Quel livre passionnant que celui là!
En suivant l'itinéraire de vie de Carter Ransom,
Magic Time nous plonge au coeur d'une Amérique en guerre contre elle-même, des années 65 jusqu'aux années 90 .
La construction narrative est parfaitement maîtrisée et tient en haleine grâce à un savant jeu de retours en arrière venant à chaque fois mettre en lumière les évènements vécus par les protagonistes en 1990.
L'auteur parvient également - grâce à un récit vivant et de subtils détails - à rendre compte de l'ambiance d'insécurité de l'époque liée à la ségrégation , de la torpeur et du climat moite du sud des Etats-Unis, des lieux et des sentiments des nombreux personnages qui gravitent autour des personnages principaux.
Il décrit très en détail le phénomène selon lequel les militants oeuvrent pour le bien des populations noires opprimées et ce malgré elles car la plupart craignaient les représailles du KKK et refusaient de faire valoir leurs droits récemment et durement acquis. Certains fermiers accueillaient même les militants avec des fusils! Tout ceci est raconté façon si réaliste que j'ai été très sensible à certaines scènes révoltantes de violences gratuites et d'abus de pouvoirs de policiers envers des militants noirs, ou des dénigrements vulgaires des blancs venus les soutenir. La réalité a dû pourtant malheureusement une fois encore dépasser la fiction...
En lisant
Magic Time, j 'ai évidemment pensé à Mississippi Burning, le film d'Alan Parker qui précise "on n'est pas innocent quand on voit ces horreurs et qu'on fait comme si de rien n'était". C'est précisément la prise de conscience qu'a le personnage principal du livre Carter Ransom, qui de retour dans le sud après l'abandon de ses études de droit, va progressivement s'intéresser et s'impliquer (au grand dam de son père...) dans la lutte en faveur des droits civiques des noirs. En effet, en tombant amoureux d'une jeune et belle militante, il va ainsi réaliser qu'il est temps de mettre un terme, en la dénonçant, à l'injustice "banale" qui a toujours régné autour de lui .
Le procès, qui re-déclenche toute l'histoire, ressuscite le passé, les souvenirs et nous tient en haleine avec ses divers rebondissements!
J'ai trouvé enfin que l'auteur "jouait" beaucoup avec les contrastes :
. le contraste entre 2 méthodes opposés, oeuvrant pour un même but. En effet,
Magic time met très bien en lumière la complexité et les divergences d'opinions des mouvements militants (SNCC, SCLC...) pour la lutte en faveur des droits civiques avec d'un côté les partisans de la non violence -dont les convictions s'ancrent dans la religion- et ceux persuadés que ce concept est vain, et sont surtout motivés par la colère.
Les ambitions personnelles de certains leaders ne sont pas passées sous silence non plus et montrent que même si la cause est juste, certains veillent à leur avenir personnel avant le bien commun.
. le contraste entre deux images du Mississippi avec d'un côté, le Mississippi des années 65 , sépia, l'un des pires états du sud ouvertement raciste et ségrégationniste, et de l'autre, celui plus coloré, des années 90, dans lequel on cultive les clichés des états du sud "authentique" en décalage avec l'époque pour la façade et le folklore.
. le contraste entre la fraicheur et la beauté d'un amour naissant dans la chaleur du "Freedom Summer" avec la noirceur et l'horreur de ce qui se trame.
Vous l'aurez compris, c'est un livre dense, sans surplus, ce qui explique son incroyable richesse. Il a une dimension politique, historique (petite et grande histoire), sentimentale et même écologique avec les nouvelles préoccupations de protection de l'environnement récemment intégrées dans les modes de pensées américains.
Un immense merci à Babelio et aux Editions Cherche Midi qui m'ont permis de découvrir
Magic Time de
Doug Marlette et ainsi de revivre cette grande avancée humaine émaillée de tant de drames qui n'ont pas été vains puisque l' on vit de nos jours avec un Président Américain noir à la Maison Blanche.