploités par un Chinois, puis connaissent un temps l'accalmie en réparant un appartement. Peu après, ils trouvent une grosse somme d'argent qui pourrait leur permettre d'exaucer leurs rêves et de faire venir leur famille en France mais il reste de nombreux obstacles encore sur leur chemin...

Je ne connaissais pas Pascal Manoukian avant de lire ce roman que j'ai vraiment beaucoup aimé ! Cette lecture est loin de m'avoir laissée insensible, elle m'a vraiment touchée car elle est puissante et bouleversante.
On a tous notre point de vue sur l'immigration clandestine et les réfugiés et cette lecture permet vraiment de concevoir d'autres points de vue que le nôtre, de changer notre regard sur ces gens qui risquent leur vie pour fuir leur pays en guerre, une religion sectaire et infligeant des tortures, une misère qui ne permet pas de vivre...
Le sort des trois personnages principaux est touchant, l'auteur réussit à créer des ponts entre eux et à faire exister une amitié qui leur permet de survivre malgré des conditions de vie inhumaines et injustes.
J'ai beaucoup aimé le message contenu dans ce livre, qui en plus recèle une écriture remarquable, Pascal Manoukian est un grand visionnaire social et le tableau qu'il dépeint de la France des années 1990 est bien précurseur hélas, de celui que nous connaissons aujourd'hui.
Je pense que je vais regarder de près la bibliographie de cet auteur afin de voir si je peux lire d'autres livres de sa main car j'ai vraiment aimé Les échoués.
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Quel roman, quelle claque ! Merci à Audrey de nous avoir soufflés ce livre chargé d'émotions. Une grande leçon pour nous qui sommes dans une vie confortable du moins certainement autre que les galères que peuvent subir, vivre, endurer tous ces réfugiés. Lire ce roman, c'est comprendre les galères de toute une population désespérée qui quitte leur pays au périple de leur vie, en laissant tout derrière eux, un déracinement total, une déchirure éternelle. Si par chance, tout se passe correctement à savoir, l'arrivée sur une terre moins hostile que la leur, leur chemin de croix n'est pas fini pour autant. Rester sans papier, ce n'est pas non plus sans danger, trouver du travail avec le lot d'exploitation totale, de brimades, des violences tant morales que physiques, puis survivre au quotidien contre toute cette hostilité.
Jamais je n'aurai imaginé ce monde souterrain, déjà dans les années 1990 l'époque où se situe cette histoire, c'est la lumière plein feu sur notre ignorance, d'une masse d'êtres humains en souffrance.
Aujourd'hui, on nous envoie des infos, mais que fait-on réellement, avec cette foule de réfugiés, comment les accueillir et les intégrer dignement et humainement. Dans un monde en crise tant économique que politique, ce terrorisme menaçant, la partie n'est pas facile à jouer, et encore moins à gagner.
Nos quatre personnages Virgil, Assan et sa fille Iman, Chanchal se croisent au seuil de leur nouveau destin, ils se soutiennent et s'entraident, j'ai beaucoup aimé ces personnages très bien dessinés dans leur malheur, l'humain restant le plus fort. Virgil le titan (c'est le surnom que je lui ai donné) sera un vrai rempart, un pilier pour Assan et sa fille, mais au final, le sacrifice de toute une vie paiera-t-elle la liberté pour sa famille ?
Que c'est beau dans les sentiments malgré les drames que nous croisons à longueur de pages. C'est beau aussi ces cultures différentes qui se soutiennent et partagent leur foi, leurs traditions. pour nos 4 personnages.
Beaucoup de belles choses dans ce roman sous une plume agréable, dont on ressent la sensibilité à fleur de papier.
Très très beau, je ne peux que vous conseiller de le lire de toute urgence et je suis certaine que vous gagnerez en indulgence quand on vous parlera de réfugiés, d'exilés etc... vous ne pouvez imaginer ce que peut vivre ces gens qui ne demandent rien d'autre que l'espoir et la paix d'une vie meilleure. N'est-ce pas là l'essentiel que tout homme est en droit d'obtenir ?
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Ils ont fui la guerre, la misère, leur pays. Ils ont survécu aux trajets dans des bateaux de fortune, dans des caches de camions. Traités comme du bétail par les passeurs, volés par les intermédiaires de la filière clandestine, ils ont appris que tout se monnaye. Qu'ils devront se battre s'ils veulent préserver leur dignité et conquérir leur liberté. Pour échapper aux contrôles, trouver de quoi se nourrir, travailler, ils devront faire preuve de persévérance, de force physique et mentale. D'égoïsme et d'entraide à la fois. de la pure folie. Parce qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. Seul l'avenir compte ; personne ne veut les voir rentrer au pays. Eux non plus ne veulent pas, ou ne peuvent pas. Il faut rester, coûte que coûte. Quel qu'en soit le prix.

