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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
En janvier 2010, la terre a tremblé à Haïti, renversant des maisons, broyant des familles, ruinant des avenirs. Sur le sol meurtri de l'île, une fleur tentaculaire a poussé : Canaan est un bidonville qui abrite des centaines de milliers de réfugiés et rassemble tous les visages de la misère. Ici, tout manque, les soins, la nourriture et surtout l'eau. « Tout le monde doit vivre, les choix étaient serrés, il fallait chacun inventer son pire. C'est la vie même qui est dure. » (p. 95) C'est là que Fito, urbaniste et écrivain en panne d'inspiration, vient perdre ses vendredis, sous une tente où se présentent timidement des fillettes effrayées. Fito est effaré et écoeuré par les urgences sensorielles qui fouaillent son bas-ventre, mais il est incapable d'y résister et c'est à Canaan qu'il tente d'étancher ses sombres désirs. « Ici la compassion a un prix, c'est du business. » (p. 38) Arrive Tatsumi, journaliste japonaise avec laquelle Fito a communiqué par messagerie virtuelle. Troublé par la sylphide nippone, Fito voudrait échapper à ses démons. Tatsumi, native d'une île que les séismes n'épargnent pas, saura-t-elle le sauver de son tremblement intérieur ?

Entre les chapitres qui présentent Fito et ses errements intimes, il y a des voix d'enfants qui parlent de malheur, de solitude et de vie sordide. Elles sont autant de parenthèses graciles qui résonnent au milieu du fracas de l'après-séisme. Seules ces pages ont éveillé mon intérêt qui a rapidement été mis à mal devant les atermoiements de Fito. L'homme n'a pas su m'émouvoir et sa détresse me semble surtout être un prétexte pour se livrer au pire. Quant à Tatsumi, il me semble qu'elle a été insérée de force dans cette histoire tant j'ai eu des difficultés à comprendre son personnage et ses interactions avec les autres protagonistes. Aux frontières de la soif me laisse la bouche sèche, avide d'un texte plus frais et d'un style moins terne.
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"Il ne savait pas de quel nom appeler ce qu'il cherchait à Canaan. [...] Je ne sais pas, et j'en meurs".

Fito Belmar est architecte et écrivain, vivant en Haïti. Nous sommes en 2011, après le séisme dévastateur. La majorité de la population vit dans des camps, comme celui de Canaan (100 000 âmes en 2011). La majorité de la population vit dans la misère et qui dit misère dit violences, corruption, prostitution … Un chaos dont certains profitent. Et Fito en fait partie : régulièrement, il se rend à Canaan pour s'adonner à un penchant pédophile dont il ne parvient pas à comprendre la raison, et qu'il ne se pardonne pas, mais sans pouvoir s'arrêter.

"Un homme qui a quelques moyens est recherché en Haïti, c'est un oiseau rare, un gros lot en pantalon. le plaisir est sans limites, bon marché et à portée de main. Et comme l'argent avec lequel il achète ce plaisir facile fait vivre des familles, cet homme devient philanthrope et pilier de l'économie nationale, et tant mieux pour sa conscience."

C'est alors que survient Tatsumi, jeune journaliste japonaise qu'il va devoir guider le temps de quelques jours. Et l'arrivée de la jeune femme va tout changer …

Aux frontières de la soif fait partie de ces romans difficiles à chroniquer … D'abord parce qu'il aborde un sujet épineux, moralement condamnable, et dont les descriptions sont insoutenables. Ensuite parce que le personnage principal est méprisable, minable et qu'on ne peut lui donner aucune excuse. Enfin parce qu'il dresse un portrait malheureusement réaliste du désastre que fut le séisme pour un pays comme Haïti, qui avait déjà du mal à maintenir la tête hors de l'eau.

Sans pitié, Kettly Mars, une des voix majeures de la littérature haïtienne, nous place face à des réalités que l'on préfère occulter dans notre vie quotidienne, pour que cette vie reste vivable. Pour le supporter, Fito décide d'écrire sur Canaan, sur cet Enfer dantesque, comme si le formuler permettrait de mieux le comprendre.

