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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est un récit dense, à quatre voix que nous propose avec beaucoup d' énergie, dans une sorte de logorrhée qui entraîne le lecteur dans un tourbillon vertigineux. de l'adolescence à l'âge adulte on suit le destin de quatre jeunes américains moyens, des filles et des garçons que les pulsions sexuelles de l'adolescence entrainent parfois au-delà du raisonnable.

Tina, Stacey, Bill, Dan vont l'un après l'autre lever le voile sur une période trop alcoolisée et fumeuse pour que les limites ne se trouvent pas franchies. Les récits se complètent en se contredisant parfois. Les aléas de la mémoire recréent la légende, et ce d'autant que les traumas fondateurs ont pu altérer les souvenirs. Construit comme un puzzle qui ne révélerait le tableau complet que lorsque que la dernière pièce prendrait sa place. A l'âge adulte, certains en sont profondément marqués. La guerre en Irak et l'attentat des tours jumelles achèvent de brouiller les cartes dans ces esprits perturbés.

C'est à la fois un constat d'échec personnel pour chacun des personnages qui au gré de leur errance se confrontent à ce qui reste des souvenirs de leur jeunesse. Il faudra arriver à la toute fin du roman pour comprendre ce qui s'est vraiment passé.

Guerre, drogue, racisme, régression cognitive sur fond de religion, c'est un portrait sans complaisance de l'Amérique contemporaine, vacillant sur les socles chimériques de ce qui fut le rêve américain.

C'est noir, violent, et cru, sans concession et porté par une écriture vive, dense, qui demande une attention soutenue, et nécessite une concentration sans faille pour avancer dans le récit.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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OHIO de Stephen Markley
Traduit par Charles Recoursé
Éditions Albin Michel (coll. Terres d'Amérique)

OHIO débute avec une phrase percutante qui symbolyse bien la façon dont l'Amérique traite ses enfants : "Il n'y avait pas de corps dans le cercueil. C'était un modèle Star Legacy rose platine en acier inoxydable 18/10 qu'on avait loué au Walmart du coin et enveloppé dans un grand drapeau américain." (p11)

Et voilà, c'est avec un cercueil de location rose et bon marché que l'on rend hommage à un jeune homme du pays tué lors d'une mission en Irak ! C'est triste non ? Mais le ton est donné ! OHIO est un roman plein d'impertinence et, par moment, politiquement incorrect pour notre plus grand plaisir (d'ailleurs, je ne résiste pas à citer une phrase de la page 63 qui m'a bien fait marrer : "Les choses commencèrent à changer en 2000, quand le mange-merde qui gouvernait le Texas vola la présidentielle au vice-président mou et incompétent").

Personnellement, j'ai trouvé que la façon dont est structuré ce roman est très intelligente : car OHIO est principalement composé par quatre nouvelles qui se concentrent chacune sur un personnage différent. Quatre histoires distinctes qui se superposent afin de mettre en perspective les événements d'une même nuit tout en expliquant comment les séquelles du 11 septembre ont menées au déclin de ces régions rurales américaines telles que l'Ohio. Tous les personnages que l'on rencontrera dans ce roman seront le reflet d'une Amérique brisée que ce soit par la récession, la fuite des industries, les ravages de la drogue, la violence sexuelle, la guerre, le bouleversement écologique, etc.

J'ai adoré OHIO mais les quelques petits défauts (notamment des longueurs et un peu trop de bavardages) m'ont fait passer à côté du coup de coeur. Il aurait mérité d'être un peu plus acéré et dense mais c'est un excellent premier roman qu'il faut absolument lire pour comprendre l'Amérique d'aujourd'hui.

Stephen Markley est un auteur à suivre.

Mille mercis au Picabo River Book Club et aux Éditions Albin Michel pour ce partenariat.
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Ohio est le titre du premier roman d'un jeune Américain natif du Midwest, nommé Stephen Markley. Publié en 2020, le livre s'inscrit dans la tradition d'une certaine littérature d'outre-Atlantique, celle qui trouve son inspiration dans les Etats périphériques, leurs espaces illimités, leur nature sauvage, leur climat impitoyable, leurs villes en déshérence, où des laissés-pour-compte du rêve américain, défoncés à l'alcool et aux stupéfiants, circulent dans leurs pick-up cabossés, essayant de dépasser leurs intolérances ancestrales, s'efforçant d'éviter la chute finale.

