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4,2

sur 330 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Chillicothe, Ohio. Daffy et Arc vivent avec leur mère et leur tante Clover, toutes deux junkies et prostituées. Les jeunes filles sont jumelles, tellement indissociables avec leur chevelure rousse et leurs billes de sorcière. Seule lumière dans leur univers, mamie Milkweed, qui leur a appris à développer une imagination sans fin, et surtout à distinguer le bon côté des choses de leur côté sauvage...

Après "Betty" et "L'été où tout a fondu", Tiffany McDaniel offre ici un hommage à six jeunes femmes qui ont disparu à Chillicothe en 2014 et n'ont jamais été retrouvées. Meurtres, disparitions volontaires ? Sans doute tous les efforts n'ont-ils pas été déployés pour les retrouver, car le monde se fichait de ce qui pouvait bien arriver à ces filles qui se prostituaient et se droguaient. 

C'est donc du côté de ces "femmes en route vers la nuit", que personne n'estime ni ne défend, que l'auteure se penche. Quel échappatoire à un monde de misère et de violence ? Alors même que les jumelles sont, l'une passionnée par l'eau et la poésie, l'autre par l'archéologie, elles ne pourront échapper à ce cycle infernal où la drogue semble être le seul remède à la tristesse. S'en sortir, replonger, partir, mourir... Certes, c'est un roman extrêmement sombre, où les hommes, tous suspects, ne sont que des araignées qui croisent le chemin des jumelles et de leurs amies pour le pire. Mais l'écriture m'a enchaînée au livre, bien davantage que dans ses précédents romans, si forte, poétique et implacable. Grâce à cet art de mettre de la beauté dans l'horreur, les Reines de Chillicothe sont à présent devenues inoubliables.
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Coup de coeur parmi les coups de coeur, « du côté sauvage » est un texte brillant par sa poésie, transcrite au coeur d'existences sombres et étourdissantes. C'est une lecture bouleversante, aussi triste, tragique que belle, mais surtout magnifiquement incarnée. Avec une prose mélodique et incomparable, Tiffany McDaniel embarque son lectorat « du côté sauvage » ; une réalité misérable, parfois sordide, foulée par de nombreuses femmes…

Chillicothe, avec sa fabrique de papier, sa fumée, sa rivière et son motel n'a rien du rêve américain… Bouleversée par la dépendance et la violence, la ville s'entiche de celles et ceux qui, par fatalité sociale se retrouvent accaparés par une réalité monstrueuse – illustrée par la dépendance et la prostitution… Voix omniprésente au sein du récit, la rivière ponctue le texte par sa simple existence. Façonnant une poésie tragique, elle donne le ton de ce texte mélodique et chantonnant. Jumelles et héroïnes, ce sont véritablement Arc et Daffy qui contribuent l'attache émotionnelle du lecteur au roman. Ces jeunes femmes, d'abord dépeinte enfants au sein de scènes bouleversantes, hantent l'esprit. Il est simplement impossible de se détacher de ces personnages, de leur pureté émotionnelle et de leur force…

L'intrigue suit une chronologie méticuleusement construite, entre passées présent pour offrir un final désarmant. Entre thriller et chronique sociale, « du côté sauvage » est un texte saisissant. Si par son contexte, ce livre entretient un caractère angoissant, les personnages féminins de Tiffany McDaniel y convient un lyrisme insoupçonné. Habitées par la puissance de leurs prédécesseurs, de la nature environnante et d'une vision du monde empreinte d'une touche de sorcellerie, elles tentent d'échapper à la violence du quotidien par un souffle d'amour et de poésie. « du côté sauvage » est un récit de sororité, une considération émouvante à destination de celles dont le nom s'étiole des mémoires. Librement inspiré d'une véritable histoire, ce roman est un hommage aux femmes disparues, dont l'autrice brosse des identités marquantes ; permettant de convier des sujets singuliers.

