AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Un pape pour l'Apocalypse (21)

Dans ce pays, certains tenaient l’alcool de manière ahurissante. Il avait eu un jour le cas d’un type qui s’était cassé une cheville en sortant de chez lui compètement rond. On l’avait ramassé et ramené au poste pour dégriser. Par acquit de conscience, on avait fait une prise de sang… Elle était revenue avec la note « Record ! Sept grammes ! ».

Commenter  J’apprécie          160
Il avait un appétit proprement pantagruélique et pouvait ingurgiter des quantités de nourriture stupéfiantes ; et pas du léger, non, de la cuisine locale, avec charcuterie, patates et fromage à chaque étape, comme s'il en pleuvait, à 30000 calories la portion... N'importe qui, en avalant le quart du tiers de ce qu'il bâfrait en un repas, en aurait crevé d'indigestion dans d'atroces souffrances, mais Albert, lui, vous ingurgitait tous ça sans même une aigreur d'estomac.
Une fois, Malo l'avait vu s'enfiler trois kilos de truffade, le plat régional -pommes de terre, tomme de cantal et crème fraîche, voire saindoux quand ça ne suffisait pas, en un mélange fileux à souhait et hypercalorique, le genre à côté duquel une tartiflette faisait figure de cuisine allégée-, et repartir comme si de rien n'était.
Commenter  J’apprécie          70
— Ils sont tous comme ça, là-bas ?
— Non… Albert est un modèle unique… Je pense qu’on a cassé le moule à la naissance quand on a vu ce qui en sortait.
Commenter  J’apprécie          70
Malo devinait que les mouchoirs ne seraient pas de mise cette fois.

Il avait, au bout des doigts, ce fourmillement, cet indicateur infaillible qui le titillait quand il reniflait une piste et qui ne l’avait jusqu’alors jamais trahi.

Il fallait qu’il se calme… Et reprenne les choses depuis le début.

— Les présentations d’abord, si vous le voulez bien, Monsieur…

— Lapierre, le renseigna obligeamment son interlocuteur, qui semblait se retenir à grand-peine, pressé, visiblement, de vider son sac, comme tous ceux qui venaient envahir son bureau sans y avoir été invités.

Lapierre… Lapierre… Comme le bonhomme lui-même, le nom lui rappelait quelque chose. Il lui semblait l’avoir lu, il n’y avait pas longtemps…

— Monsieur Lapierre, répéta-t-il, espérant que le fait de prononcer ces syllabes le mette sur la voie.

— Yves Lapierre, précisa le petit homme trapu.
Commenter  J’apprécie          30
J’ai besoin de vous, capitaine. »

Combien de fois, depuis qu’il était à Aurillac, Malo avait-il entendu ces mots ? Dans la bouche d’une mémé qui avait perdu son caniche, d’une ménagère dont le mari s’était tiré avec la boulangère… Que savait-il encore ? C’était d’habitude le prélude à une longue plainte, parfois entrecoupée de sanglots déchirants − d’où la boîte de mouchoirs en papier dont il avait pris soin de garnir son bureau −, où de brusques montées de colère se terminaient par quelques tapes dans le dos et une reconduction à l’entrée du commissariat, comme le psy vous ramenait à l’entrée de son cabinet, les honoraires en moins…
Commenter  J’apprécie          10
Parce que la voix, c’était la seconde arme d’Albert, celle à laquelle même ceux qui avaient résisté à ses torgnoles finissaient par céder. Dire qu’Albert avait de l’organe, c’était pas lui rendre justice. Ce n’était pas un organe, qu’il avait, c’était un haut-parleur, une sirène de pompier, et encore, le mot sirène était trop gentil. Albert, il pouvait pousser des braillantes à vous déchausser les dents des suspects, quand il leur bramait aux oreilles : « Je suis sûr que si ton pauvre Papa voyait ce que tu as fait, il sortirait de sa tombe pour venir te coller une mornifle ! Et d’ailleurs, tiens, je te la donne pour lui ! »

Mais ça, c’était rien par rapport au moment où il se levait, en fin de repas grandiose, pour se mettre à beugler, du haut de son mètre quatre-vingt-dix-sept : « Étoile des neiges. »
Commenter  J’apprécie          10
Albert était… une caricature.