Début du vingt-et-unième siècle. L'Amérique tout entière a subi le choc du 11 septembre, elle va vers la crise des subprimes, qui frappera surtout le pays profond. Les habitants de la petite ville fictive de New Canaan, dans l'Ohio, ont tiré un trait sur son passé industriel prospère. Ils survivent dans des conditions économiques dégradées sans trop penser aux lendemains. Un panorama sociologique qui ressemble en pire à celui que dépeint notre romancier national Nicolas Mathieu dans sa Lorraine natale (Leurs enfants après eux, Connemara). En France, celles et ceux qui n'ont pas pu ou pas su partir de leurs territoires sans futur sont condamnés à la médiocrité. Aux Etats-Unis, les mêmes se détruisent dans l'alcool, les drogues, la violence, les armes à feu ; ils tombent dans la misère au premier problème de santé, faute de protection sociale ; sans oublier ceux qui, engagés en Irak, ne rentreront pas, reviendront handicapés, ou resteront prisonniers d'images horrifiantes et de sentiments ineffaçables de culpabilité.

A New Canaan comme dans toutes les petites villes, les femmes et les hommes de chaque classe d'âge se fréquentent depuis l'école et le lycée. C'est là que leurs personnalités se sont façonnées, lors des premières rébellions, des premières bagarres, des premiers flirts, des premières bières, des premières fumées, des derniers « tubes », et dans l'engouement aveugle pour les éphémères stars locales de l'équipe de football (américain, of course).

Dix ans après le lycée, quatre anciens camarades reviennent par hasard le même soir à New Canaan, pour des motifs différents. Bill, un éternel révolté, militant humanitaire, ivrogne et toxicomane, transporte un mystérieux paquet, dont on ne devinera le contenu et les destinataires qu'au dernier chapitre. Stacey, une universitaire brillante, est à la recherche de son premier amour, qui l'avait révélée à sa vraie sexualité. Dan, revenu d'Irak avec un oeil en moins, n'a jamais oublié celle qui était faite pour lui et qui lui avait échappé, ni elle ni lui ne sait pourquoi. Tina, une ancienne beauté, est elle aussi restée marquée par son premier amour et elle aurait un sacré compte à régler avec lui.

Ohio est un pavé de près de six cents pages, touffu, labyrinthique, difficile. On se perd parfois dans la diversité des personnages secondaires. On s'embrouille un peu dans les flashbacks ressassés par les quatre revenants, obsédés de façon indélébile par des événements survenus dans leur adolescence. Des événements dont la teneur n'est livrée qu'au compte-gouttes, mais que l'on subodore peu à peu, comme un puzzle dont l'image finale effarante émergerait implacablement.

Il a fallu quatre années à Stephen Markley pour élaborer, écrire, reprendre, corriger, compléter son roman. Dans son rôle de narrateur omniscient, il jongle avec ce que sait, comprend et ressent chacun des quatre personnages principaux. Il ne néglige aucun détail. Tout est dans le texte, quelque part, dans l'une des nombreuses pages. Il nous revient juste à nous, lecteurs et lectrices, d'assembler les éléments. Et ce n'est pas toujours facile !

L'écriture, variée, est fascinante. Les parties narratives sont claires, imagées avec pertinence. L'auteur n'hésite pas à laisser les personnages s'exprimer, dans le langage parlé émaillé de trivialités qui leur est propre. Elles côtoient des passages d'une poésie sombre, tourmentée, belle comme l'enfer, où l'on ressent la noirceur des drames sociaux en germe dans nos sociétés occidentales.

