John Brown est Blanc, abolitionniste forcené, et fou de Dieu. Il entraîne dans sa croisade à travers les Etats-en train de se désunir- le jeune (12 ans) Henry Shackleford, un métisse qu'il a rebaptisé L'Échalote.
C'est déguisé en jeune femme suite à un malentendu, que L'Échalote va accompagner en robe et bonnet, le capitaine dans ses rêves fous de libérer le Peuple noir, et en raconter l'épopée.
Décidemment, les écrivains américains continuent de croire que pour être un grand auteur, il faut absolument rédiger des pavés.
470 pages pour décrire une trajectoire dont la fin est aussi prévisible, est-ce bien raisonnable ?
En dehors de quelques épisodes intéressants mais qui s'éternisent eux aussi, ce récit lambine, accumule les détails qui figent l'histoire et finissent par lasser.
Car, contrairement à ce qu'écrit la presse dithyrambique, il n'y a pas grand-chose de dérangeant dans ce livre ou de si formidablement politiquement incorrect (la nouvelle tarte à la crème de la critique).
Le style est assez incertain, entre grosse farce et réflexion détournée. du coup, je n'ai découvert qu'après coup que
John Brown avait bien existé, tant le personnage traité de manière plutôt burlesque paraissait totalement improbable dans le livre.
Quelques passages sauvent malgré tout l'ensemble, soit parce qu'ils décrivent très bien le caractère inhumain de l'esclavage qui transforme l'homme noir en bien matériel, en chose, soit et surtout (je suppose que ce sont les passages jugés si fabuleusement incorrects), parce qu'ils mettent à mal une certaine imagerie naïvement humaniste.
C'est ainsi, que par la voix de L'Échalote, quelques remarques font mouche.
Quand elles dénoncent par exemple, une certaine hypocrisie sociale qui au fond, n'a pas de couleur ou quand elles pointent le peu d'enthousiasme des Noirs pour le futur hypothétique que tente de leur vendre Brown.
Comme lors d'une conférence donnée par
John Brown, à Boston : " Pour dire la vérité, ça me rendait un peu triste de voir des centaines de Blancs en train de pleurer sur les Noirs, vu qu'il n'y avait presque jamais de Noirs présents à ces réunions, et ceux qui étaient là, ils s'étaient faits tout beaux et ils étaient sages comme des images. J'avais l'impression que la vie des Noirs, là-bas, elle était pas très différente de ce qu'elle était dans l'Ouest, à mon avis. C'était comme un lynchage collectif interminable. Tout le monde parvenait à faire un discours sur les Noirs, sauf les Noirs. "
Le clou est enfoncé lors de la même conférence : " Quand il a sorti sa rengaine sur l'enclos à esclaves de l'homme blanc qu'il fallait détruire, ils ont braillé : " Oui ! " Quand il a hurlé qu'il fallait porter la révolution chez l'homme blanc, ils ont vociféré " Entièrement d'accord ! " Quand il a tonné qu'il fallait libérer les esclaves par la force, ils se sont tous égosillés " Allons-y ! " Mais quand il a mis fin à son discours et qu'il a montré une feuille de papier en demandant aux volontaires de venir signer et s'engager dans sa guerre contre l'esclavage, y en a pas un qui s'est avancé ou qui a levé la main. La salle est devenue plus tranquille qu'un sac de coton. "
L'Échalote est un symbole assez intéressant. Ni noir, ni blanc, homme déguisé en femme, il vit dans le mensonge. Mais pour lui, " être Noir, c'est un mensonge. Personne vous voit comme vous êtes. Personne sait qui vous êtes à l'intérieur. Vous êtes jugé sur ce que vous êtes à l'extérieur, quelle que soit votre couleur. Mulâtre, brun, noir, peu importe. "
Mais tout ça aurait gagné à être beaucoup plus ramassé.