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Citations sur Venir au monde (47)

Il y a des choses. De petites choses que je n'oublierai jamais et qui, quoique infimes, conservent plus de force que le reste.
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Les poèmes ne s'expliquent pas. Quand ils atteignent le bon endroit, tu les sens, ils grattent au fond de toi.
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Par quel mystère se fait-il que, au cours de notre existence, nous renoncions aux êtres les meilleurs pour des gens inintéressants, des gens qui ne nous font pas de bien, qui se trouvent simplement croiser notre chemin, et qui nous corrompent par leurs mensonges, nous rendent chaque jour plus lâches.
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Au fond, nos proches n'ont pas envie de nous connaître, ils acceptent volontiers nos mensonges.
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Devrais-je raconter ça à Pietro ? Lui dire que je pensais à la nuque du petit garçon bleu, pendant qu'il venait au monde, lui dire que je la voyais, cette nuque, qu'elle était devant moi, dans le viseur du sniper.
Mon coeur bat dans le coeur du sniper. C'est moi qui choisis ce garçonnet. Je le choisis parce qu'il a la nuque nue, les cheveux courts, compacts, comme une boule de poils. Ce sont des cheveux qui sentent. Et le sniper sent cette odeur. Autrefois, il avait lui aussi les cheveux épais, durcis par la sueur, muets. Le petit effectue ses derniers pas dans la neige, il rit, les joues rouges, souffle de la fumée blanche, tire sa luge vers le sommet de la pente.
La lunette de visée télescopique se colle à ses pas, se hisse avec lui sur la neige. Le sniper ignore pourquoi ce travail lui a échu, ce sont les circonstances qui en ont décidé ainsi. Il pourrait écarter son fusil et tirer dans un des sacs de terre empilés dans la neige : cela ne changerait rien. Mais il reçoit pour chaque cible touchée une belle prime en marks, et il a besoin de cet argent : sa solde est maigre et il aimerait s'acheter une voiture, une BMW à toit ouvrant. Il songe à cette voiture, à ses sièges noirs, au tableau de bord, à l'allume-cigare, il songe au vent qui le décoiffera. Le lapin est un petit garçon, il avance, sa chevelure semblable à une calotte. Le corps du sniper et son arme ne font qu'un. C'est l'instant du coït, du pénis qui se durcit machinalement. Il n'y a pas d'autre volonté que celle de la balle. C'est elle qui agit : le sniper s'en remet à son expérience. Il presse la détente, relâche le doigt. C'est l'instant dangereux : la balle siffle dans l'air blanc, comme un spermatozoïde qui chemine sous le verre du microscope. Un obstacle pourrait dévier sa trajectoire. C'est le meilleur moment. Un plaisir douloureux comme une éjaculation trop retardée. La poitrine encaisse le recul. L'air est blanc. La balle a atteint la nuque, le petit est tombé en avant. Les autres enfants abandonnent leurs luges et s'enfuient, lapins épouvantés. Le sniper revient sur les lieux à travers sa lunette, les parcourt, inspecte les empreintes. Il aime ce silence, il aime aller jusqu'au bout du travail, rester en tête à tête avec le but à atteindre. Il vérifie le trou dans la nuque, parfait. La petite cible, le maleni cilj, est morte sur le coup, elle n'a même pas glissé sur les coudes. Inutile de gaspiller d'autres balles pour l'achever.
Maintenant il sourit, les joues froissées, les yeux immobiles car son coeur est mort. Un certain temps s'écoulera avant qu'on vienne chercher le garçonnet, il le sait : on attendra qu'il ait terminé son service. Le visage de l'enfant bleuit dans la neige. Le mégot que le sniper a jeté est encore allumé. De temps en temps, un journaliste se hisse jusqu'à lui, dit : "Tire, je te filmerai pendant que tu tires." Le sniper s'exécute, le journaliste l'interviewe, filme ses bras croisés, la croix sur sa tenue de camouflage, son béret noir.