Ohio offre un plaisir de lecture à la mesure de l'effort qu'elle exige. Sitôt la dernière page tournée, on a presque envie d'en reprendre la première. Ce roman est un chef-d'oeuvre.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Ohio, 4 lettres pour 4 personnages, revenus par hasard le même soir dans la ville de leur enfance : New Canaam. 4 histoires qui n'en font qu'une, dans un dispositif narratif brillant où se croisent une trentaine de personnages un peu à la manière du film « Éléphant », chacun d'eux vu dans l'histoire d'un autre -de sorte qu'on en apprend toujours plus sans réussir à les cerner-, et chacun confronté à son adolescence. Et ça marche : à aucun moment le lecteur ne s'égare, et le puzzle se reconstitue, tandis que le roman explore tous les mythes étatsuniens.
L'adolescence des personnages a été percutée par une triple crise : la récession qui a transformé le fleuron industriel du Nord en « ceinture de rouille », le 11 septembre, et les guerres de vengeance que la chute des tours entraîna, la crise des opioïdes qui tue plus que les armes à feu. le prologue tresse magnifiquement les 3 thèmes : à la cérémonie en l'honneur de l'enfant du pays mort en Irak, sa petite amie est trop défoncée pour prendre le micro et le cercueil, loué, devra être rendu à la fin de la cérémonie.
Mais ici pas de héros pathétique qui se retournerait sur sa jeunesse pour constater les ravages du temps et la fin de l'innocence : malgré les kilos en trop et les métiers minables auxquels se sont résignés les anciens héros de la fête, ce qui frappe avant tout, c'est qu'ils n'ont pas changé. le lycée est déjà le lieu de tous les archétypes où les mécanismes de meutes tournent à plein régime, où le concours de popularité, seul examen qui vaille, transforme chacun en minable lèche-cul.
Et si Markley écrit un high school novel pour dresser le portrait de son pays, c'est qu'il considère que les Américains en sont restés au stade de l'adolescence. L'Amérique n'est pas en déclin : ses maux sont ceux des teenagers que ses citoyens n'ont jamais cessé d'être, aux prises avec leurs hormones mais dépendants de Dieu le père, et faisant rouler leurs pectoraux pour intimider les nerds de la cour de récré. Certains que les filles violées et les nations envahies sont consentantes. « Ça pouvait aussi être un besoin de s'en prendre au monde pour l'obliger à écouter et à voir qu'on existe. »
L'Ohio fait partie de ces états qu'on scrute à chaque élection car ils votent toujours pour le président qui est finalement élu. Markley a choisi pour nous faire le portrait de l'Amérique 4 personnages qui sont peut-être les 4 cavaliers de l'Apocalypse : guerre, viol, récession et drogue. « Les bornes kilométriques défilaient et les poteaux téléphoniques saignaient du goudron. le ciel vira d'un orange profond à un bleu-violet d'hématome, et les nuages étaient sculptés par les rayons d'un soleil biblique, illuminant ici des vaches qui paissaient dans un champ, là une grange effondrée sur laquelle s'écaillait le logo du bicentenaire de l'Ohio. » Les Cananéens doivent leur nom à la teinture violette qu'ils étaient capables d'obtenir et cette description du ciel de New Canaan, associant le violet à la couleur de l'hématome, est une parfaite illustration du talent de son auteur : ironique, lyrique, diablement intelligente, et profondément moraliste.
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Mélange de roman noir et thriller déguisé, il me faut avouer avoir eu beaucoup de mal au début. le récit paraît au premier abord très embrouillé, avec beaucoup de retours dans le passé et de digressions, créant en conséquence quelques longueurs. J'étais donc quelque peu décontenancée au départ par ce style de narration, mais une fois que j'ai eu compris que ces digressions (qui n'en sont pas au final) et que ces souvenirs sont en fait les tenants de l'intrigue, je n'ai plus réussi à lâcher ce livre.

Quatre anciens camarades du lycée de New Canaan, en Ohio, retournent dans leur ville natale, chacun ayant un objectif bien précis. Certains vont se retrouver, se croiser. L'histoire ne se résumant pas qu'à eux, d'autres protagonistes du passé croiseront également leur chemin.

On se demande un sacré bout de temps où l'auteur veut nous emmener, je ne l'ai d'ailleurs compris que dans la troisième partie, celle de Dan. Tout s'est éclairé pour moi d'un coup et c'est de là que j'ai tout lu d'une traite.

À part le prélude et la conclusion, le roman se découpe en 4 grosses parties, chacune consacrée à l'un des personnages qui rentrent au bercail, nous permettant de suivre les mêmes événements avec différents points de vue. En-dehors de Dan, je n'ai eu aucune attache envers eux, trop d'alcool et de drogues en tout genre leur collent à la peau tout au long de la lecture. Je n'ai pas aimé le personnage de Bill, qui pourtant et malgré son état de défonce a des idées qui font réfléchir. Stacey ne m'a pas émue non plus. Dan, par contre, est celui qui m'a le plus touchée, la partie qui lui est consacrée est assez poignante (ses souvenirs de guerre ne laissent pas indifférents). Quant à Tina, j'ai eu beaucoup d'empathie pour elle et j'ai compris son besoin de vengeance, elle m'a en quelque sorte touchée également, mais d'une tout autre manière : son histoire retourne l'estomac et est plutôt malaisante. Tout au long de ma lecture, j'ai éprouvé des sensations bien diverses, plus ou moins fortes selon les personnages, leur histoire et leurs objectifs.

