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Critique de Alfaric


La 1ère partie du roman nous présente les Quêteurs et leur Quête :
- Spérance Monastère, Guide
- Astasie Abélard d'Abbhaye, Inquisitrice
- Cyphérien des Trois Familles, garant royal
- Lièpre Lardeon, sentinelle
- Vaast, espion
L'auteure donne le ton d'entrée de jeu : nous découvrons les protagonistes et leur recherche de l'Etoile du Matin en train de torturer un érudit au sein de la forteresse de leurs ennemis jurés. du début à la fin cela sera sombre, violent et amoral !
Amis lecteurs, amies lectrices, bienvenus dans un univers de Dark Fantasy de bon aloi et de bonne facture.
Et comme on aborde des sujets assez sérieux, difficile de ne pas identifier une filiation avec Michael Moorcock tant on sent le parfum des aventures du Champion Eternel (on possède en France de beaux héritiers de Moorcock, profitons-en !)
Ah ça, ici on connait ses classiques (en témoigne la science des scansions qui rappelle la Voix du Bene Gesserit).
Et si uchronie il y a, certains indices laissent à penser qu'elle a eu lieu à la Renaissance (ou au Siècle des Lumières).
Notez aussi que Maïa est suffisamment espiègle pour nous spoiler le roman avec le naming ! blink



Depuis la défaite de Galaad et la perte de l'Etoile du Matin, le monde est non seulement plongé dans l'obscurité, mais en plus divisé entre Auristelle, monarchie féodale et théocratique mélangeant allégrement christianisme et aryanisme, et l'Occidan noir, dictature sataniste qui ne respecte rien d'autre que la loi du plus fort. C'est la Guerre Froide entre les deux grandes puissances d'un univers déserté par la lumière du soleil donc par le Lumière de Dieu, qui semblent aussi avoir maille à partir avec diverses factions (cannibales, païens, Sans-Dieu…)
Ici l'ambiance post-apo est évidente : avec ses mutants honnis et ses chevaliers de la pureté génétique, difficile de ne pas penser aux "Chroniques d'Hawkmoon". Mais il existe une parenté plus large avec les autres cycles consacrés à un Moyen-âge post-apocalyptique : le "Livre du second soleil de Teur" de Gene Wolfe (un cycle référence mais plutôt difficile d'accès), "Hordes" de Laurent Genefort ou plus récemment "L'Empire brisé" de Mark Lawrence
Il existe aussi peut-être une parenté avec "La Horde du Contrevent" d'Alain Damiasio, tout du moins pour le côté quête absurde, car on dresse des enfants, parfois de manière particulièrement cruelle, à tenir un rôle bien spécifique dans un groupe pour accomplir une quête qui ne doit surtout pas aboutir…
Mais on peut facilement remplacer l'ambiance post-apo par les gastes terres et les royaumes de malédiction des légendes arthuriennes. On peut tout de suite penser à la noirceur et à la désespérance de la 2e partie de l'"Excalibur" de John Boorman.
On veut à tout prix récupérer l'objet sacré pour mettre fin à la guerre et à la misère, mais on échoue par orgueil, par colère, par envie, par jalousie… (sans parler de ceux qui ne veulent pas que les choses changent car ils en tirent profit)
Seuls les nouveaux Perceval emplis de doutes et pas de certitudes ont une chance d'obtenir le pardon des cieux.
Et le Graal tant convoité tient certes de l'Excalibur prise au piège de son rocher ou de son lac, mais aussi du Siège Périlleux : celui qui n'est digne des cieux doit s'attendre à subir de courroux de Dieu.
Car au final Dieu est bien à l'oeuvre à travers une série de miracles (il faudra attendre la révélation de l'identité du messie pour assembler les pièces du puzzle divin), mais peut-être aussi le Diable pour qui sait lire entre les lignes…



