... le roman ne manque de rien, il nous en donne même un peu trop. 100 pages de moins ne m'aurait pas déplu. J'ai donc accusé quelques longueurs, vous l'aurez compris.
J'ai eu parfois aussi un peu de mal à resituer précisément tous les personnages, justement parce que j'ai arrêté et repris ma lecture à plusieurs reprises (pavé oblige !). Mais heureusement l'auteur les replace régulièrement et nous remet sur la voie. Comme il y a une alternance d'époque (1965 et 1990), mieux vaut suivre.
Voilà pour les deux points qui m'ont posés problème. Mais c'est un livre à découvrir absolument si vous aussi accordez moult intérêt à cette partie de l'histoire. Autant vous dire qu'à travers
Magic Time vous êtes imprégnés de la violence raciale de l'époque, du pouvoir qui y est lié, des non-dits, des secrets inavouables. Connaît-on réellement son entourage ? L'homme en costard la journée qui enfile son habit blanc, pointe vers le ciel, au coucher du soleil, à l'instant magique lorsque cette lumière particulière recouvre le paysage ; cet homme qui brûle des croix, torture et tue des gens de couleur dans la pénombre, qui passe d'un pouvoir à l'autre à l'aube puis redevient ce bon père de famille que l'on croit connaître, et aimer.
Ce roman fait froid au coeur et à l'âme. Je suis toujours autant atterrée d'apprendre comme l'Homme peut être mauvais et fourbe. Comment une simple couleur de peau peut définir une personne dans son entièreté ? Comment l'on peut décider aussi simplement du destin d'un être vivant ? Surtout d'après cette seule caractéristique physique. Bref, je pourrai débattre un sacré moment à ce sujet…
Il aborde la tolérance et l'intolérance dans leur globalité. de l'homosexualité au racisme, jusqu'au handicap mental. Il reflète une époque dans laquelle nous n'avions pas le droit de sortir du chemin tracé par les blancs bien pensants. Une ère pas si lointaine – ni totalement obsolète malheureusement – qui faisait que l'on était différent pour si peu de choses. J'écris au passé même si je sais qu'encore de nos jours, il y a du chemin à faire… Il nous démontre aussi toute la difficulté de sortir de cet esprit étriqué quand l'on a grandi dans ce système de pensées. Il nous offre par là-même la vision qui se révèle à nous quand l'on découvre le monde tel qu'il est, quand la différence devient richesse.
« – Je suis aussi surpris que toi. Je ne serais jamais rentré si maman n'était pas tombée malade. C'est déchirant de la voir dans cet état. Tous les jours, elle insiste pour que je la maquille et elle n'arrête pas de me demander quand je vais me marier. Au début, je lui répondais : « Maman, tu sais bien que je suis homo. » Alors elle se mettait dans tous ces états, elle suffoquait, elle s'éventait. Je le lui ai pourtant annoncé il y a des années, je lui ai même présenté Jimmy quand on a appris qu'il avait le sida, mais elle a oublié. Je me retrouvais donc à faire mon coming out au moins une fois par jour et chaque fois, c'était le drame. Finalement, au bout d'un mois, j'en ai eu marre et maintenant je lui dis : « Maman, je ne me marie pas parce que tu es la seule femme de ma vie. »
Dans
Magic Time, il est question d'un groupe d'ados, de jeunes adultes, qui veulent défendre leurs droits, qui s'unissent dans la bataille, blancs et noirs, tous ensemble. Même monter dans la même voiture relevait d'un pur défi, c'est pour dire s'ils partaient de loin… Je me suis beaucoup attachée à ce petit groupe d'amis que l'on suit dans leur lutte au quotidien, face aux terribles injustices qui régnaient dans le sud des États-Unis dans les années 60. le décor est rudement bien planté, on s'y croirait, ce qui rend la lecture émouvante, mais pas dans le sens larmoyant. On s'indigne, on se révolte avec eux, on espère. Malheureusement, le drame coupe court nos espoirs. L'église est incendiée, le code 4 du Ku Klux Klan est en marche. le code le plus élevé, celui qui correspond à nos attentats actuels. La majorité du groupe périt et nous retrouvons les quelques survivants dans les années 90 pour faire toute la lumière lors du procès qui déterre soudainement les douloureux souvenirs.
La vérité se dévoile doucement, les morceaux du puzzle s'assemblent entre passé et présent. J'ai beaucoup aimé ces alternances qui ajoutent un réel plus à l'intrigue. L'écriture est agréable et ne verse pas dans le sentimental malgré un sujet difficile. La fin est à la hauteur et nous offre un sursaut d'étonnement mais aussi d'espoir.
En bref, ce roman est à lire absolument si vous vous intéressez au thème de la ségrégation. Malgré les longueurs, il nous offre un pan passionnant de l'histoire américaine des années 60. Sans sentimentalisme, il déploie une fresque historique humaine intense qui n'est pas si éloignée des faits contemporains que l'on vit encore actuellement…
« Il commençait à prendre conscience de tous les préjugés avec lesquels il avait grandi. Autour de lui, il était admis que personne n'était « responsable » des souffrances des Noirs du Mississippi, à part les Noirs eux-mêmes, que la ségrégation faisait partie de l'ordre naturel des choses et qu'il était inutile de tenter d'y remédier. »
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