En plus de Bill, Stacey, Dan et Tina, d'autres jouent également un rôle important, on les croise tous dans chacune des parties. On finit par tous se les approprier.

Chacune des personnalités est sacrément bien creusée. On ne peut d'ailleurs reprocher à l'auteur d'avoir négliger cet aspect, tellement chaque personnage est bien construit. Les relations et les liens entre chacun sont également bien campés.

Le contexte "Amérique profonde" est lui aussi bien implanté. Il forme une sorte de bulle dans laquelle les personnages sont coincés, qui donne cette impression qu'ils n'ont pas vraiment grandi et ne se préoccupent guère de ce qui se passe au-delà de New Canaan, qui les a conditionnés (à part Bill).

L'auteur évoque des sujets qui auront leur importance dans le fil conducteur et détermineront les événements et les actes de chacun. Il y est question de politique étrangère, sociale et économique, des attentats du 11-septembre, de patriotisme et des guerres en Irak et Afghanistan, d'écologie, de religion.

Au final, c'est beaucoup d'informations à emmagasiner mais tout finit par se rejoindre. C'est un roman archi complet où tout y est approfondi, que ce soit au niveau de l'histoire et son intrigue, des personnages, du contexte et des lieux. Sans oublier cette touche de mystère au sujet du "meurtre qui a jamais existé" qui plane au-dessus de New Canaan, tout comme le dénouement bien amené (même si j'en avais deviné l'essentiel). le tout est écrit dans un style élaboré et très agréable.
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Dans la petite ville fictive mais représentative du reste de l'état qui donne son nom au roman, New Canaan, 4 anciens camarades de lycée de retour dans la ville de leur enfance vont se croiser et nous raconter chacun un pan de leur histoire commune.

Noir, c'est noir ! L'auteur nous plonge tout de suite dans l'ambiance avec le premier récit, celui de Bill Ashcraft, prêt à user et abuser de toutes les substances, alcool comme drogues, pour tout oublier et passer le temps avant de livrer un mystérieux paquet contre rémunération. Mais pourquoi cherche-t-il autant à oublier ? C'est ce qu'on découvrira par petites touches au fil d'un récit fragmenté, haché, qui remonte le temps et nous fait découvrir les différents personnages de cette petite communauté lycéenne d'une petite ville du coeur des Etats-Unis, celles où il ne se passe jamais rien et où pourtant des drames se nouent l'espace d'un instant. Chacun des personnages de ce livre va être confronté aux maux qui rongent la société américaine post 11 septembre et rien ne nous sera épargné. On sent bien qu'une longue histoire unit les 4 amis lycéens et leurs "dates" photographiés sur leur 31 un soir de bal mais on ne découvrira que petit à petit à quel point ils se sont blessés les uns les autres et à quel point la plupart de ces adolescents plein d'espoir en l'avenir ont déjà été cabossés par la vie et la rudesse de cette société qui les a vu grandir.