Une véritable Quête du Graal donc, mais d'abord et surtout une critique féroce de la manipulation de la religion par des animaux politiques sans foi ni loi qui finissent par croire à leur propres mensonges (ni le Cardinal d'Auristelle ni l'Antépape de l'Occidan noir ne veulent d'un retour de la Lumière et des jours meilleurs, car plus les masses souffrent et plus elles se tournent vers l'opium du peuple qui leur assure encore plus de pouvoir).
Toute religion porte en elle les graines d'un possible totalitarisme, et c'est encore sans doute encore plus vrai du christianisme médiéval. Ici associé à des références nationales-socialistes subtilement disséminées à travers le roman, on sent glisser Auristelle vers une forme de nazisme moyenâgeux qu'on du connaître et subir les peuples des rivages de la Mer Baltique. Et puis fatalement vu le sujet une réflexion pertinente sur le fanatisme et l'intégrisme qui renvoie dos à dos tout le monde, les bourreaux comme les victimes.
Les derniers chapitres abordent des thématiques politiques mine de rien intéressantes car assez actuelles :
- des religieux prêts à tous les reniements plutôt que de se remettre en cause pour ne pas assumer leurs manipulations
- des aristocrates terrifiés par le changement au point d'oeuvrer à la poursuite de la lente agonie du monde
- des révolutionnaires tentés par le radicalisme quittes à devenir encore pire que leurs propres bourreaux
La manière dont le chef putschiste enchaîne quelques citations politiques bien connues dans le dénouement est assez éloquente… On retrouve le cynisme à la fois flamboyant et pragmatique d'un Nicholas Machiavel, expert en jeux de pouvoir s'il en est !


Pas mal de trucs empêchent l'auteur d'aller titiller les plus grands, mais en fait tout se résume à 1 seul gros bémols : c'est trop court, c'est trop rapide. La 1ère partie qui présente l'univers et les personnages, ne fait qu'une centaine de pages alors même qu'elle fait la part belle à l'action. La traditionnelle phase dite d'exposition est presque une cavale permanente, or c'est là qu'on aurait pu prendre son temps pour bien exposer les enjeux, développer le background et approfondir les personnages.
- on se concentre sur la rivalité et la confrontation entre Auristelle / Occidan Noir sans vraiment savoir comment les 2 civilisations fonctionnent en interne, l'une vis-à-vis de l'autre, et les 2 face au reste du monde. Et on n'en sait pas guère plus les païens, les sans-Dieu, les cannibales et les mutants pourtant au coeur du roman…

- niveaux personnages le lien entre Astasie et Vaast reste nébuleux (WTF cette histoire de dentition sciemment refaite ?)
- certains points des intrigues et des complots ne sont pas très clairs (quelques lignes auraient suffi à dissiper le brouillard)

- le personnage de Février, qui prend au fil des pages de plus en plus d'importance, déboule un peu de nulle part
- l'équilibre politique de la cour d'Auristelle n'est pas super clair non plus
Du coup tout ce qui passe dans la 2e partie fait précipité et l'évolution des personnages sonne un peu faux :

A ce jeu là par contre Astasie est vraiment bien campée !
Une pucelle qui associe aristocratisme puant et fanatisme religieux… le Seigneur l'a choisie, c'est sûr, les autres n'existent que pour la servir ou être châtiés. Bref une connasse intégriste qui se croit au-dessus du commun des mortels (souvenez de la Farnese de Vandimion dans la saga Berserk de Kentaro Miura) : on la suit jusqu'au bout sa folie narcissico-religieuse et on assiste à sa chute libre vers l'apothéose dans la 2e partie


Bref un roman de Dark Fantasy trop court mais très bon. C'est fort dommage que Maïa Mazaurette ait si peu oeuvré dans les littératures de l'imaginaire. Elle a tout d'une grande et s'il elle revient un jour à la SFFF je la suivrais très volontiers dans ses univers !


PS :
Certains rageux ailleurs sur la Toile on pesté contre d'intolérables coquilles. du coup je les ai comptées et au final il y a en 2 en 300 pages. Si cela suffit à gâcher la lecture, il faut arrêter de lire...
Certains ont aussi pester contre la froideur et/ou la noirceur d'un univers de Dark Fantasy, et le manque de sympathie dégagé par un personnage conçu pour être le plus antipathique possible… Dois-je expliquer ce qui ne va pas là-dedans ?
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