Des cris partaient des tribunes. " Silence, silence !". De là-haut, on avait vu rentrer le bureau. Les secrétaires reprirent place à leur table ronde tandis que le vice-président conférait avec Vergniaud. Tout le monde s'était figé. Enfin Vergniaud se leva. " Citoyens, dit-il, vous garderez, je l'espère, un profond silence. Quand la justice a parlé, l'humanité doit avoir son tour". Il tenait un papier et sa main tremblait un peu, mais sa voix était forte quand il poursuivit : " La majorité absolue est de 361 voix, en raison des députés absents ou qui se sont récusés. 366 ont voté la mort. Je déclaré donc, au nom de la Convention nationale, que la peine prononcée contre Louis Capet est la mort".
Persuadés qu'il suffisait de montrer le roi pour galvaniser tous les coeurs, les royalistes l'avaient entraîné dans le jardin, sans se rendre compte qu'ils promenaient ainsi un homme ridicule avec sa pesanteur, son habit fripé, sa tête en ce moment difforme et grotesque, ses bas blancs mal tirés. S'il se fut présenté comme un soldat, un chef résolu à combattre au premier rang avec les défenseurs de cette Constitution pour laquelle on demandait aux gardes nationaux de donner leur vie, peut-être les eût,-il effectivement galvanisés. Il était, plus que beaucoup d'entre eux, plein de courage et prêt à mourir, mais cela ne se voyait pas. Tout, au contraire, dans son aspect, confirmait l'idée de veulerie, d'hypocrisie sournoise, que l'on s'était faite du tyran allié aux Autrichiens, du tartuffe qui répandait de mielleuses paroles en attendant les cohortes étrangères, les traîtres, les rois conjurés. Sur la terrasse, il avait été accueilli par les cris de "A bas Veto ! A bas le traître" Le bataillon de la Croix-Rouge le poursuivait en le menaçant. Roederer voyait cette scène par la fenêtre. Il se retournera. Le visage dans les mains, la reine pleurait sans mot dire, étouffée par les sanglots qui lui secouaient les épaules
Pas plus que Claude, Vergniaud ne croyait en Dieu ni en un Être Suprême. Il haussa légèrement les épaules. "C'est bien autre chose. Tous les révolutionnaires, et non point seulement les hommes de sang, périront, car la Révolution est à présent comme Saturne, je le répète. Il lui faut dévorer les uns après les autres tous ses fils. Nous marchons à l'échafaud, mais Danton, Robespierre, Marat nous y suivront. Et toi aussi, Mounier-Dupré. En prenant la peur et la mort comme instruments politiques, on a mis dans la Révolution un mécanisme fatal. Il ne s'arrêtera plus."
Georges Jacques Danton (1759 - 1794)
guillemets Pour vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée. guillemets
Discours à l'Assemblée, le 2 septembre 1792. Les troupes du duc de Brunswick n'étant plus qu'a quelques jours de Paris.