AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,1

sur 647 notes
5
86 avis
4
41 avis
3
10 avis
2
8 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'on m'avait présenté ce livre comme un immanquable. Un vrai roman américain qui laisse une trace. Après un prologue qui crée des noeuds au cerveau et où clairement on se demande où tout ça va nous mener, nous comprenons que ces premières pages ne sont en fait qu'un test. Si vous poursuivez, vous découvrirez le vrai talent de Markley.

A travers un roman si dense qu'il vous faut veiller à ne pas être dérangé, à ne pas perdre le fil des actions, des informations qui s'enchaînent, Markley nous présente la fresque sociale de notre époque, et ça fait froid dans le dos.

Un roman choral qui va s'arrêter sur deux femmes et deux hommes que le hasard va rassembler. A moins qu'il s'agisse d'un rendez-vous du destin. Ils se connaissent depuis l'enfance, ils ont été à leurs premières fêtes, ils ont fait leur premières bêtises et leurs premières découvertes dans le même bled perdu de l'Ohio : New Canaan.

Ils ont maintenant la trentaine et de l'eau à coulé sous les ponts depuis le lycée.

Ils avaient des rêves, des passions, des talents même. Ils voyaient plus loin que le bout de leur rue parce qu'on leur a tant dit que c'était possible. C'est l'Amérique après tout.

Pourtant, depuis l'évènement du 11 Septembre dont tous se souviennent, plus rien n'a été pareil.

Certains sont partis se battre pour leur pays, et pour ceux qui ont eu la chance de revenir, leur esprit reste toujours là bas. Les armes et le sang ont fait des garçons si doux des monstres incontrôlables.
Certains ont pensé pouvoir s'en sortir avant que la drogue ne prenne le contrôle. Addiction passagère pense-t-on jusqu'à ce que les morts par overdoses ne deviennent la malédiction bien connue de New Ca.
Certains ont décidé de s'assumer et d'aimer qui bon leur semble quitte à être jugé ou incompris.
Certains reviennent car ils ont une revanche à prendre. Et c'est à vous lecteur de juger si la fin justifie les moyens.

Que c'est noir ! Que c'est frappant de vérité. C'est le drapeau aux 50 étoiles qui part en lambeau. C'est la fin du American Dream et sa jeunesse perdue qui devient de plus en plus lucide. C'est des rêves qu'on atteindra pas.

Ce texte est dur parce qu'il touche à l'adolescence. A la période où l'on est le plus vulnérable, où l'on est censé se construire et non être détruit. Un premier roman… si difficile à croire et pourtant.
Commenter  J’apprécie          70
A quelques jours d'intervalle, 4 trentenaires convergent vers New Canaan, Ohio, petite ville du Midwest dans laquelle ils ont grandi, passé non sans égratignures la barre de l'adolescence, nourri des rêves d'avenir et d'ailleurs.

Une décennie plus tard ils reviennent affronter quelques fantômes, désillusionnés, cabossés par le chaos post 11 septembre, cherchant avec peine quelles convictions défendre ou conserver dans un monde que la voracité humaine assèche et déglingue un peu plus chaque jour.

Un roman foisonnant dont les sauts temporels et interactions multiples entre personnages demande un peu de concentration.
C'est remarquablement bien écrit et noir comme un Laura Kasischke.
Commenter  J’apprécie          30
Ohio c'est comme une réunion d'anciens élèves qui se passe pas super bien. Quatre ex-camarades de classe, proches de la crise de la trentaine, reviennent à New Canaan, ce patelin de l'Ohio qui a vu leurs premières bêtises. Chacun débarque avec son sac de souvenirs, de regrets, et, clairement, personne n'est là pour les petits fours.

L'histoire est racontée de manière polyphonique, avec plusieurs points de vue qui permettent de découvrir les personnages, d'explorer leur parcours individuel et de s'attacher à eux, ou pas. Progressivement, un fil conducteur se dessine et relie ces protagonistes.

Le tout avec une petite pointe "c'était mieux avant", en mode nostalgique des années lycée. Mais derrière la façade de l'histoire, Markley nous donne un cours magistral sur l'Amérique qui va un peu à la dérive. Genre, les États-Unis en mode gueule de bois après une soirée trop arrosée. Pauvreté, guerres, discriminations, zones industrielles dépeuplées...

L'auteur donne vie aux différentes facettes de cette Amérique en déclin à travers ses personnages. le passé et le présent de chaque individu sont l'équivalent de l'Amérique d'hier et d'aujourd'hui.

