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230 pages
J. Vermot, libraire-éditeur (01/06/1863)
4.5/5   1 notes
Résumé :
"Une Croix d'Or" est la version revue, corrigée et définitive du récit de voyage précédemment paru en 1857 comme première partie du recueil "Veillées sur Terre et sur Mer".
Le récit raconte le voyage de l'auteur à travers l'Océan Atlantique jusqu'à Halifax, puis New York durant l'année 1839.
Signé sous le pseudonyme "Monsieur de Bussy", ce roman prend la forme d'un journal de voyage écrit au jour le jour par Charles Marchal à l'attention d'une amie de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Charles Marchal est un de ces auteurs dont le nom même posait trop de problèmes à la postérité pour qu'elle s'en préoccupe très longtemps. Il est en effet facile de confondre ce Charles Marchal (1822-1870), journaliste et écrivain, avec l'homme politique antisémite Charles Marchal (1849-1914) ou l'administrateur colonial Charles Marchal (1855-1917). Heureusement, me direz-vous, Charles Marchal réservait son vrai nom à ses articles et a rédigé la plupart de ses livres sous les pseudonymes aristocratiques "M. de Bussy", "Ch. de Bussy" ou "Charles de Bussy", mais il y a eu ensuite un autre Charles de Bussy (1875-1938), lui aussi écrivain, et qui plus est, dessinateur humoristique. Il est donc facile de se perdre dans cette avalanche de Charles du XIXème siècle.
Ce Charles Marchal de Bussy fut cependant le premier homme public à porter alternativement ces deux noms, mais pur produit de la Monarchie de Juillet, converti sans trop de difficultés au Second Empire, il eut la mauvaise idée de disparaître précocement au moment même où naissait la IIIème République des décombres de la Guerre Franco-Prussienne. Il fut donc enseveli avec cet Ancien Régime dont il avait presque partagé la destinée...
Auteur aimable, bon enfant, précieux mais sans prétention, Charles Marchal a surtout laissé des essais, des ouvrages politiques d'abord ardemment républicains puis progressivement convertis à la politique de Napoléon III, ainsi que beaucoup d'ouvrages du type "s'instruire-en-s'amusant" destinés à un public populaire ou étudiant, des dictionnaires thématiques, des livres d'histoire, dont plusieurs études se penchant sur l'histoire, commune ou séparée, du socialisme et du christianisme. Sa sensibilité était indéniablement celle d'un catholique de gauche.
Au milieu de toute cette abondante documentation d'érudit, les oeuvres de fiction furent rares, et les best-sellers plus encore. Une exception fut faite toutefois pour un solide volume constitué de trois parties qui fut publié en 1857, sous le titre partiellement inexact de « Veillées Sur Terre Et Sur Mer », qui rassemblait trois récits, lesquels, plus tard, furent republiés séparément : « Une Croix d'Or », « L'Astrologue Malgré Lui » et une étude historique sur « Richelieu et Gaston de France ». La première partie, « Une Croix d'Or », seule à nous intéresser ici, fut republiée en 1863, dans une édition fortement remaniée, qui peut-être considérée comme la version définitive.
« Une Croix d'Or » est un roman contextuel qui fut écrit en réaction aux succès alors insolents des romans maritimes et des romans de voyage, lesquels bénéficiaient d'une grande faveur auprès du public, notamment ceux signés par Alexandre Dumas, dont les « Aventures de John Davys » sont évoquées à demi-mot via une allusion à Smyrne dans la préface originelle (assez violente dans la première édition de 1857, puis grandement tronquée dans cette réédition de 1863 : sans doute l'auteur s'était-il réconcilié avec Dumas entre temps).