Ohio est un roman dense, exigeant, dans lequel je me suis souvent perdue et qui m'a parfois obligée à tourner les pages en arrière pour me souvenir de qui était qui et d'à quel moment nous avions déjà croisé certains personnages. L'auteur prend son temps pour nous faire comprendre les liens bien plus profonds que ce qu'il n'y paraît entre les personnages et les secrets inavoués qui ont lié leurs vies à jamais. C'est une lecture que j'ai parfois trouvée désespérante tant l'intrigue accumule les mauvais coups et les destins contrariés voire brisés de jeunes gens qui semblent condamnés à mal finir avant même d'avoir vécu. Mais tout sonne juste dans ce livre qui est aussi d'une puissance remarquable : l'écriture nous emporte, les personnages et les décors prennent vie devant nos yeux, au fil des pages on a l'impression de les connaître tous et on s'attache, on rêve qu'ils s'en sortent, qu'ils ne retombent pas dans les ornières créés pour eux par la société, par leur milieu social, par les rêves qu'on leur a mis dans la tête. Un très beau livre dans lequel il faut accepter de plonger la tête la première, un pavé qui s'apparente plus à un uppercut qu'à une lecture passe-temps, une belle tranche de littérature américaine à découvrir !
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Dès les premières pages, les images sont fortes. Ohio, un roman dense et chagrin sur la perte des illusions adolescentes au pays de tous les possibles, le meilleur comme le pire.
Un soir de 2013, quatre anciens amis du lycée de New Canaan convergent vers leur communauté natale sans concertation et ayant en tête des buts différents. Ceux qui sont restés au patelin, quant à eux, végètent et fréquentent toujours les mêmes bars du coin. Des rencontres fortuites et calculées, certaines banales et d'autres fatales, auront lieu dans les lieux-dits de leur passé d'étudiants, l'occasion de mettre les pendules à l'heure ou de se souvenir tout simplement.
Stephen Markley signe un premier roman dérangeant et percutant. Une analyse détaillée des pires errements qui peuvent résulter de l'exaltation des émois adolescents combinée aux effets des drogues et de l'alcool. Une narration hors champ procure au récit un détachement permettant de mettre en scène les agissements de plusieurs personnages sur un continuum présent/passé fort bien réussi. Une écriture lyrique par moments mais qui s'avère aussi crue que son propos lorsque nécessaire. Un auteur à suivre.
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Un très grand roman sur les États Unis du XXème siècle. Tout y est : l'adolescence dans une petite bourgade, l'amitié, le sport, l'amour et le sexe, la drogue, l'émergence d'une conscience politique, les petites et grandes déloyautés… Et puis l'âge adulte, les choix, les engagements, la déception et la désespérance.
2013, une nuit à New Canaan, bourgade paumée de l'Ohio, 4 jeunes adultes reviennent dans leur ville natale et y croisent des fantômes de leur adolescence. Les rencontres sont parfois salvatrices, parfois renforcent ce sentiment de désespoir et de gachis qui marque leur génération : le 11 septembre, les guerres en Irak et en Afghanistan, une société de consommation qui broie tout, l'anthropocène qui guette…
Bill, entre deux gorgées de bourbon, deux joints et quelques cachets de meth, revient à New Canaan, petite bourgade paumée de l'Ohio. Il a été payé - cher - pour ramener un paquet dont il ne sait rien du contenu. Presqu'arrivé à destination il tombe en panne et finit le chemin à pied. Les souvenirs affluent : comment les événements du 11 septembre ont changé sa vision du monde, l'isolant de ses amis - Rick notamment, patriote dans l'âme, dont l'enterrement inaugure le roman. Ses amours, Lisa, Kaylin dont l'inachèvement lui laisse un goût amer.
Stacey, elle a fait du chemin ces 15 dernières années. Elle a voyagé, étudié, a accédé à un poste d'universitaire, elle est aujourd'hui maman d'un petit garçon porté par sa compagne. Nourrie par la conscience aiguë que l'Homme a pour seul projet la destruction de la nature, elle reste à jamais prisonnière de son histoire d'amour avec Lisa qui est partie un beau matin sans crier gare et qu'elle continue de chercher.
Et puis, il y a Dan, il rentre passer quelques jours avec ses parents. Revenu mutilé de la guerre, il regrette pourtant la communauté de ses frères d'arme. Jamais plus qu'en Irak ou en Afghanistan, Dan s'est senti vivant, trouvant dans la fraternité de l'armée de quoi se nourrir – renonçant même à Hailey, son amour de jeunesse pour s'engager une troisième et dernière fois. Pourtant, que de traumatismes, de vies emportées, de militaires massacrés. Lui, le bon élève, le lecteur passionné, le tendre et gentil camarade a choisi très tôt l'armée comme seconde famille – s'inscrivant avec peine dans une vie de civil.
Enfin, il y a Tina. Enfant dans un corps de femme, timorée, naïve qui va tomber dans les filets de camarades malveillants. Son désir de s'intégrer, elle va le payer dans sa chair et en rester meurtrie toute sa vie. Tina elle aussi revient cette nuit-là pour voir Todd Beaumont, son premier amour, star du football au lycée.
Le roman est constitué de 4 grands chapitres s'intéressant à chacun des personnages. L'auteur fait un focus sur leur enfance, leur parcours tout en faisant avancer la narration dans le présent. On pressent le drame, on comprend au fil des pages que rien de très positif ne va émerger de ces retours aux sources. Jusqu'au dénouement qui témoigne de la virtuosité du romancier qui aura semé des indices régulièrement mais suffisamment adroitement pour qu'on reste saisi une fois toute la trame tissée.
Le regard porté sur les Etats Unis des années 2000 est sans aménité, voire d'une sévérité rare. le quotidien dans une petite ville est rude : entre chômage et endettement, les adultes sombrent dans la religion et/ou un chauvinisme archaïque. Quelques-uns sont des figures identificatoires qui marquent les générations, les enseignants notamment, mais ils ne font pas vraiment le poids dans cette société où domine la paranoïa et la bien-pensance. Pas beaucoup de choix donc pour ces adolescents prisonniers pour certains de la vacuité du sentiment patriotique ou d'une religion rigoriste. Ceux qui doutent, s'écartent sont exclus de la communauté et paient le prix fort de la non-conformité.
C'est un roman grave, extrêmement bien construit, dense et complexe, dans la lignée me semble-t-il de Tom Wolfe.
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Magistral.

