Je suis entré dans cette oeuvre comme au coeur d’une forêt dont on n’a entrevu que la lisière. J’en garde l’émerveillement. Si cette étude peut suggérer au lecteur l’attrait que j’ai éprouvé, alors elle n’aura pas été inutile ni pour lui, ni pour le peintre, ni pour moi. La seule critique valable est celle qui engage à aimer : et l’oeuvre de Gilsoul veut être aimée, parce qu’elle est saine et magnifique, parce qu’elle est salubre, parce qu’elle s’élève à la signification d’un grand exemple.
Gilsoul a fermement noté ce geste et inscrit ce grand zigzag au rectangle d’un tableau. Sauf le troupeau à peine visible, aucun être vivant ne sollicite le regard, ne le distrait de l’obsession de l’étendue illimitée. C’est le désert sans tristesse, le désert viride, traversé par l’eau captant le ciel avec une telle fidélité qu’on y suit le vol d’un oiseau en discernant le dessous de son ventre et de ses ailes, et qu’il n’est point besoin de lever la tête pour savoir la forme du plus petit nuage du zénith, parce qu’il apparaît dans l’eau et y promène son reflet qui a la forme d’un ange.
Victor Gilsoul est possédé uniquement par la passion de faire vrai. La sincérité, voilà son credo esthétique.
Encore ne s’attache-t-il pas, comme les impressionnistes, à faire vrai surtout atmosphériquement, à revêtir les êtres et les choses du voile scintillant d’une lumière qui leur donne seule une vie chromatique et sans laquelle ils ne seraient que des amas de matière indiscernables.