Ça nous flatte, quand on est jeune. On se croit important, essentiel même.
Tous nos efforts, notre sophistique, tout notre savoir à la fois acquis ou prétendu ; les stratagèmes de l’État, les décrets des avocats, les imprécations des hommes d’Église et les graves résolutions des juges, sacrées et séculaires : tout cela peut être vaincu par un corps de femme...
Les cyniques lui disent, de tels péchés sont inévitables, si vous enfermez des hommes sans femmes, ils s’attaqueront aux novices plus jeunes et plus faibles, ce sont des hommes, et c’est dans la nature humaine. Mais ne sont-ils pas censés s’élever au-dessus de la nature ? À quoi bon toutes ces prières et tous ces jeûnes, s’ils succombent quand le diable vient les tenter ?
Ces hommes – toutes générations confondues – sont avec le roi depuis son lever jusqu’à son coucher, à chacun de ses moments d’intimité. Ils sont avec lui aux latrines, et lorsqu’il se rince les dents et crache dans une bassine d’argent ; ils le tamponnent avec des serviettes et lacent son pourpoint et ses chausses ; ils connaissent sa personne, chaque grain de beauté ou tache de rousseur, chaque poil de sa barbe, et ils tracent le contour des îles formées par sa sueur quand il revient du court de tennis et arrache sa chemise.
Le tiraillement de la famine engendre des monstres.
Mieux vaut ne pas mettre les gens à l’épreuve, ne pas les mener au désespoir. Faites-les prospérer ; l’abondance les rendra généreux. Les ventres pleins favorisent les bonnes manières.
C’est un enseignement qui fait naître la terreur dans les cœurs... Que Dieu nous ait créés uniquement pour nous damner. Que ses pauvres créatures, à quelques rares exceptions près, soient nées uniquement pour lutter dans ce monde avant de finir dans les flammes de l’enfer.
Il n’est pas rare que les filles de la ville apprennent les lettres et même un peu plus. On pourrait même leur enseigner la comptabilité. C’est ce qu’on entend dire. Ça les aiderait à trouver de bons maris, une famille de marchands apprécierait une telle éducation.
Une génération plus tard, les fautes doivent être pardonnées, les réputations rétablies ; sinon l’Angleterre ne peut avancer, elle retournera sans cesse à son sale passé.
La guerre était leur nature, et la guerre est toujours prête à revenir. Ce n’est pas juste au passé qu’on pense quand on traverse ces champs à cheval. C’est à ce qui est latent sous le sol, ce qui se multiplie ; c’est aux jours à venir, aux guerres futures, aux blessures et aux morts que le sol d’Angleterre garde au chaud comme des graines.