Citations sur La langue géniale : 9 bonnes raisons d'aimer le grec (34)
« L’homme, la femme. Le ciel, la terre, la mer. La bouche, la pensée. L’arbre, le fruit. Le grec ancien avait une façon intense de donner au monde un visage. Une manière d’aller chercher la nature très loin sous la surface des choses. En dehors des genres féminin et masculin avec lesquels nous choisissons d’exprimer la vie dans nos langues, le grec possédait un genre en plus : le neutre. »
« Durant des millénaires, les Grecs n’ont été ni un état ni une nation, mais ont toujours été un peuple. Constamment poussés à mesurer leur langue à l’aune de leur conception de la vie, ils ont façonné, limé, aimé ou renié le grec en choisissant chacun de ses mots, en les préférant à ceux des peuples voisins, ou parfois usurpateurs, siècle après siècle, millénaire après millénaire. Langue vivante, langue morte : le sens du grec est renfermé dans le regard, l’histoire et surtout la manière de penser des Grecs, de ce lointain d’où sont envoyés les cartes postales réunies dans ce livre. »
Le grec ancien, quoi qu’on ait pu vous dire (et surtout taire) est avant tout une langue.
Chaque langue, avec tous les mots qui la composent, sert à décrire le monde. Et ce monde c’est le vôtre. C’est grâce à la langue que vous pouvez formuler une idée, faire parler une émotion, communiquer votre état, exprimer un désir, écouter une chanson, écrire des poèmes.
Cela n’a […] pas d’importance que vous connaissiez le grec ancien ou non. […] Dans les deux cas, ces pages seront l’occasion, entre vous et moi, de jouer à penser en grec ancien.
Si j’ai écrit ces pages, c’est parce que, petite fille, je suis tombée amoureuse du grec ancien : il est en fin de compte l’histoire d’amour la plus longue de ma vie.
Voir mon premier livre traduit en français est pour moi un pur émerveillement. Parce que La langue géniale est le récit d'une langue, le grec ancien, qui n'a jamais cessé de séduire les hommes et les femmes de toutes les époques et de toute provenance, par sa grâce, son élégance, et surtout son étrangeté.
Traduire signifie, selon le latin, prendre le lecteur par la main, l'accompagner au-delà de sa façon de penser par le biais d'une langue inconnue afin de dévoiler la magie, lever le voile sur le sortilège des mots et les faire devenir une réalité surprenante, une passion.
C'est pourquoi voir mes propres mots nés dans une langue, l'italien, pour raconter une autre langue - ce grec que Virginia Woolf appelait en 1905 The magic Language -, accoster dans un nouveau port, celui de la langue française, tient pour moi de la véritable magie !
Surtout, il n'arrive jamais qu'un ordre déterminé des mots serve à exprimer une fonction syntaxique : chaque mot grec que nous lisons aujourd'hui dans les textes se trouve précisément là - et non ailleurs - par la volonté d'expression spécifique de celui qui écrit. Une volonté par conséquent entièrement individuelle et un choix entièrement irremplaçable. Et cela est bel et bien dû à l'usage singulier que fait le grec de son système de cas. Une anarchie organisée de mots. Une liberté sans égale du sens de l'expression, dissocié de toute fonction strictement syntaxique ou logique.
Comme cela arrive souvent, en matière de langue mais surtout dans la vie, on a besoin de l'étrangeté pour illuminer le sens.
Le livre que vous avez entre les mains n'est pas un manuel de grammaire grecque, mais un récit non conformiste de la grammaire grecque.
Ceux qui ont connu la rare grâce d'aimer vraiment sauront toujours distinguer la différence d"intensité et de respect qu'il y a entre penser "nous deux" et penser "nous" ; mais ils ne savent plus le dire. Pour le dire, en effet, il leur faudrait le duel du grec ancien.