La jeunesse est dépeinte avec toute sa violence, son insouciance, ses espoirs et ses excès. Elle est animée d'une énergie débordante, mais désillusionnée et démunie face au conformisme et aux réalités sociales qui compromettent leurs rêves et leurs combats.

Stephen Markley, avec son écriture réaliste et nuancée, mêlant poésie et passages percutants, nous plonge dans un roman sombre et émouvant. C'est pas un roman pour les jours où vous avez juste envie de vous marrer. Mais si vous êtes prêts à prendre une petite claque littéraire, foncez ! Enfin, prévoyez quand même une boisson chaude et un plaid.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          50
Au commencement…
Dans l'Ohio, New Canaan est une ville qui connait les dérives de la désindustrialisation, dans le contexte plus global des Etats-Unis de l'après 11 septembre 2001. Cette ville a vu grandir notamment Bill, Stacey, Dan et Tina, quatre trentenaires relativement différents mais tous marqués par la frustration et la désillusion. Alors que chacun s'est exilé en marquant le deuil du rêve américain, leurs chemins sont appelés à se recroiser dans cette ville devenue depuis lors le fantôme de leur propre vie.

Ce que j'en retiens…
A lire pour mettre son mental à l'épreuve. Cette fresque sociale est d'une noirceur impitoyable, avec une narration dense et une fourmilière de personnages. Il n'en reste pas moins que le récit aborde la question fondamentale de ce qui reste, quand on est meurtri par l'assombrissement et la violence d'une société, pour tenir le coup et continuer sa route. Pour ces quatre antihéros détachés de toute morale et de toute illusion, la réponse se trouve dans la révolte et le courage, quel qu'en soit le prix.

Une citation soulignée...
« Mais bon, bref. Ce soir-là l'univers chantonnait. Bill le sentait à travers l'urgence de sa nausée. Il ne croyait pas en Dieu, ne croyait pas davantage au destin ou aux coïncidences, et n'avait donc pas beaucoup d'options pour expliquer les choses sinon que, parfois, le bon astéroïde percutait la bonne planète de telle sorte que les lézards perdaient leur place et ces cons de singes la récupéraient ».
Commenter  J’apprécie          20
Nous sommes en 2007 à New Canaan, petite ville fictive de l'Ohio, en plein milieu de la rust belt, région industrielle du nord des États Unis, sur les bords du lac Erié, désertée par les entreprises, en proie à une pauvreté grandissante, et un repli sur elle-même.

Nous assistons à une cérémonie de funérailles avec un cercueil vide, celui de Rick mort au combat en Irak. S'il y a du monde, il manque quelques-uns de ses anciens camarades de lycée. Six ans plus tard, quatre d'entre eux se retrouvent par hasard.

Bill Ashcraft remonte de Louisiane avec un paquet scotché sur la poitrine. Activiste, volontaire licencié de l'équipe d'Obama, il carbure à l'alcool et à différentes drogues.
Stacey Moore, doctorante en lettres, revient pour rencontrer la mère de sa petite amie disparue du jour au lendemain à la fin du lycée.
Dan Eaton revient d'Irak avec un oeil en moins pour rencontrer son ancienne petite amie.
Et enfin Tina Ross, qui elle revient pour se venger.

Quatre acteurs principaux, une multitude de protagonistes secondaires, une ville (ou une région) qui est à elle seule un personnage, du désespoir, des secrets, des désillusions et de la drogue, beaucoup de drogues, vous mettez tout ça dans un shaker et vous avez un roman coup de poing sur cette Amérique qui ne fait pas rêver du tout.
L'ombre des attentats de 2001 flotte sur cette jeunesse. Il y a ceux qui prennent les armes et ceux qui s'engagent en politique. Beaucoup finiront désabusés, à tenter à travers des paradis artificiels, de comprendre une société qui leur échappe.

Sexe, drogue and rock and roll au pays de Mickey pour un premier roman noir, très noir. Saisissant !
Commenter  J’apprécie          40
Roman choral, Ohio se compose de quatre récits (un par personnage) qui se déroulent dans la même nuit, quatre visions d'un pays qui se complètent, se précisent, s'interrogent pour produire la radioscopie
politique, sociale et économique d'un pays post 11-septembre. L'occasion pour l'auteur de dénoncer les guerres impérialistes, la désindustrialisation, la récession économique, toutes les formes de violence et de dépendances, l'exploitation et la destruction des écosystèmes…tout en sondant les abysses de l'âme humaine.

Une très grande ambition pour ce roman qui malgré quelques longueurs (voire lourdeurs), tient ses promesses.