Virgil, Chanchal, Assan et sa fille Iman sont moldaves, bengladais et somaliens. Ce sont des clandestins, qui ont parcouru des milliers de kilomètres pour échouer à Villeneuve-le-Roi, en France. Nous sommes en 1991, pas en 2015. Les plages de Lampedusa ne sont pas encore jonchées de corps. La mer n'est pas encore une dévoreuse d'hommes par milliers. Un petit garçon, visage contre le sable, n'a pas encore été pris en photo. Les frontières qui ferment les unes après les autres ne sont pas encore au journal télévisé tous les soirs. Ce décalage temporel est salvateur : il nous permet un recul que l'émotion de l'actualité immédiate ne permettrait pas. Il a aussi valeur d'annonciation des catastrophes humaines à venir. Comme pour nous dire qu'aujourd'hui n'est rien face à ce qui sera demain…

Les échoués pose des questions essentielles et tente d'y répondre. Pourquoi quitte-t-on son pays ? Assan et sa fille ont fui la guerre civile qui tue aveuglément dans les rues de Mogadiscio. « La guerre venait de détourner son destin. Il ne serait plus pêcheur comme son père. (…) Il lui restait un trésor et il allait le mettre à l'abri. Peu importent les chemins, il les emprunterait. Il s'userait les pieds pour guider Iman loin des cris et du sang, pour mettre des milliers de kilomètres entre elle et cette folie, même s'il lui fallait voler et tuer. » Virgil veut travailler, pour sortir sa famille de la misère ; il « avait compris que le bonheur ne s'enracinerait pas tout de suite en Moldavie. Il lui fallait aller le chercher ailleurs, seul d'abord, en défricheur. » Chanchal enfin, a été désigné pour partir ; « C'est sa grand-mère qui le lui avait murmuré à l'oreille, le douzième jour après sa naissance, ainsi que le veut la tradition. Ce serait Chanchal. Chanchal signifie « sans repos ». Puis elle avait ajouté : « Que ce nom te donne la force quand il te faudra partir, car c'est toi qui as été désigné pour l'exil et nous comptons tous sur ton courage pour survivre. » Dix-sept ans plus tard, « Sans-Repos » prit la route. » Des prénoms pour donner corps à des histoires trop souvent anonymes. Où se niche la force, le courage de ces gens ? Quelle a été leur vie d'avant, quel sera leur présent et leur futur ? L'immigration et les parcours de vie qu'elle suppose est un sujet éminemment romanesque, pourtant tous les écrivains ne sont pas à la hauteur du défi : rendre justice à cette incroyable force qui habite les migrants. Pour autant, le roman ne brosse pas un portrait héroïque de ces personnages : il n'omet pas de dénoncer la faiblesse de certains, la cruauté d'autres. Les compromis que l'on fait pour survivre, les arrangements avec sa conscience. « Il faut sans cesse contrarier sa vraie nature, se forcer à oublier ce qu'on éprouvait avant. Il n'y a pas de place pour la compassion et la pitié. (…) Il faut être prêt à tout arracher à plus misérable, plus fragile, plus découragé que soi. C'est aussi ça, la clandestinité. »

