Citations sur La Voie Verne (14)
Nul n'est jamais certain d'atteindre la fin du voyage qu'il entreprend, mais l'esprit humain est ainsi fait que depuis l'aube des temps des hommes et des femmes se sont élancés vers l'inconnu, à la poursuite de "peut-être", dans des explorations géographiques, scientifiques, artistiques ou philosophiques qui entrainent l'humanité dans ce perpétuel mouvement sans autre but que le voyage lui-même.
La vérité, monsieur, est que la volonté de l’homme est plus puissante que la science.Elle le soutient contre l’adversité, lui donne la force de survivre lorsque tout est perdu. La volonté est la vie. Elle protège contre vents et marées, parfois contre la mort elle-même. Le mythe ne peut être tué si la volonté des hommes désire qu’il vive. Alors, la chair et l’esprit ne dépérissent pas. Le mythe vit, l’homme vit. Il vit tant que l’humanité a besoin de lui, qu’au fond de son âme elle le sent nécessaire, tant qu’il représente quelque chose d’universel, plus grand que les siècles, plus large que les frontières derrière lesquelles s’enferment les gens.
Les fabricants ont tenté de donner la sensation du livre papier, mais ce n’est pas au point. Pas de véritable texture, pas d’odeur, pas d’usure. Revenir au début après chaque fournée de pages… Ce n’est pas un livre, c’est du stockage d’informations déguisé en livre. Ce peut être n’importe quel ouvrage à tout moment, donc aucun en réalité. Une bibliothèque sous une reliure unique n’est pas une bibliothèque, c’est une somme de données. Voilà mon avis. J’ai une aversion pour les e-versions, si je puis dire.
La solution qu'ils choisissent pour s'intégrer au monde est de le conformer à une grille de lecture aux définitions claires, et de l'entourer d'un cadre dans lequel ils peuvent évoluer sans questions. Toutes leurs vies durant, du lever au coucher, ils maudissent ce qui se situe en dehors de ce cadre, ne saisissant pas pourquoi d'autres, qui vivent à l'extérieur, ont l'air heureux, ou tout du moins ne sont pas malheureux comme des pierres à l'abri du carcan de règles qui devrait pourtant leur amener la sérénité, à défaut du bonheur. Déjà morts, ils tentent de faire du monde une société de cadavres à leur image. Que d’énergie dépensée en pure perte.
Nous vivions à une époque dans laquelle tout le monde savait lire et écrire, et d’ailleurs lisait souvent à longueur de journée, via le Halo, mais des choses brèves, sans continuité. Plus personne ne lisait sur la distance, comme aurait pu le formuler madame Dumont-Lieber. Plus assez de temps ? Trop de sollicitations diverses provoquant autant d’interruptions ? Manque d’habitude ? Effort rebutant ? Peu importaient les raisons, les faits étaient là.
Toutefois, le rêve et l’imaginaire continuaient, portés par les voix des liseurs de textes. Tout n’était pas perdu. Cela avait été ainsi pendant bien des siècles ; pourquoi pas durant les prochains ?
Comme la plupart des gens influents, la milliardaire cultivait la nostalgie d’une époque disparue, ou du moins la nostalgie du mode de vie des gens aisés de cette époque, dont elle pouvait profiter conjointement avec les bienfaits de la modernité. Ce n’était pas la première fois que je constatais que beaucoup, avec les moyens que leur offrait le présent, se créaient un monde meilleur lié au passé. N’y avait-il pas de présent idéal ? Même pour les gens fortunés ?
Nous plaisantâmes un bon moment au sujet du samedi à venir, journée hebdomadaire européenne de, cette fois, la gentillesse. Elle tombait en même temps que la journée départementale du civisme, et celle, mondiale, de l'action positive, le tout en fin de semaine universelle de l'ouverture à autrui. Si les malheurs de l'humanité n'étaient pas résolus ce week-end, c'était à n'y rien comprendre... Dans quel monde vivions-nous, qui avait besoin de tels jours-symboles?
Les choses ne doivent jamais être trop faciles. C’est ce qui fait l’intérêt des obstacles. Ils obligent à se dépasser, à constater que l’on est plus fort que ce que l’on pensait. (p. 196)
Rien de bon ne sera plus crée par les hommes, puisque désormais tout sert à la guerre. (p. 80)
J'en avais rencontré plus d'un comme lui, dont l'unique ambition était de faire respecter les règles. Comme ses congénères, il n'était que cela ; un vide habillé de l'enveloppe que lui créaient ces règles. Les textes de loi, les paragraphes, les alinéas formaient une armure qui protégeait son néant personnel du monde dans lequel il n'avait jamais trouvé sa place. Un monde duquel il se vengeait en y apposant sa marque, tel un conquérant de pacotille, par la rédaction de procès-verbaux et la délivrance d'amendes. Quelques années auparavant, il lui aurait été encore possible de changer, mais désormais il évitait toute compréhension, toute réflexion, car pour ceux de son espèce, la réflexion peut signifier la mort par la reconnaissance de leur propre insignifiance.