Lien : https://www.instagram.com/ne..
Commenter  J’apprécie          30
Ohio est le titre du premier roman d'un jeune Américain natif du Midwest, nommé Stephen Markley. Publié en 2020, le livre s'inscrit dans la tradition d'une certaine littérature d'outre-Atlantique, celle qui trouve son inspiration dans les Etats périphériques, leurs espaces illimités, leur nature sauvage, leur climat impitoyable, leurs villes en déshérence, où des laissés-pour-compte du rêve américain, défoncés à l'alcool et aux stupéfiants, circulent dans leurs pick-up cabossés, essayant de dépasser leurs intolérances ancestrales, s'efforçant d'éviter la chute finale.

Début du vingt-et-unième siècle. L'Amérique tout entière a subi le choc du 11 septembre, elle va vers la crise des subprimes, qui frappera surtout le pays profond. Les habitants de la petite ville fictive de New Canaan, dans l'Ohio, ont tiré un trait sur son passé industriel prospère. Ils survivent dans des conditions économiques dégradées sans trop penser aux lendemains. Un panorama sociologique qui ressemble en pire à celui que dépeint notre romancier national Nicolas Mathieu dans sa Lorraine natale (Leurs enfants après eux, Connemara). En France, celles et ceux qui n'ont pas pu ou pas su partir de leurs territoires sans futur sont condamnés à la médiocrité. Aux Etats-Unis, les mêmes se détruisent dans l'alcool, les drogues, la violence, les armes à feu ; ils tombent dans la misère au premier problème de santé, faute de protection sociale ; sans oublier ceux qui, engagés en Irak, ne rentreront pas, reviendront handicapés, ou resteront prisonniers d'images horrifiantes et de sentiments ineffaçables de culpabilité.

A New Canaan comme dans toutes les petites villes, les femmes et les hommes de chaque classe d'âge se fréquentent depuis l'école et le lycée. C'est là que leurs personnalités se sont façonnées, lors des premières rébellions, des premières bagarres, des premiers flirts, des premières bières, des premières fumées, des derniers « tubes », et dans l'engouement aveugle pour les éphémères stars locales de l'équipe de football (américain, of course).

Dix ans après le lycée, quatre anciens camarades reviennent par hasard le même soir à New Canaan, pour des motifs différents. Bill, un éternel révolté, militant humanitaire, ivrogne et toxicomane, transporte un mystérieux paquet, dont on ne devinera le contenu et les destinataires qu'au dernier chapitre. Stacey, une universitaire brillante, est à la recherche de son premier amour, qui l'avait révélée à sa vraie sexualité. Dan, revenu d'Irak avec un oeil en moins, n'a jamais oublié celle qui était faite pour lui et qui lui avait échappé, ni elle ni lui ne sait pourquoi. Tina, une ancienne beauté, est elle aussi restée marquée par son premier amour et elle aurait un sacré compte à régler avec lui.

Ohio est un pavé de près de six cents pages, touffu, labyrinthique, difficile. On se perd parfois dans la diversité des personnages secondaires. On s'embrouille un peu dans les flashbacks ressassés par les quatre revenants, obsédés de façon indélébile par des événements survenus dans leur adolescence. Des événements dont la teneur n'est livrée qu'au compte-gouttes, mais que l'on subodore peu à peu, comme un puzzle dont l'image finale effarante émergerait implacablement.

Il a fallu quatre années à Stephen Markley pour élaborer, écrire, reprendre, corriger, compléter son roman. Dans son rôle de narrateur omniscient, il jongle avec ce que sait, comprend et ressent chacun des quatre personnages principaux. Il ne néglige aucun détail. Tout est dans le texte, quelque part, dans l'une des nombreuses pages. Il nous revient juste à nous, lecteurs et lectrices, d'assembler les éléments. Et ce n'est pas toujours facile !

L'écriture, variée, est fascinante. Les parties narratives sont claires, imagées avec pertinence. L'auteur n'hésite pas à laisser les personnages s'exprimer, dans le langage parlé émaillé de trivialités qui leur est propre. Elles côtoient des passages d'une poésie sombre, tourmentée, belle comme l'enfer, où l'on ressent la noirceur des drames sociaux en germe dans nos sociétés occidentales.