L'argument de Marchal est que la plupart de ces romans, sacrifiant tout à l'aventure et à l'exotisme, manquent de réalisme et n'apportent pas au lecteur des informations fiables sur des pays que leurs auteurs n'ont pas visité. Aussi, lui, Marchal, se propose-t-il d'écrire un récit véritablement réaliste, fondé sur un véritable voyage qu'il a effectué aux États-Unis en 1839. Nous verrons plus bas pourquoi il est permis de douter à la fois de la réalité de ce voyage et de la sincérité de l'auteur. Mais déjà cette date de 1839 intrigue, d'autant plus que dans ce souci de réalisme, le roman se présente comme un journal de voyage écrit en temps réel. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de le publier, et ne le faire qu'en tant que contre-exemple d'une littérature imaginative, s'il s'agit d'une oeuvre ancienne et authentique, qui n'avait pas cette vocation ?
Comme il s'agit en réalité d'un voyage imaginaire, il est probable que l'auteur, qui n'a jamais mis lui non plus un pied sur le continent américain, se méfie d'un lecteur ou d'un collègue voyageur éventuel, qui, lui, serait en mesure de vérifier si ce que Charles Marchal a décrit est vrai. Or, en situant son récit en 1839, Marchal se prémunit contre toute différence entre sa vision de Halifax et de New York (les deux villes qu'il prétend avoir visitées, bien qu'il semble ignorer qu'Halifax se trouve en réalité au Canada) et leur aspect réel en 1857 ou 1863. Il était toujours possible d'objecter qu'en 1839, cela ressemblait bien à ce qu'il en raconte. Personne ne pouvait le vérifier.
« Une Croix d'Or » est donc le récit, assez monotone dans un premier temps, d'un voyage de plusieurs mois sur l'Océan Atlantique, de juillet à septembre 1839. le journal de voyage est en fait écrit à destination de sa compagne, Madame ***, restée à Paris et qui lui a offert une croix d'or en pendentif comme porte-bonheur pour le protéger durant son voyage. du moins, dans la version de 1857, car en 1863, l'introduction très sentimentale a été effacée, la croix d'or demeure, mais la destinataire du journal est alors devenue une simple "amie de sa mère". On imagine que Charles Marchal était marié en 1863 avec une femme qui n'était pas celle qui partageait sa vie en 1857. À moins que quelqu'un lui ait fait remarquer qu'ayant 17 ans, en théorie, lors de ce voyage, il ne pouvait être si tôt engagé et partir pendant presque un an pour un voyage de plaisance. Précaution inutile, car ayant corrigé son début de chapitre mais pas le reste du manuscrit, les mots tendres pour son interlocutrice abondent tout au long du récit, et semblent assez incongrus pour une simple "amie de sa mère".
Réaliste avec une certaine intégrité, la narration démarre donc très platement, comme un journal de voyage que n'importe qui d'un minimum lettré pourrait tenir. Certaines entrées du journal ne parlent que de détails météos sans importance. D'autres présentent les voyageurs qui accompagnent Charles dans sa croisière : le très bagarreur Comte de Hottenterre, le capitaine Born, qui joue constamment (et mal) du violon à chaque moment de libre, une mère seule et son enfant trop frêle, lequel périra d'une fièvre impossible à soigner au milieu de la mer, et enfin, quelques raconteurs d'histoire qui sont bien pratiques pour passionner un peu le lecteur avec des contes tout à fait feuilletonesques, mais que l'auteur juge cohérents avec sa démarche de réalisme, dès lors qu'ils sont racontés par des tiers.
Un bateau inconnu leur donne un instant la chasse, ils craignent une attaque de pirates, mais ce ne sont que de très inoffensifs contrebandiers de cigarettes qui viennent proposer leur stock à ces voyageurs peut-être en manque de tabac. Soyons réalistes, on vous dit !...