Je ne sais pas comment vous décrire ce que j'ai ressenti sans être impudique ni tomber dans le mélo, sans risquer d'altérer l'hommage que je souhaite rendre à ce livre. Allons à l'essentiel : c'est un roman bouleversant. Il est de ceux qui vous hantent, vous empêche de dormir le soir. de ceux qui font monter les larmes aux yeux, de manière irrépressible. J'ai pourtant lu, depuis deux ans, nombre de récits sur l'immigration, mais peu m'ont autant secouée. Je me demande quelle était la visée de Pascal Manoukian : remuer les consciences ? Gagné, haut la main. La qualité de son écriture aide pour beaucoup ; de la poésie brute dans certains passages, puis une phrase qui vient vous clouer au sol par sa violence… Des montagnes russes émotionnelles, voilà le sentiment qui m'a accompagné, tout au long de ma lecture. On remarque aussi, dans la maitrise de sa narration, le passé de grand reporter de l'auteur. Les conflits somaliens, extrêmement complexes, sont évoqués de la manière la plus simple et pédagogique possible. Manoukian possède une vision géopolitique de la question migratoire d'une acuité exceptionnelle. La question du travail illégal des clandestins est décortiquée méticuleusement, provoquant des frissons d'indignation. Alors oui, lire le récit de ces personnages qui ont, sans aucun doute, des « jumeaux » dans la vie réelle, est fatalement douloureux. J'ai mis une semaine à le finir, car je n'arrivais pas à en lire trop d'un coup. Après quelques pages, je me sentais suffoquer. Envahie par un sentiment de colère, de chagrin et d'impuissance. Mais la littérature ne sert-elle pas à cela ? A nous troubler, à bousculer le confort de notre existence ?

Je ne peux que vous inviter à lire ce très très grand roman contemporain. A ne pas détournez pas les yeux, même si cela remue en nous une révolte, une culpabilité (aussi) qui ne fera sans doute pas avancer les choses, mais qui est peut-être (je n'en sais rien, à dire vrai) le prix de notre lucidité. Achetez ce condensé d'humanité. Peut-être aurez-vous envie de devenir des Monsieur Julien et des Madame Elise. Peut-être pas. Mais vous ne pourrez plus jamais dire que vous ne saviez pas. Quant à vous, Monsieur Manoukian, je vous remercie du fond du coeur. Je vous souhaite, ainsi qu'à vos Echoués, des prix littéraires, des coups de coeurs de libraires, des rencontres avec des lecteurs aussi émus que je l'ai été. J'ai hâte de lire votre prochain roman. Pour le premier, vous avez déjà toute ma reconnaissance et mon admiration.

http://manouselivre.com/les-echoues/
Lien : http://manouselivre.com
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"Réfléchir, c'est déranger ses pensées." Quoi de mieux que la lecture pour nous déranger, nous aider à avancer et à réfléchir sur notre monde..Jean Rostan chercheur et académicien nous y incitait.
Pascal Manoukian m'a dérangé, m'a bousculé, et m'a démontré, si besoin était, que nous n'avions pas à nous plaindre de nos petits tracas qui font notre quotidien.
Ils ont échoué sur nos rivages, ou sont arrivés dans nos bidonvilles, couchés et cachés sous le plancher d'un camion...
"Ils.....ce sont quatre échoués. Ces quatre personnages principaux font ce roman, mais est-ce un roman?
Ils...ces anonymes qui essaient de se  cacher par peur d'être rejetés, d'être renvoyés à la frontière, ce sont d'abord  Virgil., qui vient de Moldavie dont il a fui le communisme. Il  vit dans un trou dans la forêt sous une bâche. Puis Assan qui a quitté la violence et les enfants soldats drogués de Mogadiscio . Iman, sa fille au sexe cousu  l'accompagne.  Et enfin Chanchal qui a quitté le Bangladesh et ses  inondations périodiques et meurtrières dans lesquelles chacun tente de sauver l'essentiel..
Quatre destins, quatre invisibles. Ils ont dû emprunter de l'argent, beaucoup d'argent, pour faire le voyage. Et ici, sous nos cieux, ils doivent vivre ou plutôt survivre en se cachant, en faisant des petits boulots, en repeignant des appartements, en déchargeant des camions. Heureusement il ne sont pas invisibles pour tout le monde..Certains les aident, leur prêtent un appartement en échange d'un coup de peinture, d'autres prendront beaucoup de risques, comme ce vétérinaire qui découdra Iman.. Ils seront invisibles pour la majorité d'entre nous. Invisibles par nécessité, invisibles pour rester parmi nous.  le peu qu'ils ont c'est déjà mieux que ce qu'ils avaient. Avant!
Mais pas invisibles pour tout le monde. Ils sont exploités par d'autres immigrés, par des chinois qui leur font faire tout les sales boulots dont personne ne veut.
" Vous verrez, bientôt des milliers d'autres suivront notre exemple  et se mettront en marche de partout où l'on traite les hommes comme les  bêtes, annonce Virgil. Il n'y aura aucun mur assez haut, aucune mer  assez déchaînée pour les contenir. Parce que ce qu'il y a de pire chez  vous est encore mieux que ce qu'il y a de meilleur chez nous. Vous n'y  pouvez rien, croyez-moi, ce qui vous gratte aujourd'hui n'est rien à  côté de ce qui vous démangera demain. "
Non ce n'est pas un titre pour pleurer dans les chaumières, c'est juste un coup de gueule dont on a besoin pour mieux connaître ce qui se passe dans notre monde et sous nos cieux.... dont a besoin parce que cette écriture nous dérange, pour réfléchir.
C'est bien le but de la littérature.... Non?
"Je crois fermement que la lecture et la littérature peuvent aider une société à mieux se comprendre."...ce n'est pas moi qui le dit, mais..Emmanuel Macron. Lui et tous les responsables politiques de nombreux pays ont là, avec ces hommes et femmes fuyant la violence de leur pays d'origine un très gros chantier...un chantier humain, là-bas, dans ces pays que fuient des hommes et femmes et ici.
Je reparlerai, c'est certain, de Pascal Manoukian, en espérant qu'il me dérangera encore!
"Si un Dieu a fait le monde, je n'aimerais pas être ce Dieu, car la misère du monde me déchirerait le coeur." (Arthur Schopenhauer)
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Pascal Manoukian a le don de mettre en lumière des faits de société dérangeants, ces faits divers dont on parle peu. Dans ce roman, il met sur le devant de la scène des femmes mais surtout des hommes qui comme des vagues sont venus s'échouer sur nos plages. Ils dérangent, ils sont stigmatisés, voleurs d'emploi, assistés et j'en passe. L'inconnu fait peur et certains profitent de la méconnaissance des autres pour attiser la haine. Ce roman redonne à tous ces échoués leur honneur. 