"Et s'il écrivait Canaan ? Et s'il vomissait sur des pages blanches toutes ces douleurs, toutes ces émotions qui lui lacéraient la peau, cette immense misère humaine ? Ne serait-ce pas mieux que d'aller chez le psychologue ? "

Car malgré sa dépravation, il croit en la possibilité de sauver ces enfants, de les épargner de l'appétit de vieux comme lui, pour leur redonner une humanité. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que ces filles ont décidé de se sauver elles-même, et de fuir, au péril de leur vie. Car elles n'ont plus rien à attendre des adultes …

Roman insoutenable, Aux frontières de la soif est pourtant un livre indispensable car il faut bien que quelqu'un, comme Fito le pense lui-même, le dise, le crie à la face du monde. Comme Kettly Mars le dit elle-même, « On ne peut pas écrire pour écrire surtout lorsqu'on vit dans un pays qui s'appelle Haïti ». Résolument réaliste, elle utilise donc l'écriture comme catharsis, comme antidote à la déchéance et à la dérive.

Et fait naître une littérature indispensable, même si on n'y adhère pas forcément …
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Haïti, un an après le séisme. Un camp de réfugié, Canaan, dont le nom a des consonances bibliques. Rien n'est réglé, le provisoire dure, le choléra n'est pas seulement un mot, il est une réalité. Entre les ONG et une star de cinéma – à croire que les catastrophes les attirent – il est difficile de dire qui s'investit le plus sans rien arranger du tout.
Pourtant, ce n'est pas tant le traumatisme des survivants, les difficultés de la vie quotidienne dont parle ce roman. Il est plus pragmatique, plus sordide : comment assurer la nourriture pour toute la famille en prostituant une ou deux filles. Elles ont dix, onze, douze ans maximum, après, elles sont trop vieilles. Elles s'appellent Fabiola, Nadège, Louloune. Parfois, elles ont la parole, en de courts chapitres. Plus que la peur, la douleur de leurs corps malmenés, ce sont leurs espérances détruites, leurs émotions saccagés qui sont poignantes.
Et si elles étaient au centre du livre, il serait passionnant. Seulement, elles n'en sont que les personnages secondaires, pour ne pas dire les figurantes. le vrai héros est Fito, écrivain à succès d'un unique roman. Depuis cinq ans, il est impuissant à produire le moindre texte. Il est impuissant à mener une vie amoureuse et sexuelle normale. En revanche, il assouvit ses pulsions dans le camp de Canaan, sans remords ni regrets.
Il m'est impossible de ressentir la moindre empathie pour lui - et c'est sans doute mieux ainsi. Il abuse d'enfants malmenées par la vie, et s'absout avec une facilité déconcertante. Décrire une réalité sordide est une chose, montrer le plaisir pas du tout coupable du "papy" avec un soupçon de complaisance en être une autre. Les lieux communs du maquereau local ("ils s'en sortiraient comme lui s'en était sorti, p. 95).
J'en aurai presque oublié la gentille Tatsumi, dont le prénom est à peu de chose près l'anagramme de Tsunami. Pourtant, sa venue n'est pas une catastrophe, non. La journaliste japonaise est venue pour enquêter, elle ne connait la réalité d'Haïti et de Canaan que par des rumeurs. Elle va, elle vient, sans rien approfondir, pas même les curieuses relations qu'elle noue avec Fito. J'hésite, pour la définir, entre androgyne et asexuée - exactement comme ses gamines avec lesquelles Fito assouvit ses pulsions. Ne dit-il pas qu'elle a "corps de petite fille", p. 161 ? Je n'ai pu m'empêcher d'y voir encore la preuve des obsessions malsaines de l'écrivain.
Bref, rien de réjouissant dans ce roman, et le malaise qu'il laisse ne se dissipe pas une fois le livre refermé. Si tel était le but de Kittly Mars, elle est parvenue à ses fins.
J'ai lu ce livre dans le cadre du prix Océans France O .
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A Haïti, un an après la catastrophe du grand tremblement de terre de 2010, Fito, auteur d'un unique mais très rémunérateur best-seller, se laisse conduire par un maquereau auprès de Mirline, une petite fille que sa mère prostitue sous une tente du camp de réfugiés de Canaan. Dans cet endroit désolé, les gens sont si pauvres et si démunis que tous les moyens sont bons pour parvenir à survivre. le lendemain, Fito va accueillir à l'aéroport Tatsumi, une journaliste japonaise avec qui il a longuement correspondu via Internet.
« Aux frontières de la soif » est un court roman (160 pages) qui se situe entre le sentimental et le social. Les conséquences du malheur qui a frappé Haïti ne sont envisagées que sous un angle particulier, celui du sexe autant dire par le petit bout de la lorgnette. Les mères poussent leurs petites filles à coucher avec des hommes riches qui viennent ainsi raviver une sexualité souvent défaillante et assouvir leurs pires fantasmes. Plus les gamines sont jeunes, mieux c'est. Et si elles sont vierges, elles n'en ont que plus de valeur. Kettly Mars a choisi un ton distancié et parfaitement neutre pour raconter les « exploits » de Fito qui n'en demeure pas moins un vieux pédophile pervers pour lequel il est difficile voire impossible d'éprouver la moindre empathie. Pire, Tatsumi, personnage sans épaisseur et réduite à sa seule dimension d'androgyne érotique, laisse également indifférent. Et pour ne rien arranger, une intrigue qui tiendrait sur la surface d'un timbre poste. Un style assez agréable, bien entrelardé de phrases et d'expressions créoles (heureusement traduites), mais sans originalité particulière. Heureusement, qu'on ne perd pas trop de temps avec ce livre qui sera donc vite lu et vite... oublié.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Ketly Mars nous donne à lire un roman sur l'ambivalence d'un personnage, Fito, auteur d'un roman cinq ans plus tôt, en panne d'inspiration aujourd'hui.
Une bonne situation, mais moralement de plus en plus bas. Il se dégoûte, mais ne peut résister à ses dépravations.