Tiffany McDaniel propose un hymne à une féminité brulante, étouffée par les hommes… L'ouvrage est brodé d'une subtilité fascinante, incarnée par la substitution de la violence face à l'amour gémellaire. « du côté sauvage » est un ouvrage qui transcende par sa délicatesse indéniable et inattendue ! Un coup de coeur vibrant, pour une infinité de raisons.
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Il y a des histoires, il y a des autrices. Il y a des livres qu'on attend un peu plus que les autres. Si vous me connaissez un peu, vous savez déjà que je ne pouvais qu'être très impatiente de lire le nouveau roman de Tiffany McDaniel, après mon coup de coeur incroyable pour « Betty » et celui pour « L'été où tout a fondu ».

Arc et Daffy sont deux petites filles, des jumelles à la chevelure de feu, elles ont chacune un oeil bleu et un oeil vert, des billes de sorcières leur a dit leur grand-mère. Avec cette dernière, elles tissent des couvertures et imaginent des histoires : celles inspirées par leur vie chaotique, elles les trouvent du côté sauvage, et celles réécrites en plus joli, du beau côté. Il faut dire qu'elles ont besoin d'un peu de beauté car leur famille est fêlée. Et puis, il y a les hommes, les araignées et la rivière dans laquelle on trouve les corps de jeunes filles disparues…

« du côté sauvage » est un roman noir, poisseux, terrible et brisé. Il y a dedans mille et une scènes d'une beauté et d'une noirceur infinies, écrites de la plume magique de Tiffany McDaniel : du laid, elle tire du beau. On y lit la famille, les destins brisés, la dépendance, les liens, la nature. Ce roman décrit une Amérique déglinguée et foutue, de celle qui rappelle notamment « On m'appelle Demon Coppehead » de Barbara Kingsolver.

Il y a des histoires. Il y a des autrices. Il y a des livres dont on se souvient toute une vie. « du côté sauvage » en fait déjà partie.
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Avant de vous lancer dans ce roman, prenez un échantillon de vous-mêmes, de votre souffle et votre coeur, réservez-le précieusement. Car au sortir de cette lecture, il ne vous restera rien, rien qu'un vide abasourdi qu'il vous faudra tenter de combler avec vos bribes mises de côté.

Mais "Du côté sauvage" ne fait pas que voler votre souffle. A sa manière, il remplit, il hante, on en ressort rassasié de savoir qu'une telle littérature existe, capable de sublimer l'indicible et le noir le plus profond. En cela Tiffany McDaniel excelle. Son lyrisme est époustouflant, façonné dans les clair-obscurs, dans la boue et les étoiles ; il vous emporte de la première à la dernière ligne, éblouissant malgré la nuit sans fin qu'il raconte.
La construction narrative est étourdissante, vertigineuse comme un puits sans fond, dans les ténèbres duquel on s'enfonce, irrémédiablement attirés. Trop tard pour remonter à la surface. Mais la chute en vaut la peine.
Il m'a été impossible de le lâcher, impossible de lâcher Arc et Daffy ; j'avais cette impression, étrange et tenace, que si je m'arrêtais de lire, j'abandonnais les jumelles à leur cruel sort, les laissais seules face à l'insupportable fatalité qu'elles accusent.

J'ai donc continué.
J'ai lu, et j'ai pleuré, et j'ai tempêté.
Chapitre après chapitre, l'intrigue, qui flirte avec le thriller, s'assombrit. Se délite et se condense. Chaque rayon de soleil - car il y en a, il y a le violon, il y a les dessins, il y a le chaton - est menacé par l'orage, les sourires finissent par gronder et éclater. C'est dur. Très dur. Mais c'est très beau, et c'est dur que ce soit beau, car finalement, ce sont ici des mots nourris de la crasse du monde, de la monstruosité des hommes qui forment cette beauté.

Le propos est dense et indispensable. En se basant sur un "true crime" survenu en 2014 dans l'Ohio, l'autrice tire des fils qui se répondent, aborde des sujets âpres et plus que douloureux (attention, beaucoup de trigger warnings), formant la toile d'un roman foncièrement féministe, évidemment révoltant, dissimulant à peine les messages revendicateurs. Un cri puissant pour ne pas oublier les enfances saccagées, les féminicides, les disparues.