Ohio offre un plaisir de lecture à la mesure de l'effort qu'elle exige. Sitôt la dernière page tournée, on a presque envie d'en reprendre la première. Ce roman est un chef-d'oeuvre.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          572
Un roman choral d'une belle densité que je me suis surpris à apprécier au fur et à mesure de mon avancée dans la lecture, n'étant d'emblée pas très emballé.
A travers presque deux décennies (de 2000 à 2017, environ) et une galerie d'adolescent qui deviennent adultes dans des circonstances particulières (et pas forcément idéales), l'auteur brosse sa vision d'une Amérique "provinciale" qui vit dans sa chair les soubresauts d'une civilisation confrontée aux conséquences des attentats de septembre 2001, son cortège d'existences gâchées par le "va-t-en-guerre" ambiant et la médiocrité de vies plongées dans la paupérisation économique et l'indigence intellectuelle.
On en vient même à se demander si cette jeunesse n'est de toute façon pas condamnée à ce type d'existence, indépendamment des attentats, des guerres et de la crise qui ont suivi...

J'ai trouvé le procédé narratif ambitieux : de longs chapitres qui épousent les points de vue de quatre personnages qui gravitent dans le microcosme géographique et mental de la même petite ville, avec d'incessants allers-retours passé/présent (que certains lecteurs ont parfois trouvé trop bourratifs, et je peux comprendre leur ressenti)

Ca n'est à mon sens, pas écrit dans un style mémorable ; c'est de sa structure narrative à tiroirs que l'auteur tire son épingle du jeu, surprend le lecteur et l'accroche comme le ferait un thriller bien troussé (car en fin de compte, c'est bien d'un roman mainstream qui finit par virer au "whodunit" dont il s'agit).

D'une façon générale, quelle que soit la qualité de l'écriture, le lecteur sait qu'il tient un très bon roman lorsqu'il a l'impression d'avoir vécu avec les personnages fictifs et qu'un soupçon de nostalgie le saisit lorsqu'il termine le livre.
Commenter  J’apprécie          112
"Ohio", roman de la désillusion ? Plutôt celui qui, revisitant la jeunesse passée, met au jour les germes du délitement à venir. Pour cela, Stephen Markley associe choralité et allers-retours permanents entre passé et présent.
"Ohio", c'est aussi le roman d'une convergence, celle de quatre personnages qui reviennent tous après dix ans d'absence, et pour une raison différente, dans leur ville natale de New Canaan, Ohio. Une bourgade de taille moyenne, a priori ni meilleure ni pire qu'une autre ; elle s'en est après tout économiquement mieux sortie que d'autres bleds, en ouvrant au milieu des années 80 deux sites de production industriels. Mais la délocalisation est entretemps passée par là, et pas mal de ses habitants sont dorénavant à fond de cale, plombés par une misère sociale et culturelle qui leur ferme toute perspective. On est là dans l'Amérique sensible aux théories du complot, qui a vu bondir le nombre de conduites en état d'ivresse, de grossesses précoces, de tapage nocturne, de suicides et d'agressions. Une Amérique où l'on tente de digérer les regrets de sa jeunesse perdue à coups d'Oxycontin, qui peine à suivre les aspirations progressistes d'une nation en plein bouleversement démographique.

Si Bill Ashcraft y revient, c'est pour y transporter, en échange de quelques liasses de billets, un paquet dont il ignore ce qu'il contient. Dès ses années lycée, perpétuellement à contre-courant des idées générales, ennemi du patriotisme aveugle et du nationalisme décérébré, méprisant envers les psychoses collectives à l'origine des guerres impérialistes, il a toujours choqué. A 28 ans, après avoir erré à travers le monde et renforcé ses convictions au spectacle des "saloperies perpétrées par les américains", il est plus que jamais cynique et désabusé. Il est seul aussi, n'ayant plus de contact avec ses parents, exaspérant ses proches par ses prises de positions conflictuelles et pontifiantes. Looser arrogant, auquel on ne peut dénier une sorte de superbe, c'est un personnage aussi insupportable que touchant.

Après lui, nous suivrons Stacey Moore, déchirée entre son éducation puritaine et son homosexualité, qui revient en quête d'indice sur la disparition d'une ex-petite amie qu'elle n'a jamais pu oublier, qui a pris un aller simple pour l'autre bout du monde sans donner de nouvelles ; Dan Eaton, garçon appliqué et "trop gentil pour son bien", vétéran de la guerre en Irak où il a perdu un oeil, qui veut retrouver son premier amour. Tina Ross enfin, clôt le quatuor. L'ex-plus belle fille du lycée de New Canaan a perdu ses charmes. Son retour est motivé par une soif de vengeance dont l'origine et la réalisation finissent de nouer les liens d'une intrigue qui ne dévoile ainsi le détail de ses connexions que dans son ultime partie.

