C'était une femme douce et insatisfaite, qui ne se plaignait jamais. Je l'aimais énormément. Dans les cinq minutes qui suivaient la moindre de nos conversations téléphoniques, elle rappelait immanquablement pour ajouter quelque propos sans conséquence, comme si elle ne pouvait se résoudre à raccrocher définitivement. Cela me brisait le coeur de penser combien le caractère définitif de la mort devait la perturber.
Je n'avais même pas idée qu'elle pût être malade le jour où mon père me téléphona à sept heures du matin, en pleine tempête, pour exiger que j'aille me faire couper les cheveux.
"Me faire couper les cheveux ? aboyai-je. Qu'est-ce que tu racontes ?" Je présumai que cela avait vaguement un lien avec la neige, mais lequel, allez savoir.
"Tu ne sais pas ce que c'est qu'une coupe de cheveux ?
- Mais pour quoi faire ?
- Parce que ta mère est morte dans son sommeil la nuit dernière, et je veux que tu aies l'air décent pour ses obsèques."
Aujourd'hui, la plupart des universités sont à ranger dans le même sac que les asiles de vieux, des endroits où l'on case les gens pendant quelques années parce qu'ils sont dans une tranche d'âge difficile.
L'un des dangers de trop aimer quelque chose, c'est qu'on finit par en devenir dépendant, de même que l'on devient dépendant de choses que l'on déteste ou redoute.
J'appelai Agnès.
La société E & A étant fermée à cette heure de la journée, elle répondit par un "allô" faiblard comme si elle redoutait un maniaque sexuel ou une menace de mort. [ ] .
"Agnès" dis-je, c'est ton frère.
-"Clyde?" interrogea-t-elle, comme s'il y avait une autre possibilité.
Personne ne m'avait jamais prédit que j'accomplirais de grandes choses et je commençais à subodorer qu'ils avaient tous eu raison.
L'un des dangers de trop aimer quelque chose, c'est qu'on finit par en devenir dépendant, de même que l'on devient dépendant de choses que l'on déteste ou redoute.
Aussi loin que remontent mes souvenirs, mon père a toujours raffolé des jeux télévisés, essentiellement parce qu'ils le confortaient dans sa certitude que la race humaine n'était qu'un ramassis de tarés sans cervelle.
Pareil à bien des gens qui ont conscience d'un vide dans leur existence sans pouvoir l'identifier, j'envisageais souvent de recourir à la Société Protectrice des Animaux pour me fournir un affectueux compagnon canin. Cela me paraissait beaucoup plus simple et faisable que d'essayer de trouver un amant ou l'épanouissement spirituel.
Il y a un âge où l'air affamé et négligé ne séduit que si l'on n'est ni l'un ni l'autre.
Je dois évidemment admettre que j'ai entendu des homos parler des femmes en des termes peu flatteurs, mais cela n'atteint jamais ce degré de misogynie brutale, vu qu'il s'agit généralement de leur mère.