Vient le soir, viennent des lucioles de gaz dans les dentelles des arbres,
l’endormissement des bêtes ailées, bercées de voix jaseuses, la rôderie de fantômes humains sur l’herbe et les sentes, la sonnerie des fifres de quelque caserne lointaine, les coupetées du bronze de l’heure, le départ des équipages attardés, parfois le passage d’un troupeau de moutons, une vaguerie de bêtes à voix mystérieusement humaines dans l’indécision lumineuse. C’est l’heure des idylles. Partout, aux bancs et sur l’herbe s’épandent les jeunes couples et le silence se rompt de voix câlines, de rires d’adolescence; dans l’ombre, les bras des jeunes hommes s’enlacent aux tailles des nymphes. C’est la gamme des caresses permises, les longs baisers du flirt, la tolérance anglaise aux simulacres de l’amour, et si parfois la cordelle fragile se rompt, si quelque résistance succombe, encore est-ce dans une proportion assez minime pour stupéfier le continental élevé dans des coutumes moins libres et des patiences moins longues.
Si Londres est un grand évocateur de brumes, combien puérile, pourtant,
la légende qui le veut sans printemps et sans été! En ses parcs, en ses rues,
les joies du soleil, les caprices de mai et les cuissons de la canicule, les
fièvres charmantes du ciel, les nuages parés de transparence marine, les
clartés d’un bel azur sont-ils beaucoup plus rares qu’à Paris ! Si les grandes voies sont noires, enfumées de suie, souvent rebelles aux plus beaux jours,
en revanche les routes à côté, les petites villas aux jardinets aimables, aux
vitres diaphanes et aux floraisons opulentes, abondent du nord au sud et
de l’est à l’ouest, du monstre. Et rien, à Paris, a-t-il la fraîcheur des parcs?