Quel plaisir, ce livre ! le titre a l'air compliqué, mais le contenu est si fluide qu'on le lit d'un trait. Portrait inhabituel d'une oeuvre (un chef-d'oeuvre, disons-le tout de go) et de son auteur. Gisele Martins Venancio et
André Furtado nous les présente à travers les lectures de Braudel, Bastide, et Febvre. Chacun y va de son petit mot, tantôt exalté tantôt réservé mais toutefois passionné et à la fin on a l'impression d'avoir lu le livre et que l'auteur est un vieil ami de la famille. C'est là que c'est beau. Dans cette « impression ». On a l'impression d'avoir lu le livre comme on a l'impression de connaître le Brésil. Oui, mais si peu. Comme le vieil ami de la famille est en fait un quasi-inconnu quand on y réfléchit bien. On est entraîné, fasciné par ce nouveau venu qui attire tous les regards, en même temps qu'on est soulagé par les promesses pacifiques de ce séduisant inconnu. L'immensité ne fait plus peur. On s'y plonge pour fuir, pour découvrir, sa main nous guide vers des possibles qu'on n'osait plus imaginer. Braudel dit que Freyre généralise trop, Bastide espère que sa traduction conviendra malgré ses incorrections, et Febvre l'encense avec une fougue qui donne le tournis ? On pourrait s'arrêter là et regretter qu'ils se soient, chacun dans leur genre, contentés de « ça », qu'ils ne soient pas aller plus loin. Il faut lire entre leurs belles lignes, qui piquantes, qui faussement humbles, qui transcendantes, pour saisir tout l'insaisissable du Brésil. Saluons cet effort commun de présenter une oeuvre et un pays qui se dérobent à une compréhension immédiate. Métisse scientificité réussit son coup avec brio : annonçant la célébrité, la gloire, la visibilité, et le feu des projecteurs, elle laisse au lecteur, sous un voile de délicieuse saudade, la conviction d'être là-bas imprégné de brésiliannité, alors qu'on est ici et qu'on ne sait rien. Une ubiquité savoureuse en ces temps de confinement(s).
Une ode à la liberté.