Néanmoins, le réalisme tourne court au moment de l'arrivée à Halifax, où, déchirant sa coque contre un rocher, le bateau va faire naufrage sur un îlot proche des côtes. La violence du choc provoque l'immersion du pont par une vague qui emporte la moitié des passagers vers une noyade certaine. Une fois remis de leurs émotions, les survivants n'ont rien de plus pressé que de profiter de leurs vacances en visitant la ville, le temps que le capitaine répare le bateau (et Dieu sait qu'une coque disloquée se répare en une semaine). Dès lors, le voyage se poursuit en train et en calèche, et l'Amérique (incluant donc le Canada) de 1839, "avare de monuments", n'a pas grand-chose d'extraordinaire à révéler. Marchal nous en parle avec finesse et élégance, peste non sans raisons sur la mentalité américaine, mais ce qu'il raconte a moins d'intérêt que la manière dont il le raconte. Et comme il n'y a rien à voir et peu de choses à décrire, Marchal rencontre plusieurs personnes qui vont lui raconter des anecdotes, évidemment extraordinaires, qu'il transcrit avec enthousiasme - mais valait-ce la peine de traverser l'Atlantique juste pour écouter des histoires ?
L'une d'elles, qui prend une bonne partie des soixante-dernières pages, n'est rien moins qu'un conte fantastique, qui semble avoir été un peu artificiellement incrusté dans le roman, et qui narre l'histoire supposée à l'origine d'une maison hantée, aux environs de New York : un inventeur y vivait il y a un demi-siècle. Avant de mourir, il offrit à son fils sa dernière invention : une pelote de fil qui fait accélérer le temps quand on la déroule, afin de faire passer plus vite les moments difficiles. le jeune homme, mû par l'impatience de la jeunesse, use et abuse du procédé qui le fait vieillir, mais sans lui enseigner l'expérience de la vie. Ainsi, étant fiancé à une jeune femme, et désireux de se retrouver tout de suite au moment de la nuit de noces, il tire un peu trop sur la ficelle et se retrouve après deux ans de mariage, devant la tombe de son épouse brutalement morte d'une phtisie. Perpétuellement frustré, le jeune homme gâche en six mois ses 80 ans de vie, et devant un ami incrédule à qui il raconte son histoire, il déroule la pelote jusqu'au bout et disparait devant les yeux de son interlocuteur, tandis que la maison est brutalement plongée dans le noir. Depuis, on dit que son fantôme erre dans la maison, à la recherche de ses années de vie dissipées…
Le conte est plaisant, quoiqu'un peu trop inspiré du fantastique allemand pour être américain, mais encore une fois, où est le réalisme dans ces incessantes mises en abyme ? Pas tellement plus, reconnaissons-le, que dans le retour de Charles Marchal vers la France dans son navire réparé, dernière partie du journal de voyage, bâclée en à peine 8 pages, ce que ne ferait sans doute pas un véritable voyageur…
On l'aura compris, « Une Croix d'Or » est une fumisterie, mais une fumisterie aimable à défaut d'être convaincante. Récit aléatoire et sans doute improvisé, l'expérience littéraire de Marchal a le charme de ses imperfections, de son humour gentillet et perfide à la fois, de ses jugements à l'emporte-pièce et d'une certaine imprévisibilité rare dans ce type de littérature. de plus, les nombreuses erreurs géographiques, historiques, anecdotiques, voire biologiques (un oiseau de mer est désigné à un moment par le nom anglais donné au martin-pêcheur, oiseau de lacs et de rivières exclusivement) sont finalement sympathiques et même nanardesques avant l'heure.
Malgré quelques inévitables longueurs et un certain nombre de narrations approximatives, « Une Croix d'Or » parvient à être dépaysant, amusant et relaxant, même si on est évidemment très en-dessous des grands romanciers d'aventure, et qu'en matière de journaux de voyages réalistes et documentés, on a fait évidemment beaucoup mieux depuis. Il n'empêche, « Une Croix d'Or » est une curiosité improbable et désuète, à découvrir sans méfiance, ne serait-ce que parce qu'elle est assez surprenante pour son époque.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Que vous dirais-je des Américains, que vous ne sachiez déjà ? - New York, c'est Londres, moins la fumée et le brouillard. C'est une ville immense, triste, morne, austère, puritaine, bâtie d'hier, sans caractère et sans monuments.
