Les pensées sont un gaz nocif. (p.79)
Sa mère sait ce que cela veut dire, affronter la mer pour retourner d'où l'on vient.
Une main collecte l'argent sur la plage....Maintenant, le Raïs veut que la Méditerranée se remplisse de miséreux pour faire peur à l'Europe. C'est sa meilleure arme. Le chair flétrie des pauvres. Cest de la dynamite. Elle fait exploser les centres d'accueil, les hypocrisies e ceux qui gouvernent.
Sur l'île, on a créé un cimetière pour les inconnus. Un homme charitable a recueilli les corps rejetés par la mer, il s'est frotté le nez avec de la menthe pour ne pas sentir l'odeur. Il a enfoncé des croix dans la terre, quelqu'un les a enlevées, mais ça ne fait rien, il n'y a qu'un Dieu pour les pauvres. Et tous les jours, Dieu se noie avec eux. Puis il fait pousser l'ail sauvage et le pavot des sables entre les monticules des tombes. Vito est allé s'y promener. C'est un lieu désolé, battu par le vent, d'où la douleur est absente. La mer nettoie tout. Jamais une mère ne vient ici pour pleurer, il n'y a pas de fleurs. Seulement les pensées éphémères des étrangers, des touristes qui s'approchent et déposent un bout de papier, un jouet. Vito s'est assis, il a imaginé le cimetière d'ossements là-dessous comme le squelette d'une barque à l'envers.
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...veut que la Méditerranée se remplisse de miséreux pour faire peur à l'Europe. C'est sa meilleure arme. La chair flétrie des pauvres. C'est de la dynamite. Elle fait exploser les centres d’accueil, les hypocrisies de ceux qui gouvernent.
Rien que le vent et les vagues qui se jettent à l'assaut des rochers semblables à des bêtes sauvages ene colère, elles s'accrochent d'une patte, elles écument puis elles se retirent.
Vito a recueilli la mémoire. D'un bidon de fer bleu, d'une chaussure. Quelqu'un, un jour, en aura besoin. Un jour un Afro-Italien aura envie de se retourner sur la mer de ses ancêtres et de trouver quelque chose. La trace de cette traversée. Comme un pont suspendu.
Maintenant elle n'attend plus que son destin. Le dernier visage de l'histoire. Elle le guette, elle le cherche, la chair rongée par les éclats de sel, dans un endroit qui n'a plus d'horizon. Il n'y a que la mer. La mer qui devait apporter le salut et qui n'est plus qu'un cercle de feu mouillé. Un cœur noir.
La mémoire est une couche de chaux sur les trottoirs du sang.
Ces cheveux comme des araignées gorgées d'encre. (p.73)