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sur 129 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Une mégapole aux habitants tous aveugles de naissance s'est adaptée au fur et à mesure des générations, à ne pas considérer ceci comme un handicap, ou une malédiction mais comme la norme. Ainsi ils apprennent à l'école à évoluer dans leur « espace proche », une bulle devenue avec les siècles leur périmètre de sécurité, un cercle familier d'environ 2 mètres autour de leur corps. Ils se dirigent grâce à des capteurs acoustiques perfectionnés, ils ne connaissent d'autrui que la voix, tout vocabulaire attrait à la vue a disparu, le sens en a été perdu. Cela est exceptionnel, mais certains peuvent souffrir d'une maladie mentale qui les confronte à de graves hallucinations, une psychose de l' « espace lointain », leurs organes visuels semblant détecter tout à coup une mégapole sinistre et sombre, empilage de strates de métal, de bunkers d'habitations, de tubes pour le train pneumatique. Ils sont traités à fortes doses de médicaments, on leur propose des scellées oculaires pendant 6 mois, un long traitement duquel ils sortent heureusement « guéris ». Mais Gabr Silk décide de ne pas suivre le traitement, loin d'imaginer à quelle vérité il sera confronté, et quelles responsabilités pèseront sur ses épaules ordinaires, au contraire de ses yeux.
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La cécité visuelle est ici une allégorie de la perception du monde à laquelle nous avons accès, avec nos sens notamment. Une portée philosophique qui pousse à la réflexion. Un peu comme elle était une allégorie d'un régime politique autoritaire dans « L'aveuglement » de José Saramago, sans l'exceptionnelle plume de ce dernier cependant, mais j'ai tout de même imaginé cette mégapole comme la descendante des protagonistes du livre de Saramago, qui n'auraient plus jamais recouvré la vue, et auraient engendré une descendance d'aveugles.
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J'ai aussi pensé à une autre perle des lectures de l'imaginaire, « Nous » de Evgueni Zamiatine où les certitudes du personnage sur le bien fondé du monde qui l'entoure sont bouleversées par une rencontre. Ici c'est de recouvrer la vue qui bouleverse un système établi pour un monde aveugle. Un monde aveugle moins immersif que le monde mathématisé imaginé par Zamiatine, mais avec quelques scènes marquantes tout de même, comme celle où Gabr voit sa mère pour la première fois, on tâche de ressentir tout ce que les normes d'un monde aveugle peuvent engendrer de différent par rapport à notre façon de percevoir le monde tel qu'on le connaît.
Des scènes tout de même un peu trop rares qui font qu'il m'a été difficile de m'identifier au personnage, et d'avoir de l'empathie. La narration se tourne davantage vers la difficulté de ce personnage à trouver sa place par rapport à tout ce qu'il découvre, que d'évoquer ce monde de la mégapole. C'est un fait posé, les gens sont aveugles, mais je reste frustrée de ne pas en savoir plus sur le pourquoi, le comment ils se sont adaptés et l'évocation de la vie du personnage dans ce monde. Tous ces éléments restent trop en surface pour être touchée.
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D'autre part, l'action est coupée par de longs extraits d'un livre que j'ai trouvé indigeste « Le diapason des sentiments inexplorés », et par un recueil de poésie « proche lointain » que je n'ai pas réussi à rattacher à l'ensemble du récit.
Ce livre remplit son rôle de dystopie, c'est à dire nous donner à réfléchir sur le système dans lequel nous évoluons, de tâcher de garder les yeux ouverts, même sur ce qui nous paraît improbable voire impossible « Si nous nous considérons comme des êtres libres, nous ne pouvons pas rejeter l'idée que l'impossible existe » p130. Mais je ne m'y suis pas immergée totalement, il a eu moins d'impact sur moi que d'autres, même si la proposition est singulière, le traitement m'a souvent laissée de côté.
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Les millions d'habitants de la mégapole sont tous aveugles. Ils ne savent pas ce qu'est la vue, et pensent que l'espace lointain, c'est à dire l'espace qui est hors de leurs faibles perceptions, n'existe pas. Au cours de leur vie ils ne sortent guère de leur appartement, de leur travail et de leur rue. Et voilà qu'un beau jour, Gabr se retrouve voyant. C'est la panique : qu'est-ce donc que cette étrange hallucination ? Il se tourne vers les autorités qui ne manquent pas de tenter de le soigner. Mais il tombe sur une bande de rebelles, des ex-voyants qui se sont fait voler leur don par la « médecine » et qui, plein d'amertume, veulent plonger la mégapole dans le chaos.