Ai-je dit qu'après ce roman, il ne nous restait rien ?
Ce n'est pas vrai, finalement. Il me reste tant de souvenirs dont je ne peux et ne veux me défaire, car "Du côté sauvage" est de ces romans simplement inoubliables.
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Il m'a fallut 10 jours pour lire ce livre. Moi qui, habituellement, ne traîne jamais un livre plus de 4 ou 5 jours, il m'aura fallut le double de temps pour terminer ce chef d'oeuvre. Parce que je devais ces jours à Arc et Daffy. Parce que je ne pouvais pas survoler des passages, parce que je les ai laissé m'imprégner.
@authortiffanymcdaniel a un don. Un pouvoir. Celui de manier les mots, d'écrire des histoires si intenses, si vraies, que pendant ces quelques jours j'étais là bas, avec Arc, Daffy, Violet et les autres.
Ces livres ne peuvent pas se lire "une page par ci, une par là". Il faut de longs moments, pour pouvoir plonger dans le récit comme on plonge dans la rivière, et se laisser happer.
Il y a des passages très difficile à lire, à la limite de l'ecoeurement. Une vie de misère, de drogue, de rien. Et pourtant il y a tant d'amour dans ce livre. Entre les Soeurs, entre les amies, avec leur grand-mère et même, avec leur mère.
Je sors complètement bouleversée, la fin du livre m'a détruit encore un peu plus. C'est une histoire que je ne pourrais jamais oublier. J'avais aimé "l'été où tout à fondu", j'ai plus qu'adoré "Betty", je ne trouve pas de superlatif assez fort pour dire ce que j'ai pensé "du côté sauvage".
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L'histoire se passe dans la petite ville de Chillicothe, Ohio. Arc et Daffy sont jumelles, et grandissent dans une famille dysfonctionnelle. Leur père est mort d'une overdose, leur mère et leur tante sont droguées et ne s'occupent quasiment pas d'elle. Heureusement pendant leurs premières années leur grand-mère veille sur elles et leur apprend que la vie est comme une couverture au crochet, avec son "beau côté" et son "côté sauvage", l'envers où dépassent les fils, où se trouvent tous les dangers auxquels sont confrontées les femmes.
Fortes de ces enseignements et fusionnelles comme peuvent l'être des petites filles qui n'ont que leur amour mutuel pour tenir, Arc et Daffy traversent l'enfance en affrontant les pires épreuves.
En parallèle la rivière, personnage à part entière du roman, relâche régulièrement le cadavre martyrisé d'une jeune femme. La police s'intéressant peu à leur sort, Arc et Daffy, en grandissant, s'interrogent sur les coupables potentiels. Ils sont en effet plusieurs, car le roman ne fait pas la part belle aux personnages masculins, souvent présentés comme des prédateurs violents et misogynes.
Ce roman témoigne de la violence : violence sociale d'abord, car rien n'est fait pour venir en aide aux deux jeunes héroïnes livrées à elles-mêmes, ni pour tenter d'extirper les toxicos de leur quotidien marqué par la drogue et la prostitution. L'autrice montre bien la difficulté de se libérer de la fatalité de la dépendance et de la pauvreté. Violences faites aux femmes également, qu'elles soient physiques ou verbales. Mais le roman rend aussi un bel hommage à l'amitié et à la sororité ; l'entraide entre les soeurs et les amies donne lieu à des scènes bouleversantes.
Et même s'il peut sembler impossible de se sortir de ce quotidien mortifère, Arc et Daffy, portées par leur amour mutuel et leur pulsion de vie incroyable, ont des rêves, des rêves de petites filles qui leur apportent soutien et espoir. Elles ont aussi en tête les enseignements de leur grand-mère, personnage lumineux qui m'a rappelé Landon, l'inoubliable papa de Betty.
D'autres personnages, les jeunes femmes qui deviendront les amies des jumelles, sont très attachants : toutes ces femmes sont sous l'emprise de la drogue et se raccrochent elles aussi à leurs rêves.
On est totalement emporté et bouleversé par la lecture de ce roman magnifique, inspiré d'un fait divers : six jeunes femmes ont été tuées dans la ville de Chillicothe. Tiffany McDaniel leur rend un superbe hommage en les immortalisant en héroïnes de papier.
Le roman est d'une terrible noirceur, mais l'écriture poétique de l'autrice, d'une beauté à couper le souffle, transcende le réel. On passe sans arrêt des ténèbres à la lumière. Les émotions ressenties lors de cette lecture m'ont fait beaucoup penser au roman A Suspicious River, de Laura Kasischke, dont les terribles histoires sont servies par une écriture poétique extraordinaire.
Un tour de force ! Il faut souligner également le talent du traducteur François Happe, jumeau français de Tiffany McDaniel.