Jusqu'à ce qu'arrive dans sa vie, et pour une durée de 12 jours, une jeune japonaise venue faire un reportage un an après le séisme. Elle est là comme un réveil, une prise de conscience de ce qu'il est, un électrochoc qui lui permet de taper du pied au fond de l'eau pour remonter à la surface.

En trame de fond, le séisme un an après, les camps où s'entassent quatre vingt mille réfugiés, où tout se marchandent, l'eau, la nourriture, le sexe et la virginité de fillettes de douze ans à peine. A côté de cette misère, les classes moyennes ou riches d'Haïti, qui vivent sans plus voir ce qui se passe à quelques kilomètres d'eux,... et dont certains paient pour ces petites filles.

De nombreux regards se croisent: Fito, ses amis, le regard de quelques victimes (du tremblement de terre, de la misère et des hommes confondus), et celui de Tatsumi, regard extérieur qui apporte comme une bouffée d'air frais.

Un roman intéressant, mais un personnage dérangeant, qui m'a empêchée de pleinement profiter de ma lecture. Mais n'est-ce pas le rôle de la lecture de mettre le doigt sur ce qui dérange, même sous forme de fiction?
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« Un réseau de la déviance au coeur de la cité. A Canaan la chair tendre se vendait au prix de la faim et de la soif. »

Le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres… dit-on. Fito est de ceux, nantis et oisifs d'Haïti prêt à profiter de la misère de ceux qui ont tout perdu dans ce terrible séisme de janvier 2010 (le livre est d'ailleurs dédié aux survivants)

Ils sont des milliers à s'entasser dans un campement de fortune, dénués de tout, et de leur ultime dignité pour en arriver à ce que les gamines se prostituent pour quelques sous. Fito, est de ces êtres abjectes qui se droguent à la chair tendre jusqu'à l'obsession.

Je reste assez partagée à l'issue de la lecture de ce livre. Partagée, tant mon ressenti n'est fait que de contradictions. Si les qualités narratives sont indéniables, si la dureté du sujet a toute sa place en littérature, et que l'auteur a le mérite de soulever des dessous pas très reluisants de l'après-séisme, il n'en reste pas moins que ce roman est terriblement malsain. Certes l'auteur évite l'écueil du vocabulaire trash. Il n'empêche, Kettky Mars écrit avec réalisme, et une certaine sécheresse qui laisse peu de place aux sentiments.

