Citations sur Lonesome Dove, tome 1 (95)
Si tout était silence, il pouvait toujours essayer de deviner le temps qu'il ferait le lendemain, quoique la région de Lonesome Dove réservât peu de surprise à ce sujet. Quand on levait les yeux vers la voûte étoilée, on était étourdi tant la nuit était claire. Les nuages étaient aussi rares que des billets de banque, et Dieu sait si ces derniers étaient rares.
Bolivar prit place sur le siège du chariot, son calibre 10 posé sur les genoux. L'expérience lui avait appris que quand les ennuis arrivent, ils vous tombent dessus à toute vitesse, aussi préférait-il garder son revolver à portée de main pour les tenir en respect.
Il avait démarré à l'économie, se contentant au début d'inscrire le nom de l'entreprise : HAT CREEK CATTLE COMPANY AND LIVERY EMPORIUM. Call avait objecté que personne ne savait ce que signifiait le mot emporium, lui le premier, et qu'il continuait de l'ignorer malgré les interminables explications alambiquées d'Augustus. Tout ce que Call savait, c'était que leur entreprise n'avait rien d'un emporium, qu'il ne voulait pas en entendre parler, quoi que ce mot désignât, et qu'il ne voyait pas ce qu'un emporium avait à voir avec une entreprise de bétail.
Augustus avait pourtant suivi son idée et emporium figurait sur l'écriteau. Il y tenait avant tout pour faire savoir au quidam qu'il se trouvait à Lonesome Dove au moins une personne capable d'orthographier les mots rares.
Jake était de ces hommes qui ont l'air d'être en rut tout au long de l'année, ce qui agaçait beaucoup Call qui ne l'était jamais, du moins en apparence.
Il traversa la maison et alla jeter un coup d'œil à la grange sans toit, amusé de voir que dix ans passés dans ces lieux avaient laissé si peu de traces. Ils avaient vécu chaque instant comme s'ils devaient lever le camp la minute suivante, et finalement, c'est bien ce qui était arrivé. La grange resterait sans toit et le puits à moitié creusé. Les serpents à sonnette pourraient occuper le bâtiment qui abritait la source, il s'en fichait à présent - il y avait déjà repris son cruchon de whiskey. Il se passerait du temps avant qu'il ne retrouve un porche aussi bien ombragé où s'asseoir pour passer l'après-midi à boire. Au Texas, il avait bu pour protéger ses pensées de la chaleur ; dans le Montana, ce serait sans doute pour les protéger du froid. Il n'éprouvait aucune tristesse. Du Texas, il ne savait qu'une chose : il avait eu de la chance de le quitter en vie - et il aurait une longue route à faire avant de pouvoir être sûr de renouveler un tel exploit.
Xavier se mit alors à sortir de l'argent de sa poche. Il était difficile de dire quelle somme il lui tendait, mais c'était beaucoup plus que cinquante dollars. Cent dollars, peut-être. A la vue de tout cet argent, elle ressentit une sorte de lassitude. Quels que fussent ses projets ou le style de vie qu'elle choisirait, il y aurait toujours un homme pour la regarder en lui offrant de l'argent.
Bien souvent, il s'était demandé si lui-même pourrait rivaliser avec Gus si celui-ci mettait de la bonne volonté dans son travail. Mais il n'avait jamais pu le vérifier tant il était rare que Gus s'active vraiment. Ils se complétaient parfaitement tous les deux : lui en faisait plus que nécessaire pendant que Gus en faisait le moins possible.
C'était un phénomène étrange mais néanmoins indiscutable : la mort d'un ennemi pouvait vous affecter presque autant que celle d'un ami.
Il se saoulait rarement pour de bon, mais il appréciait cette sensation de flou tandis que le soir tombait et que les délicieuses lampées de whiskey entretenaient sa bonne humeur pendant que le ciel se colorait à l'ouest. Le whiskey ne perturbait pas ses facultés intellectuelles, mais il le rendait plus tolérant envers les êtres frustres dont il devait partager la vie.
Deets aimait son travail, il aimait faire partie de l'équipe et avoir son nom sur l'écriteau. Pourtant il se sentait souvent triste. Là où il était le plus heureux, c'était quand il s'asseyait, le soir, le dos contre l'abreuvoir et qu'il regardait le ciel et la lune changeante.
Il avait connu plusieurs hommes qui s'étaient tiré une balle dans la tête. Le bonheur qu'apportait le ciel et la lune ne leur avait sans doute pas suffi pour surmonter les idées noires auxquelles personne n'échappe.