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Pour moi, une parution de Tiffany McDaniel est désormais un rendez-vous à ne pas manquer. Une fois encore, son récit est fort, percutant, singulier. du côté sauvage est le genre de livre que vous n'oubliez pas et ce, même longtemps après l'avoir lu.

Ce roman est en quelque sorte un hommage aux six disparues de Chillicothe, Ohio. C'est en tout cas une poésie noire à destination de toutes les « laissées-pour-compte », ces femmes qui ne sont plus qu'une ombre aux yeux de tous, celles dont on ne se souvient pas du nom, celles dont on ne se soucie guère, les laissant dériver à la merci des hommes-araignées qui les encerclent, les emprisonnent et les malmènent à l'aide de leurs huit pattes noires comme la mort.

Ces hommes, Arc, la narratrice, les connaît depuis son enfance – tout comme Daffy sa soeur jumelle -, lorsqu'ils laissaient leurs traces sur les corps de leur mère et de leur tante. Désormais, elle les côtoie de bien trop près elle aussi, tout comme l'enfer qui coule dans leurs veines à toutes. Un avenir tout tracé, dirait-on.

Pour survivre à la noirceur de leurs jours et de leurs nuits, Arc, Daffy et leurs amies se créent un monde où les cailloux sont des pierres précieuses, où la carcasse d'une voiture se révèle être une machine à remonter le temps, où les fumées s'échappant de la papeterie sont issues du galop de chevaux hennissant de toute leur puissance ; un univers dans lequel elles sont les reines de Chillicothe et portent des couronnes qui leur font oublier, pour un temps, leur quotidien.

Mais lorsqu'un premier corps est repêché dans la rivière, puis un deuxième, puis un troisième, et un quatrième, la réalité se rappelle à elles. Ces morts sont systématiquement des femmes, des amies, parfois des mères, et pourtant elles tombent dans l'oubli aussi rapidement qu'une pierre coulant au fond de l'eau.

De temps à autre surgit l'espoir de fuir cette vie qu'elles savent foireuse mais est-il si facile d'abandonner ce qui vous berce d'illusions et qui vous tiraille les chairs lorsque vous vous en éloignez ne serait-ce qu'un peu ?

Ce livre est un cri sourd qui ne cesse de bourdonner à vos oreilles pour que vous ne vous désintéressiez pas, vous aussi, de ces âmes en perdition qui ne l'ont pas toujours été. C'est un récit dont l'incroyable narration est truffée d'imaginaire et de poésie. Il est empli du clair de la lune et de la profondeur des ténèbres.
Il aurait pu être légèrement plus court, de mon propre avis, (il contient plus de 700 pages) mais jamais il ne laisse indifférent.

Tout comme son précédent roman, L'été où tout a fondu, je vous le conseille pour sa singularité, son ardeur, sa profondeur et l'impact qu'il laisse derrière lui.
Il me reste encore Betty à découvrir, et je m'en délecte d'avance.

Lien : https://ducalmelucette.wordp..
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Cette nuit, je tourne la dernière page de ce troisième roman de Tiffany McDaniel le coeur en miettes, 700 pages impossibles à lâcher, à oublier, nous emmenant du beau coté et du côté sauvage, celui des femmes, des rêves brisés, de la mort et de la vie.
 