Taillé comme un ours, et encore pas un fluet, Albert aurait collé des complexes à Schwarzenegger à sa meilleure époque. Dans la région, le rugby était une religion, Albert était né pour y jouer, et ça tombait bien parce qu’il y jouait effectivement. S’il n’était jamais devenu pro, c’est qu’Albert possédait le sens tactique d’une huître, même s’il déménageait comme personne, et qu’il aimait beaucoup trop son boulot de flic pour le lâcher.
Pourquoi aimait-il son boulot, Albert ? Malo le soupçonnait d’adorer mettre des claques, et c’est vrai qu’il les mettait comme personne. Une claque d’Albert, ça suffisait généralement à faire avouer n’importe quoi à n’importe qui, et Albert n’était pas avare pour deux sous. Il claquait avec générosité, égalité et sans discrimination aucune à peu près n’importe qui. Albert, il fallait lui rendre cette justice, dans l’art de la mornifle ravageuse, n’était pas raciste pour deux sous : les blancs, les noirs, les jaunes, les rouges, pour lui, c’était tout un.
Commenter  J’apprécie          10
Quant aux « crimes » à proprement parler, si on donnait dans le sordide et les affaires de mœurs bien dégueulasses, comme partout ailleurs − violences conjugales, viols, tout ça avec ou sans alcool, et de temps à autre un suicide ou un homicide −, c’était, le plus souvent, la conclusion d’une infidélité ou la colère d’un mari trompé qui, rentrant chez lui trop tôt et fin bourré, trouvait bobonne dans le lit conjugal en compagnie d’un autre homme. Alors, ni une ni deux, monsieur décrochait le fusil de chasse que possédait tout bon Cantalou et faisait un double carton, voire un triple s’il se faisait ensuite sauter le caisson.
Commenter  J’apprécie          10
Dans cette charmante cité, au creux d’une vallée verte et douillette, celle de la Jordanne, les embouteillages étaient inconnus ; on commençait à râler quand on mettait plus de dix minutes pour traverser toute la ville. La délinquance se limitait à quelques vols de mobylettes, des cambriolages minables chez le buraliste du coin avec des instruments de cuisine ou de bricolage… Généralement, une fois l’alarme déclenchée, il suffisait de se pointer et de planquer sur les lieux du crime en attendant que les coupables reviennent récupérer ce qu’ils avaient oublié. La dernière fois, il s’en souvenait, c’était à la masse que les « cambrioleurs » − il osait à peine employer le mot − avaient attaqué une bijouterie. Bien sûr, ils n’avaient pas réussi à fracasser la vitrine en verre sécurit et feuilleté, et la masse était restée coincée dedans. Comme l’alarme avait retenti, ils avaient vite déguerpi… Quand Malo était arrivé sur les lieux, il avait intimé l’ordre à son subordonné de couper les phares et d’éteindre le moteur. Ils avaient attendu sagement. Un quart d’heure plus tard, les deux silhouettes furtives revenaient sur la pointe des pieds pour tenter de récupérer la pièce compromettante qu’ils avaient maniée sans gants. Consternant.
Commenter  J’apprécie          10
— Alors vous comprenez, capitaine, c’est à ce moment-là que le type…
— Celui avec la barbiche ?
— C’est ça… Mais en fait, c’était pas un type…
La voix était hachée, le débit rapide mais laborieux, celui qui parlait avait une pantoufle à la place de la langue et au minimum deux grammes dans chaque bras.
Le capitaine Malo Sinclair, brun, trente ans révolus, tiré à quatre épingles avec son gilet habillé et sa montre à gousset façon vieille époque − qui lui avait valu, à la Crim’, le surnom de « Milord » − écoutait d’une oreille distraite la déposition du vieux Jacky. Un des habitués de la maison, presque tous les samedis, surtout par nuit fraîche à partir de fin septembre et jusqu’au printemps. Cette fois, on était parti pour du lourd, dans le genre délire mystique…
— Ah non ? Et c’était quoi ?
Il se demanda un instant si c’était de la curiosité malsaine ou du pur masochisme, lui qui supportait de moins en moins les élucubrations éthyliques des poivrots « made in Cantal ».
— Le diable, capitaine, c’était le diable… Je l’ai vu, je vous dis.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (68) Voir plus




    {* *}