Espace lointain fonctionne plutôt bien. L'écriture est terriblement fluide, tellement que j'ai lu le livre en une journée. Mais par contre, il y a clairement un côté un peu simpliste. Ainsi la structure dystopique est extrêmement classique : le héros commence en étant parfaitement intégré à la société oppressive dont il fait partie, mais le voilà qui dévie. Il trouve des rebelles, puis se frotte aux véritables leaders de la cité qui tentent de le convertir à leur cause. Et pour conclure, il n'y a pas grand chose face à l'inertie des choses. Chaque étape est symbolisée par une femme : une pour la masse de la population, horriblement cruche, une pour la classe dominante, légèrement moins cruche, et une dernière pour les rebelles et l'éventuelle escapade finale : Gabr et sa troisième copine se barrent dans la nature. Cette fin optimiste est bizarre, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il vont crever de faim une semaine plus tard.

Notons aussi l'étrange conception que l'auteur se fait de la vie en aveugle. Il a l'air de penser par exemple que le fait d'être aveugle libère de tout souci de propreté, ainsi avoir des morceaux de nourriture séchée dans les cheveux est parfaitement normal. Il pense aussi que les aveugles ne peuvent pas concevoir de désir sexuel abstrait : « le corps de notre partenaire ne nous attire que lorsque nous pouvons le toucher. » (p.188) Certes, le désir visuel n'existe pas, mais le désir tactile ne peut-il pas exister dans l'esprit, en dehors du contact effectif ? N'est-il pas possible pour l'esprit de concevoir une sorte de modèle 3D D autrui ? J'ai l'impression qu'il pense que les aveugles ne sont pas capables de connaître la beauté : « Pour les aveugles, tout cela n'existe pas : il n'y a pas de notion d'acier brut, pas de crasse, comme il n'y a pas de laideur des objets ou des corps déformés. » (p.260) Quoi ? Les aveugles ne pourraient pas connaître la beauté ou la laideur d'un objet par le toucher, ou la beauté d'un corps ? J'en doute. Chaque sens est une source de beauté.

Autre problème : créer une société massive et immuable qui reste stable sur le très long terme. L'auteur mentionne, si je me souviens bien, des milliers de générations. Si l'on dit qu'une génération, c'est vingt ans, que qu'il n'y a que deux milliers de générations, on arrive déjà au chiffre de 20000 ans. C'est absolument énorme. A titre de comparaison, l'agriculture date d'il y a 10000 ans environ. Que la mégapole survive pendant aussi longtemps, en étant à peine entretenue par des aveugles qui n'ont aucune idée de leur environnement réel, voilà qui est déjà improbable. Mais que la caste de dirigeants, qui sont tous des voyants, soit restée stagnante pendant aussi longtemps, c'est juste impossible. Pendant tout ce temps, ils ont vécu dans un bled de « quelques dizaines de rues ». Quoi ? Et la croissance démographique ? En profitant des ressources technologiques qu'offre la mégapole, ils auraient eu le temps de repeupler la Terre plusieurs fois. Et personne n'a envie d'avoir plus de deux enfants ? Pourquoi personne n'a envie de voir ce qu'il y a de l'autre côté des montagnes ? Ils ne sont même pas au courant du camp rebelle qui existe depuis des décennies à une courte distance de marche. Après tout ce temps, et malgré l'absence de tout problème matériel, ils sont si peu nombreux qu'ils sont en manque de ministres pour diriger la mégapole. Alors qu'ils ont, pour un village de « quelques dizaines de rues », plusieurs journaux et plusieurs chaînes de télé.