"C'est comme si on tirait sur des lapins." Il sourit, puis la croûte de son visage se durcit. Reste cette stupeur misérable, celle du diable qui se regarde.
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J'ignore quel chemin emprunte l'amour avant de se figer dans notre ventre. La guerre coulait à travers les fentes que l'amour avait autrefois empruntées, elle s'était déposée dans mes entrailles en profondeur. La nuit, seule la lumière des balles traçantes éclairait l'obscurité. Je pensais au ventre d'Aska qui grossissait, rond et blanc comme les anciens sarcophages de pierre, ornés de symboles floraux et de cosmogonies, que les projectiles avaient abîmés. "C'est le symbole qu'ils veulent tuer... le symbole", affirmait Gojko. A présent, je savais que le ventre d'Aska était Sarajevo.
La langue entre les dents, Diego imite le sifflement des obus. Il n'envoie plus ses rouleaux en Italie par l'intermédiaire d'autres journalistes. Il glisse son objectif dans une des petites entailles que le vent et le froid ont pratiquées dans les bâches aux fenêtres, comme le fusil d'un sniper, choisit une cible, un passant, appuie sur le déclencheur. Il hausse les épaules quand je lui fais remarquer qu'il n'y a pas de pellicule dans l'appareil.
"C'est pareil, dit-il. Ça ne change foutrement rien."
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Quelques mois plus tôt, par une journée quelconque, j'avais vu dans le miroir d'un ascenseur les mille chemins que mes petites rides prendraient, une moustache, des boucles capricieuses qui transformeraient mes traits. J'avais compris que l'épicentre de l'explosion est un chagrin qui naît et nous corrode de l'intérieur, provoquant des fissures, comme une vitre qui se brise sans tomber. On ne vieillit pas de jour en jour, on vieillit d'un coup. Une étincelle corrompue nous foudroie, nous salit... répand de l'amertume sur notre visage.
Ce désir inerte, inavoué, se libéra tandis que je regardais le petit trait bleu du bâtonnet. Le temps pouvait maintenant s'abattre sur moi, me vieillir : l'épicentre dont la vieillesse a son origine ne serait pas un regret, mais un cadeau... tout serait donc agréable. Les années fendilleraient un visage de mère, le mien, sur le bon versant de la fécondité, de l'amour qui passe, et va se nicher dans le corps du témoin.
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Qu'avait-il de commun avec ces jeunes arrivistes qui affichaient déjà le rictus d'une fin pas très reluisante ? De leur chair qui macérait docilement dans la saumure du bien-être, à leur insu ou presque, à l'insu de tout et de tous. A l'époque, je pensais qu'ils étaient mes amis. Avec les années, ils finiraient par m'apparaître tels qu'en eux-mêmes, des navigateurs de haute et basse mer. J'en reverrais certains à la télévision, arborant des lunettes à la mode, des chaussettes à rayures, transgressifs sous leur costume noir. Un coup sur la caisse, l'autre sur le tambour, une gorgée d'eau bénite et une autre de péché. Les poches pleines, des appartements luxueux, et de grands canapés pour accueillir tout le monde.
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Nous formions un de ces couples improbables sur lequel personne ne miserait un centime. Un de ces couples condamnés à vivre quelques mois sublimes puis à se défaire, comme les boucles de Diego quand il pleuvait. Nous étions tellement différents... Lui, dégingandé, et moi toujours un peu raide, avec mes yeux ourlés de poches et mon petit manteau austère. Et pourtant, les mois s'écoulaient et nous marchions toujours main dans la main, nos corps dormaient l'un contre l'autre sans se gêner, pareils à deux foetus dans le même utérus.
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J'ai cru comprendre ce qui m'avait jusqu'à présent échappé : en vieillissant, on devient parfois avare de soi-même, sévère avec le monde, car rien ne nous a vraiment récompensés.
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