Il est si bon de retrouver la plume envoûtante de l'autrice, qui arrive à faire cohabiter la plus extrême noirceur, glaçante et implacable, avec un tel flamboiement et une poésie de chaque instant. 
Inspiré de faire réels, ce livre est un hommage immense à la féminité, aux victimes, pour ne pas oublier. Mais quand vous aurez rencontré Arc et Daffy jamais vous ne les effacerez de votre mémoire. 

C'est dans la petite vie de Chillicothe, Ohio, qu'elles vivent, Art et Daffy; elles ont sept ans, soeurs jumelles à la chevelure flamboyante et billes de sorcière, un oeil vert, un oeil bleu, chacune étant la moitié de l'autre, inséparables.
Arc aime creuser la terre et se plonger dans les livres, Daffy adore l'eau et écrire de la poésie. 
C'est mamie Milkweed et sa sagesse qui veillent sur leurs rêves et leur inventivité et non la mère et la tante, paumées quelles sont par la drogue, femmes aux rêves minables et à l'esprit étriqué, offrant leur corps pour payer leur dope, aux hommes méprisables et violents qui prennent tout ce qu'ils désirent.
Arc et Daffy n'arrivent à s'évader que dans l'imaginaire, dans les dessins et les rituels que leur enseigne leur grand-mère lorsque le monde s'assombrit autour d'elles...

Cependant, rien n'est éternel, le temps qui aura vu les soeurs grandir aura également vu la rivière faire de même, se remplissant des larmes de la désillusion, de la souffrance et de la mort, son eau continuant de diluer l'héroïne dans les petites cuillères, et transportant le corps des victimes.
Les jumelles et leurs amies sont devenues les reines de la ville, reines déchues de ce pays de mirages et de fumée. Car la pente ici y est glissante et semble toujours descendre malgré les efforts pour tenter d'en réchapper, entraînant avec elle les promesses non tenues, les espoirs avortés... 

La dépendance est une voleuse, tout comme les hommes qui ont un loup à la place du coeur et consument tout ce qu'ils touchent, tous, vous les détesterez.

Particulièrement l'araignée, qui porte sur lui l'odeur de l'enfer et tisse sa toile de peur pour y emprisonner ses victimes, ou bien le démon tatoueur, l'homme au gant rouge, le violoniste et tous les autres "Johns". 

Merci Tiffany pour cette ode à la sororité, aux femmes, portée par cette écriture métaphorique et poétiques, infiniment vivante et déchirante. J'en sors retourné par ces vies que j'ai côtoyées au plus près de leur intimité toutes au long de ces pages, que j'ai vu souffrir et espérer, combattre et renoncer, inventer et survivre.
Coup de coeur évidemment, même si dans les cinquante dernières pages il aura été retourné plus d'une fois !
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Arc nous raconte son histoire : elle et Daffy sont jumelles. Nées du mauvais côté, leur destin est déjà écrit. Leurs parents sont tous les deux toxicomanes. Leur grand-mère, un peu sorcière, un peu magicienne, essaie de les faire sortir de cette vie de misère et de souffrance, mais rien à faire, la noirceur les rattrape toujours. Nous allons les voir grandir, évoluer, avec des périodes d'espoir, d'avenir possible. Elles rencontreront des monstres, mais aussi d'autres femmes, créant leur petite bande «  les reines de Chillicothe ». Leur lieu de ressource : la rivière. Chacune a son histoire, ce moment où tout a basculé pour faire de la drogue leur unique raison de survivre. Survivre grâce à l'héroïne.

Une à une, ces femmes au destin brisé par la drogue vont disparaître, certaines retrouvées mortes dans la rivière. Mais tout le monde s'en fout, personne ne fait de recherches, d'enquête. Elles n'étaient que des junkies, des prostituées.