Ils ont dû tout quitter, fuir leurs origines à cause de la guerre ou pour subvenir au besoin de leur famille, ils sont ceux sur qui tout repose, car le meilleur chez eux ne vaut même pas le pire chez nous. Alors pour ça ils vont partir, risquer leur vie, tel une vague qui déferle sur l'Europe mais qui laissera sur son chemin des gouttes... Car ce voyage c'est au péril de leur vie qu'ils l'accomplissent et s'ils y arrivent l'eldorado est loin d'être doré mais la honte les empêchent de le faire savoir et les vagues ne s'arrêtent pas, le mirage existant toujours pour les proches!

L'auteur nous parle avec pudeur et justesse de ces hommes qui pour survivre sont traités sans respect mais ils s'accrochent. Il relate les faits, loin de l'image que certains veulent véhiculer des immigrés. Une image sincère, touchante. La vie dans leur différent pays nous est dévoilée par leurs souvenirs et par ce biais l'auteur nous rappelle notre chance. Il aborde aussi la place des femmes dans ce combat. Leurs conditions de vie en France, ce pays civilisé me font honte, mal. Heureusement l'espoir et le courage sont omniprésents. Les mains tendues vers eux rares mais belles. La fin est bouleversante. 

Un roman essentiel, prenant, intense! Je ne peux que vous le conseiller pour avoir un autre regard sur ces survivants! Des hommes et femmes invisibles à qui l'auteur redonne une visibilité, cette lecture est bouleversante et poignante!
Lien : https://leslecturesdemamanna..
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Dimanche 10 novembre, le temps gris et pluvieux est un magnifique alibi pour ne rien faire d'autre que lire. Et c'est « Les échoués » de Pascal Manoukian qui va me retenir sur mon canapé toute la journée pendant que je dévore les 285 pages de ce livre magnifique.
Trois hommes et la fille de l'un d'entre eux vont fuir leur pays poussés par l'absence de travail en Moldavie, la guerre et les violences faites aux femmes en Somalie et l'absence d'avenir au Bangladesh où les familles désignent l'un d'entre eux pour partir loin chercher de quoi les faire survivre. Virgil, Chanchal, Assan et Iman partent sur les routes de l'exil pour rejoindre la France. le calvaire du voyage, les difficultés sans fin à leur arrivée en région parisienne, la vie invisible et violente des clandestins, l'exploitation par plus chanceux qu'eux, la faim et le froid, c'est tout ça qu'ils doivent affronter avec courage, dignité et un peu de chance. Car dans cet océan d'horreurs en tout genre, la solidarité de quelques personnes qui leur tendent la main sera leur chance. Les personnages se croisent et vont nouer des liens forts.
J'ai rencontré dans ma vie professionnelle de nombreux clandestins et je les vois vivre dans les bidonvilles qui s'installent aux portes du nord-est de Paris où je vis et ce livre est en dessous de la vérité. Oui, les abominations qu'il raconte sont réelles et rien n'est exagéré. Ceux que je croise tous les jours en sortant de chez moi ont des parcours similaires et risquent leur vie pour rejoindre l'Europe où on ne les attend pas et où on les accueille de façon indigne.
Le récit est servi par une écriture simple et sans afféteries et rend justice à tous ces migrants qui m'ont tant appris.
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Le titre du roman Les échoués raisonne comme un coup de boomerang avec l'actualité. Les échoués ce sont les rescapés de la mer, de la traversée mortuaire des migrants en Méditerranée. Au fil du roman, ce titre prend de plus en plus son sens, notamment quand le narrateur compare métaphoriquement l'immigration aux vagues de l'eau « Rien ne semblait les endiguer. Certaines accostaient en douceur et disparaissaient en se fondant dans le sable, d'autres mouraient disloquées sur la promenade selon aucune logique apparente. Parfois, les fracas s'enchaînaient, d'autres fois, c'est à peine si on les entendait glisser sur la plage ».