Le rayon de soleil arrivera du Japon, donnant dans cette noirceur une note d'espoir, et une petite raison de croire encore en l'homme et à sa capacité à changer, un peu.

Cette lecture interroge, interpelle, sans pour autant parvenir à susciter de séisme intérieur ; sans doute en raison l'ambiance nauséabonde qui inonde ce roman dont j'ai pourtant, malgré tout apprécié la lecture.


Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Haïti, un an après le terrible séisme. Fito Belmar, architecte et écrivain, se débat pour sortir du marasme qu'est sa vie. Cela fait cinq ans qu'il n'a pas écrit une ligne car le succès inattendu de son premier roman a « dévoré son âme » (p. 32). Il tente de noyer son mal-être dans l'alcool et le travail mais il est frustré et désabusé face aux lourdeurs du système et à la lenteur de la reconstruction. Son île est plus que jamais en plein chaos. A l'image de Canaan, un camp de sinistrés à quelques encablures de Port-au-Prince devenu un immense bidonville dans lequel cohabitent des milliers de personnes dans des conditions extrêmement précaires. Il y règne la violence, la misère, la drogue et la prostitution des petites orphelines. C'est là que Fito se rend en secret les vendredi soir en se promettant chaque fois de ne jamais y retourner. Jusqu'à la visite inattendue de Tatsumi, une journaliste japonaise passionnée de littérature caribéenne et admiratrice de l'écrivain, qui vient interrompre son existence solitaire et perturbée.
Avec ce livre, Kettly Mars nous plonge dans un enfer où les petites filles sont prostituées pour assurer la subsistance de leurs familles, où le choléra tue chaque jour, où les institutions sont corrompues et où l'aide internationale semble impuissante à faire avancer les choses. Elle ne nous épargne rien des maux qui affectent l'île mais elle le fait avec subtilité. Elle lève aussi le voile sur le sujet difficile de la pédophilie à travers son personnage principal. On pense un instant que l'auteure va instaurer un dialogue au gré des chapitres entre les fillettes abusées et Fito mais elle choisit de se concentrer sur son narrateur. On pourra regretter ce choix mais Kettly Mars réussit ainsi à restituer toute la complexité psychologique du personnage de Fito en finalement peu de pages. Et si son roman est d'une grande noirceur, l'espoir et la poésie n'en sont pas absents à l'exemple de ce week-end à la mer, parenthèse lumineuse dans la vie du narrateur.
Un livre impressionnant par sa maîtrise et poignant par son réalisme.

Merci à Masse Critique et à Mercure de France!
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J'ai eu du mal avec ce roman. Pourtant, je lui ai trouvé beaucoup de qualités. La découverte de Canaan en est une. On voulait choquer, on a réussi: c'est dans une zone de non-droit où le pire est possible, après l'enfer, que l'on nous entraîne. Les quelques pages consacrées aux enfants qui tremblent d'être “envoyés sous la tente”, ou à ceux qui tentent de s'enfuir pour ne pas y passer à leur tour, sont absolument poignantes. le protagoniste lui-même m'a intéressée: c'est un beau personnage de salaud, qui affirme l'être, semble s'en mortifier mais y revient sans cesse, tout en restant, pour tout le monde, l'image même de l'homme respectable alors qu'il est détestable au possible.
En revanche, Tastumi m'a parue complètement insipide. Je n'ai pas réussi à la cerner et je n'ai pas aimé cela. J'ai d'ailleurs eu du mal à comprendre comment la relation entre les deux protagonistes pouvait prendre un tel tour rédempteur car elle ne décolle jamais vraiment, Tastumi semble complètement détachée et ne jamais vraiment entrer dans l'histoire. A la limite, j'ai eu l'impression qu'elle n'avait rien à faire là et qu'elle n'arrivait pas à créer ce décalage qu'elle semble devoir apporter. Je suis donc restée un peu extérieure à l'histoire.
Lien : http://mabouquinerie.canalbl..
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