Tant de thèmes difficiles soulevés sans ménagement, tant de choses à dire sur ce roman. Je pense qu'il mérite une seconde lecture. La fin m'a tellement surprise, que je pense que j'ai besoin de relire certains passages sous un autre angle.

Tiffany McDaniel base son roman sur une réalité : les meurtres et disparition de plusieurs jeunes femmes dans l'Ohia entre 2014 et 2015.

Immense coup de coeur pour ce sublime roman. Encore une fois, Tiffany McDaniel fait d'une histoire sombre, tragique, un moment poétique et magique. Que de noirceurs dans ces pages, que de drames, de destins tragiques, de vies brisées, de monstres à chaque coin...certains passages sont si durs que j'ai dû faire des pauses à plusieurs reprises. Et pourtant, que de poésie, de magie dans les descriptions de lieux sauvages, de nature, dans les liens tissés par ces femmes, leurs espoirs, leurs buts. Que d'amour et de sororité.

Tiffany McDaniel ne cesse de me surprendre et de m'émerveiller dans ces écrits. Tout comme Betty, Arc et Daffy resteront dans ma mémoire un long moment.
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Je l'avoue, je n'ai pas lu « Betty », le roman de Tiffany McDaniel, que bien des personnes m'avaient conseillé. Un roman tellement vanté par la critique et porté aux nues par beaucoup de lecteurs et lectrices. Ce n'est pas une raison, mais je ne suis pas le seul à avoir passé à côté de ce magnifique roman. McDaniel a écrit sa première version à 18 ans en 2003 et c'est seulement en 2017 qu'une grande maison d'édition américaine a édité le récit. Et depuis, « Betty » s'est mérité de nombreux prix dont le Prix des libraires du Québec en 2021.

Non, je ne l'ai pas lu, mais dès cet été, je me promets ce plaisir de lecture! Car, après avoir lu « du côté sauvage », son plus récent livre, je suis devenu inconditionnel de cette jeune auteure américaine. Quel talent ! Quelle écriture !

Chillicothe, petite ville de l'Ohio, où toute l'activité tourne autour de la papeterie … et de la rivière qui y coule. Arc et Daffy, deux jumelles à la flamboyante chevelure rousse vivent dans des conditions pitoyables entre une mère et une tante, toxicomanes et prostituées. Ce n'est pas l'amour qui les nourrit. La mère leur dit : « Chacune de vous n'est que la moitié de la même pomme pourrie. » Toutes les deux ont des yeux vairons : une a l'oeil bleu à gauche, l'autre l'a à droite. Même chose pour l'oeil vert ! Cela donne des scènes attendrissantes quand on leur demande de fermer un oeil et qu'elles deviennent juste une personne … aux yeux bleus ou aux yeux verts.

Avant, elles étaient élevées chez leur grand-mère, Mamie Milkweed, qui peuplait leur imaginaire de petite fille. Malgré l'environnement glauque, la grand-mère réussissait à leur faire miroiter des mondes fantastiques où tout était presque possible. Adepte du crochet, elle leur apprenait que sur ses oeuvres, il y avait un côté doux et joli et que de l'autre, il y avait un côté rugueux et laid que l'on pouvait améliorer en rentrant sous les laines qui dépassaient. En bref, la vie, on pouvait l'améliorer.

Les parents ont décidé de reprendre les filles, car ils pensaient devenir « clean »! Et ç'a été le début de l'enfer. le père mort, la tante s'installe à la maison, le seul moyen pour la mère de se procurer sa drogue, c'est la prostitution. Dans sa chambre, tout à côté de la chambre des filles. Très rapidement, un des clients abuse des petites. Commence alors leur propre enfer qu'elles essaient d'adoucir en utilisant leur imagination : des gâteaux d'anniversaire dessinés sur le plancher, des recherches archéologiques directement sorties de leur imagination, des cadeaux qui n'existent pas, etc. Toute leur enfance est marquée par des adultes qui n'en sont pas; leur mère qui vit pratiquement tout le temps dans sa chambre et leur tante, vissée à son fauteuil à regarder des émissions de tourisme.