C'est l'histoire de trois immigrés : Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien qui quittent leur pays pour trouver refuge en France. Arrivés vivants mais endettés, sans papiers, sans travail, leurs destins se croisent. Pour s'en sortir, ils vont tout partager. Ils affrontent ensemble des conditions de vie misérables, les repas dans des poubelles, les nuits enterrés dans la terre, les travaux sous-payés et maltraités, les violences, la haine et la xénophobie, le désenchantement de leur arrivée, la peur, les promesses non tenues, le désespoir.

On est alors en 1992, après les vagues d'immigration initiées par la France pour se fournir en main d'oeuvre peu chère, et avant les guerres sanglantes en Syrie et en Libye qui feront venir, bien malgré eux, des réfugiés. Ce sont les « pionniers » comme ils s'appellent. Comme une prophétie réalisatrice, l'un d'eux déclare « Vous verrez, bientôt des milliers d'autres suivront notre exemple et se mettront en marche de partout où l'on traite les hommes comme des bêtes. Il n'y aura aucun mur assez haut, aucune mer assez déchaînée pour les contenir. Parce que ce qu'il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu'il y a de meilleur chez nous ».

C'est un roman qui fait réfléchir et se questionner sur les conditions de vie des clandestins, leurs droits, la manière dont ils sont traités à leur arrivée en France (ou ailleurs), le voyage mortuaire qu'ils entreprennent pour quitter leur pays. On croit connaître leur quotidien, on est lassé parfois d'entendre le même refrain sur « ces immigrés qui prennent nos boulots » et l'auteur a pour objectif de nous remettre les idées en place « C'est mathématique, il arrive à peu près quatre centre mille clandestins chaque année en Europe. Ça représente à peine 0,001% de la population. C'est tout à fait gérable, même en période de grand chômage comme aujourd'hui. Alors ces histoires d'invasion, de colonisation à l'envers, c'est ridicule ! À ce rythme-là, vous savez combien il faudrait d'années pour que les immigrés détrônent les Européens ? (...) Mille ans ! Où est la menace ? (...) C'est pour ça que j'aime les chiffres ! Quand on sait les faire parler, c'est le meilleur rempart contre la bêtise et l'ignorance ».

Le destin des trois protagonistes se lie assez rapidement. On s'attache très vite à eux. On ressent avec force leur volonté de vivre et leurs espoirs. L'auteur raconte leur histoire avec authenticité, sans tomber dans un pathos exacerbé. Il est sobre. Et pourtant, on en ressort les yeux embués de larmes, on a dû mal à les retenir. C'est un roman magnifique qui affirme clairement et simplement des idées fortes. Il est aussi bien documenté grâce aux années de journalisme de l'auteur dans les zones de conflit. Il invente en fond de cet espèce de livre-documentaire, une fiction solidaire entre trois hommes, peut-être pour rendre le récit un peu plus supportable tant la réalité du sujet est difficile.

S'il n'a pas été aisé de trouver les bons mots à poser sur ce roman, c'est parce que Pascal Manoukian a réussi à redonner voix à tous ces hommes et ces femmes, qui, chaque jour, tentent l'impossible pour changer de vie.
Lien : https://littecritiques.wordp..
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