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Critique de kielosa


Selon le quotidien espagnol El País : "Berta Isla est le roman le plus complexe de Javier Marías et sans doute son plus inquiétant". Son "Los enamoramientos" ou "Comme les amours" de 2011 n'était déjà pas exactement simple, donc encore plus complexe, et presque 600 pages... de quoi hésiter un peu, malgré la belle couverture ! Mais comme l'a formulé un quotidien hollandais (Het Parool) de façon si persuasive : "Avec un roman de Marías en main, nous ne lisons pas, nous vivons." Alors, vivons !

Berta Isla et Tom ou Tomás Nevinson sont 2 élèves attrayants d'un lycée madrilène qui, à peine 15 ans, décident de passer leur existence ensemble. Berta adore la littérature et espère trouver plus tard une profession dans ce domaine, tandis que Tom, de père anglais et mère espagnole, est parfaitement bilingue et apprend les langues, comme le Français et l'Italien, pratiquement sans efforts, en jouant. En plus, il jouit d'un talent rare, celui de l'imitation. Il a un sacré succès en imitant à la perfection des politiciens espagnols, vedettes du cinéma, pêcheurs de Tarragone ou de Málaga.

À l'issue de leur enseignement secondaire, Berta et Tomás continuent leurs études : elle, littérature à l'université de Madrid ; lui philologie à l'université d'Oxford en Angleterre. Les jeunes fiancés ne se verront donc que pendant les congés. En conformité à un catholicisme espagnol conservateur, le couple a des rapports très sages.

En 1969, après le Mai 68 de Paris et le Printemps de Prague (janvier-août 1968), les jeunes souhaitent qu'en Espagne les choses bougent également, mais cela n'est sûrement pas l'avis du dictateur Franco qui, au contraire, renforce les pouvoirs de la police. Ainsi, Berta, qui comme l'auteur Javier Marías, a 18 ans, participe à une manifestation, où elle est sauvée d'une confrontation violente avec un cavalier de la police franquiste par un jeune banderillero qui lui vient courageusement en aide et avec qui elle perd ensuite sa virginité.

Tomás prend l'habitude de fréquenter, juste pour le sexe, une vendeuse d'un antiquaire de livres, jusqu'au jour où, peu après sa visite, cette Janet Jefferys est trouvée morte, étranglée. Un événement dramatique qui aura des répercussions importantes sur la vie de Tomás et sa relation avec Berta.

Pour éviter qu'il ne soit soupçonné de meurtre, son professeur favori, un homme qui a le bras long à Westminster et auprès des services secrets, lui offre son aide, moyennant son allégeance envers ces services. En d'autres mots, il faudrait qu'il accepte des missions pour le service de sécurité, MI5 (Military Intelligence, section 5, service du contre-espionnage) et le service MI6 (Military Intelligence, section 6, service de renseignements extérieurs).
Quoique le service en question qui l'emploiera ait l'allure encore plus obscure et fait penser à la PWE (Political Warfare Executive ou direction de la guerre politique), créé par Winston Churchill en 1941 pour lancer des opérations subversives contre les nazis. de cette organisation super-secrète, je ferai prochainement un billet sur un des rares livres qui existent à ce sujet : "The Black Game" d'Ellic Howe (1910-1991).

Une lourde hypothèque sur le couple, qui se marie en mai 1974 à l'église San Fermín de los Navarros à Madrid, d'autant plus que Tomás est tenu au secret complet quant à ses missions clandestines, bien entendu. Berta ne sait par conséquent jamais où il se trouve, ce qu'il fait et quand elle le reverra et pour combien de temps ! Leur amour persiste pourtant et ils auront un fils Guillermo et une fille Elisa.

En avril 1982 commence la Guerre des Malouines entre l'Angleterre de Margaret Thatcher et l'Argentine du général Leopoldo Galtieri. le 4 avril 1982 a lieu le dernier départ de Tomás que Berta présume être en cette partie du globe. Sur ce conflit, qui se termine en juin 1982, Pierre Boulle a écrit un livre remarquable "La Baleine des Malouines". Fin du conflit, mais pas de nouvelles de Tomás. Noël passe et un nouvel an commence et de son homme toujours rien, rien de rien, "nada de nada" !

En novembre 1983, un collègue de Tomás, Bertram Tupra, se pointe chez Berta pour lui dire que le service de Londres n'a strictement aucune information sur ce qu'est devenu son mari, mais qu'une allocation mensuelle lui sera payée tant qu'ils ne disposent pas de données exactes sur son sort. Pour d'actes juridiques tel un remariage, un héritage... Il faudra attendre les délais prescrits par les lois nationales en Espagne et en Angleterre en cas de disparition.

Notre Berta continue péniblement sa vie en s'occupant de ses gosses et de ses cours à l'université. Elle a quelques affaires avec des hommes qui ne durent pas et passe le plus clair de son temps à lire. Entre autres la fameuse nouvelle De Balzac "Le Colonel Chabert" et le retour du brave homme des années après la fin des guerres napoléoniennes, et le roman de Janet Lewis (1899-1998) de 1941 "The Wife of Martin Guerre" sur un thème similaire. Livre rendu célèbre par le film de 1982 de Daniel Vigne "Le retour de Martin Guerre" avec Depardieu, une excellente Nathalie Baye et un convaincant Bernard-Pierre Donnadieu.

Un jour en 1994, au musée de cire de Madame Tussaud à Londres, Tomás aperçoit une gamine qui ressemble comme 2 gouttes d'eau à Janet Jefferys. Il se met à s'enquêter et doit se rendre à l'évidence que le meurtre a été une mise en scène par les services secrets pour le recruter pour ses dons d'imitateur et comme cela lui voler sa vie.
Si cette découverte lui rapprochera de Berta Isla, à vous de le découvrir, chers amis !

J'ai trouvé cet ouvrage riche et passionnant. J'ai "vécu" 2, 3 jours avec Javier Marías et je n'ai retrouvé la paix qu'en lisant le tout dernier paragraphe.
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