Pas surprenant que leur seule issue sera la prostitution où elles retrouveront des femmes comme elles, sans avenir, droguées, victimes de violence et d'intimidation, mais enveloppées dans une sororité bienveillante, apaisante. Et des rêves qui partent souvent dans les brumes de leur addiction. Thursday, Indigo, Violet, Sage Nell, des portraits de femmes durs, sans compromis, mais teintés d'une douceur intérieure belle et émouvante.

Et un jour, une d'elles sera retrouvée morte dans la rivière.

« Cause de la mort : appartenance au sexe féminin »
Extrait du rapport du médecin légiste
Page 175

Puis, une autre ! Ces femmes sont mortes, victimes de la violence et elles partent dans l'indifférence la plus totale. Qui se soucie de ces femmes ? Surement pas les hommes qui les fréquentent. Ni la police !

Ces hommes qui n'ont pas de noms, qu'elles appellent des « johns », mais dont certains sont encore plus violents que les autres. Il y en a un, l'araignée, policier violent, abuseur, sans aucune empathie ni morale. Quand il apparait, une image d'araignée s'installe à travers les mots pour nous rappeler qu'il est omniprésent, tissant sa toile autour de ces filles sans défense. Avertissement aux arachnophobes!

« du côté sauvage » est un roman très noir. Ces femmes plongent sous nos yeux dans les ténèbres les plus profondes dans l'espoir illusoire d'y trouver un peu de lumière. Est-ce que les profondeurs de la rivière sont les seules issues possibles pour elles ?

Personne n'enquête ! Pourquoi faire? Ce ne sont que des femmes, des prostituées, des junkies ! Non, « du côté sauvage » n'est pas un roman policier, mais un roman noir où la réflexion prend souvent place dans notre esprit. Avec ses pages difficiles de violence à supporter, on ne peut pas fermer les yeux et dire que ça n'existe pas. Car ces femmes nous lancent un message en criant leur désespoir sans issue.

Ce serait facile de se dire que c'est de la fiction, ce n'est qu'un roman !! Mais en fouillant un peu, on découvre qu'en 2014-2015, il y a eu à Chillicothe en Ohio, six meurtres de prostituées; des faits qui ont inspiré cette histoire à Tiffany McDaniel.

Il n'y a pas grand-chose de gai dans ce roman, n'attendez pas de « belle fin joyeuse pleine d'espoir» !! Tiffany McDaniel nous dépeint une société qui perdure où certaines femmes sont encore considérées comme des sous-humains. Une chance qu'un personnage comme la mamie vient mettre juste un peu de lumière dans ce côté sauvage. Arc et Daffy sont deux personnages extraordinaires, inoubliables. Deux enfants et deux femmes qui nous habitent pendant très longtemps. On ne peut rester insensible à leur vie de misère qui leur colle à la peau.

Un dernier mot important ! Tiffany McDaniel décrit toute la noirceur du monde mais son écriture est lumineuse, poétique, tellement belle, à l'opposé de son sujet ! Son regard acéré sur la société, la violence et le côté sombre de l'humain sont décrites avec talent, avec une plume qui donne un certain esthétisme à la langue. McDaniel n'est pas qu'une bonne « story teller », elle est une excellente écrivaine.

Âmes sensibles, ne vous abstenez pas de lire ce magnifique roman, vous passeriez à côté d'un récit prenant, d'une profondeur et d'un réalisme parfois insoutenable. Certains pourraient dire que « du côté sauvage » est un roman de femmes … Au contraire ! Ce roman dresse le portrait d'une certaine société très contemporaine et dans la vague de féminicide qui dure depuis la pandémie au Québec, tout moment de réflexion n'est pas de trop.

« du côté sauvage » est un roman où les femmes sont victimes, mais où les hommes sont prédateurs. Un peu comme ça arrive trop souvent dans la réalité !

Et là, je me fais plaisir en terminant ma chronique par l'incipit du roman :
« Notre première faute fut de croire que nous ne mourrions jamais. La seconde fut de croire que nous étions vivantes. »


Bonne lecture !


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