Et puis il y a tous ceux qui, évoqués à travers les souvenirs des quatre protagonistes pré-cités, participent aussi de l'élaboration de cette fresque moderne que construit astucieusement et patiemment Stephen Markley. Ainsi Rink Brinklan, décédé en Irak, dont les obsèques constituent l'entame de l'intrigue, "le genre de mec qu'on trouve un peu partout dans le ventre boursouflé du pays, qui enchaînent Budweiser, Kamel et nachos accoudés au comptoir comme s'il regardaient par-dessus le bord d'un gouffre, qui peut frôler la philosophie quand il parle football ou calibre de fusil, qui se dévisse le cou pour la première jolie femme mais reste fidèle à son grand amour, qui boit le plus souvent dans un rayon de 2 ou 3 km autour de son lieu de naissance". On notera qu'à son image, d'autres absents -Ben le musicien, Lisa et sa redoutable force de caractère- imposent leur empreinte de manière tout aussi -voire plus- prégnante que certains présents.

"Ohio" est un roman très riche, très dense, qui fait la part belle à la dualité et à la complexité de ses personnages. C'est aussi un roman profondément mélancolique, hanté par l'amère prise de conscience de la pourriture et de la violence du monde, de l'iniquité et la barbarie d'un système qui basé sur le profit, mène à l'exploitation des plus faibles et au désastre écologique.

J'ai beaucoup, beaucoup aimé.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          30
Ohio, 4 lettres pour 4 personnages, revenus par hasard le même soir dans la ville de leur enfance : New Canaam. 4 histoires qui n'en font qu'une, dans un dispositif narratif brillant où se croisent une trentaine de personnages un peu à la manière du film « Éléphant », chacun d'eux vu dans l'histoire d'un autre -de sorte qu'on en apprend toujours plus sans réussir à les cerner-, et chacun confronté à son adolescence. Et ça marche : à aucun moment le lecteur ne s'égare, et le puzzle se reconstitue, tandis que le roman explore tous les mythes étatsuniens.
L'adolescence des personnages a été percutée par une triple crise : la récession qui a transformé le fleuron industriel du Nord en « ceinture de rouille », le 11 septembre, et les guerres de vengeance que la chute des tours entraîna, la crise des opioïdes qui tue plus que les armes à feu. le prologue tresse magnifiquement les 3 thèmes : à la cérémonie en l'honneur de l'enfant du pays mort en Irak, sa petite amie est trop défoncée pour prendre le micro et le cercueil, loué, devra être rendu à la fin de la cérémonie.
Mais ici pas de héros pathétique qui se retournerait sur sa jeunesse pour constater les ravages du temps et la fin de l'innocence : malgré les kilos en trop et les métiers minables auxquels se sont résignés les anciens héros de la fête, ce qui frappe avant tout, c'est qu'ils n'ont pas changé. le lycée est déjà le lieu de tous les archétypes où les mécanismes de meutes tournent à plein régime, où le concours de popularité, seul examen qui vaille, transforme chacun en minable lèche-cul.
Et si Markley écrit un high school novel pour dresser le portrait de son pays, c'est qu'il considère que les Américains en sont restés au stade de l'adolescence. L'Amérique n'est pas en déclin : ses maux sont ceux des teenagers que ses citoyens n'ont jamais cessé d'être, aux prises avec leurs hormones mais dépendants de Dieu le père, et faisant rouler leurs pectoraux pour intimider les nerds de la cour de récré. Certains que les filles violées et les nations envahies sont consentantes. « Ça pouvait aussi être un besoin de s'en prendre au monde pour l'obliger à écouter et à voir qu'on existe. »
L'Ohio fait partie de ces états qu'on scrute à chaque élection car ils votent toujours pour le président qui est finalement élu. Markley a choisi pour nous faire le portrait de l'Amérique 4 personnages qui sont peut-être les 4 cavaliers de l'Apocalypse : guerre, viol, récession et drogue. « Les bornes kilométriques défilaient et les poteaux téléphoniques saignaient du goudron. le ciel vira d'un orange profond à un bleu-violet d'hématome, et les nuages étaient sculptés par les rayons d'un soleil biblique, illuminant ici des vaches qui paissaient dans un champ, là une grange effondrée sur laquelle s'écaillait le logo du bicentenaire de l'Ohio. » Les Cananéens doivent leur nom à la teinture violette qu'ils étaient capables d'obtenir et cette description du ciel de New Canaan, associant le violet à la couleur de l'hématome, est une parfaite illustration du talent de son auteur : ironique, lyrique, diablement intelligente, et profondément moraliste.
Commenter  J’apprécie          415



Autres livres de Stephen Markley (2) Voir plus

Lecteurs (1601) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2889 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}