Bon, ça fait beaucoup de points qui passent difficilement. Il n'empêche que l'ensemble forme un récit entraînant qui explore la capacité qu'ont les sociétés humaines à vivre dans le mensonge. Accepter un fait comme une réalité et construire l'univers autour de ce fait, jusqu'à ce que la question de sa réalité ne se pose même plus : il devient impossible de changer simplement à cause de l'inertie accumulée. Et, comme dans toute dystopie, la changement individuel est victime d'une répression autoritaire mortelle. Ici, même la classe dirigeante est piégée : au fond, elle ne contrôle pas la société qu'elle gère vaguement, au contraire, c'est cette société qui la contrôle. Mais ce détail me semble discutable : je doute que puisse exister une classe dirigeante aussi incapable de saisir les privilèges qui s'offrent à elle.

Lien : http://lespagesdenomic.blogs..
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Bon autant le dire... ce n'est pas mon type de lecture. J'ai tenté, persisté, repersisté pour arriver, au milieu du livre, à y trouver un intérêt.
Gabr vit dans un monde où tout le monde est aveugle et là, horreur absolue, lui apparait des images abominables. Effrayé il va consulter et là s'enclenche une machine infernale où chaque partie tente de l'emmener. Les "non-voyants" qui souhaitent lui ôter la vue, les anciens voyants qui veulent l'utiliser dans leur groupe avec le général Oks... Gabr est perdu car il ne peut plus faire comme si il n'avait rien vu de son monde qui l'effraye et la beauté de la mer. Lioz, son amour, tente de le persuader de se faire soigner afin qu'il redevienne "comme avant". Gabr passe d'émotions en émotions et n'arrête pas de se poser des questions sur la vie, la mort, le droit des gouvernants,... Que peut-il faire ? Rester oui mais dans quel clan ? Fuir oui mais comment faire ? Laisser sa vie et ses proches ? La vue va lui ôter énormément et lui apporter. Un livre qui fait réfléchir sur les droits des uns et des autres à savoir, ne pas savoir, qui décide de la vie des autres et le droit de ne pas se soumettre.
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Espace lointain m'a tout de suite interpellée par sa thématique. L'idée d'un monde aveugle en soi était intéressante et le héros qui recouvre la vue allait forcément se heurter à une nouvelle vision de son monde.

Parmi les points forts du récit, on appréciera l'alternance entre des chapitres du point de vu du héros avec ceux de certains écrits scientifiques du monde dans lequel il habite. Ces récits censurés par le pouvoir sont l'occasion pour l'auteur d'étoffer la notion d'espace proche et espace lointain qui façonnent l'univers de ces personnages aveugles.

Mais ce qui nous intéresse, c'est de voir ce qui va advenir de notre (anti)héros que l'on prend pour fou quand il explique avoir des visions (même s'il a du mal à expliquer quelque chose d'inexplicable dans une société où les mots liés à la vue ont quasiment disparus).

Jusqu'à la moitié, 3/4, du livre, un certain suspens existe et nous aurons quelques révélations intéressantes sur la construction et le contrôle de la mégalopole aveugle.

Mais malheureusement, le récit patine beaucoup ensuite et la fin se fait attendre. En effet, notre héros est incapable de prendre la moindre décision et se retrouve balloté entre différents protagonistes qui eux ont une idée bien précise de ce qu'ils attendent de lui, ça en devient insupportable d'avoir un personnage si vide de volonté.

Ce récit, qui est en fait une réécriture du mythe de la caverne de Platon, devient une démonstration un peu trop lisse de ce que peut provoquer un accès au savoir après un passage dans l'obscurité. L'auteur manque cruellement de nuances quand il parle des personnages féminins (principalement doux et idiots) et des aveugles, ce qui est un comble pour quelqu'un qui dit se glisser dans leur univers.
Il est notamment fait référence à la crasse et aux haillons qui habillent les habitants de la mégalopole, hors on ne voit pas pourquoi des personnes capables de donner des cours et exécuter tout un tas de métiers seraient incapables de se vêtir et d'être doté d'un sentiment de pudeur. Les passages sur le désir sont ostensiblement écrits par un homme qui voit et se borne à la vue pour éveiller ses sens...

Bref, un ouvrage avec un fort potentiel jusqu'à la moitié environ mais qui est gâché par un gros manque de rythme et des personnages un peu trop didactiques et stéréotypés pour être intéressants.
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Métaphores philosophiques et politiques très appuyées au pays des aveugles.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/01/20/note-de-lecture-espace-lointain-jaroslav-melnik/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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