Rien de grand, rien qui annonce la capitale d'un grand pays : pas de peintres, pas de musiciens, pas de poètes; quelques journaux qui donnent le prix courant des marchandises du port. Cooper et Washington Irving, les deux seuls écrivains des États-Unis, sont bien loin de jouir, chez eux, de la réputation qu'ils se sont acquise en Europe. - Leur renommée a passé les mers et n'a pu s'étendre dans leur pays.
Vous savez aussi bien que moi ce que c'est que ce peuple ennuyé et ennuyeux, plein de morgue et de hauteur, malgré ses prétentions démocratiques; peuple de républicains, où la moindre différence de fortune établit entre les citoyens des distinctions de classe bien autrement tranchées que dans les pays où règnent encore les castes nobiliaires.
Je n'aurai plus rien à vous dire sur ce peuple quand je vous aurais parlé de ses "philanthropes", qui font mourir de faim tous les ans un certain nombre de personnes, sous prétexe de les nourrir de bouillons faits avec des moules de boutons et autres comestibles également nourrissants.
New York, c'est la civilisation à sa plus haute période, moins les arts, moins ce qui constitue la vie morale d'une nation.
Le pain est extrêmement rare à New York, on le remplace par des pommes de terre appelées "patates" dans le pays. Cette circonstance a donné à une modification dans l'Oraison dominicale, qui se dit dans les églises protestantes de la manière suivante :
- Notre père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, donnez-nous aujourd'hui nos "patates quotidiennes", etc, etc...
On ne s'est avisé de cette rectification que depuis une dizaine d'années. C'est le "bishop" (évèque protestant) de Charlestown qui en a eu le premier l'idée.
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Rendons cette justice à la bonne foi puritaine des Etats-Unis, qu'ils secondent puissamment les efforts des armateurs en lançant de temps en temps, en Europe, des prospectus destinés à leur amener des Blancs pour défricher leurs terres. Ils se servaient autrefois de Noirs pour cet usage, mais comme ces derniers coûtaient davantage, attendu qu'il fallait les acheter et les nourrir, ils se contentent maintenant de faire la traite des Blancs, qui leur rendent le même service et ne leur coûtent absolument rien. D'ailleurs, la philanthropie réclamait depuis longtemps l'abolition de la traite des Noirs, et les américains des républiques unies sont, avant tout, "philanthropes" !
Pour avoir une idée du paradis, il faut lire les prospectus américains. Ce que veulent ces bons spéculateurs, c'est rendre service à l'humanité. Allez ou n'allez pas aux États-Unis, peu leur importe. C'est inouï, incroyable, merveilleux. On donne la terre pour rien, là-bas; on donne des bestiaux, de l'argent, des instruments de travail, c'est la philanthropie exercée sur la plus vaste échelle. Et quelle terre bénie de Dieu que celle de ces forêts plus ou moins vierges ! Comme tout y pousse en abondance, tout ce qui n'a pas l'habitude d'y pousser : le blé produit du pain tout cuit; le gibier se prend, se plume et s'embroche lui-même; les légumes poussent épluchés; les poissons n'ont pas d'arêtes. Les lions, les tigres, ont des dents de diamant qu'ils se laissent arracher pour avoir le plaisir de les voir toutes montées sur la personne des colons. C'est l'Éden de la Bible, plus la jouissance de l'arbre de la science, moins le serpent. Comment ne pas croire à de telles promesses "imprimées" sur des prospectus ? Ô Gutenberg !...
Ainsi trompées, des familles émigrent, pleines de l'espérance la plus robuste, vers ces fortunés rivages... Hélas, hélas, quelle déception les attend ! Il n'y avait de réel en tout cela que les prospectus...
J'invite fortement les pauvres gens à ne plus croire aux prospectus des bourgeois américains...
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