Ce roman noir choral m'a plongée dans les tréfonds d'une nuit américaine, et je m'y suis sentie aspirée comme par le siphon d'un évier rempli d'eau sale, dans lequel j'aurais tournoyé en spirale de plus en plus vite avant d'être finalement engloutie en son centre et d'aller gésir parmi les immondices.

Chacun des personnages qui font l'objet d'un chapitre sont des revenants, des fantômes de ce qu'ils étaient quelques années auparavant au lycée. Et eux aussi sont inexorablement aspirés par le siphon crasseux de New Canaan, Ohio.

Une des intrigues m'a un peu fait penser à "13 reasons why" (mais c'est le quoi le problème des quarterbacks là-bas ??? J'aurais bien voulu un chapitre supplémentaire du point de vue de ce Todd du coup).




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Retour à New Canaan, Ohio. Retour après 10 ans pour 4 jeunes adultes, à peine trentenaires rattrapés par les blessures de l'adolescence. Retour vers l'enfer et retour de l'enfer aussi.
Une région industrielle sclérosée «dans les marges d'une économie en chute libre», un monde ébranlé par les attentats du 11 septembre, le refus des valeurs chrétiennes parentales et d'une sexualité normée. Dans ce contexte une dizaine de personnages, solides adolescents américains épris de sport et de flirts vont peu à peu perdre pied et dériver. L'auteur convoque toute une classe d'âge des enfants de « bourges » aux plus déshérités, des idéalistes intellos aux rebelles insoumis et violents.
10 ans. le retour. C'est bien peu pour dresser le bilan d'une vie. Pourtant le constat est déjà accablant. Certains manquent à l'appel, morts d'overdose, tués en Irak ou en Afghanistan. Les rescapés, marqués physiquement, s'accommodent au mieux de leurs traumatismes et de leur culpabilité ou plus souvent sont prisonniers de leurs addictions destructrices et de la violence, seule réponse trouvée à leur malaise.
Fresque ambitieuse déployée devant nous. J'ai aimé les descriptions réalistes dont se dégage une poésie de lieux familiers livrés désormais à l'abandon, vestiges pitoyables d'un passé récent.
Malheureusement le style est apprêté. Les métaphores sont forcées, improbables et la volonté d'établir des correspondances souvent oiseuses. Que penser d'expressions telles que « ses cheveux étaient ramassés en deux tresses si serrées qu'on aurait pu s'en servir pour escalader un donjon » ou « elle se retrouvait avec la bouche aussi sèche que l'herbe du bas-côté » ? Un défaut de jeune romancier qui s'aventure trop loin dans des phrases grandiloquentes limite grotesques. La narration en pâtit, elle n'est pas toujours fluide. Elle est mise à mal également par la construction en 4 parties alternant 2 voire 3 périodes et jouant avec nombre de jeunes adolescents dont les amours se font et se défont comme dans un jeu du balai. Heureusement le récit finit par trouver sa dynamique, les actions convergent et chacun trouve sa place
Fresque ambitieuse que ce roman social et sociétal. Il tourne avec réussite au thriller noir et dense. le roman d'«un lance-flamme délirant, [un]rêve collectif dans lequel nous naissons, voyageons et mourons ».
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