Mon avocate a récusé deux jurés potentiels, et le procureur deux. Voilà. Tous les acteurs sont là, face à moi. Le président a une cinquantaine d'années, le visage buriné comme un guide de haute montagne, un nez proéminent et pas un seul cheveu blanc. Il est entouré de ses assesseurs, une toute jeune femme au regard qui pétille, qui me frappe par l'extrême maigreur de ses poignets que je vois dépasser de sa robe noire, et un homme entre deux âges, blond, un peu fade et au regard blasé, fatigué probablement d'une vie passée à tâcher de corriger les errements de la misère humaine. Ces deux-là sont à leur tour jouxtés par les six jurés titulaires et les trois suppléants. Sur leur deux visage on lit l'angoisse à l'idée de devoir se prononcer, la responsabilité que tout à coup l'Etat leur fait endosser, en les sortant de leur quotidien pour les confronter au crime, à la noirceur de l'âme humaine, à la soif de justice inextinguible des victimes et des accusateurs, bref, à cet univers dont ils ne connaissaient jusqu'alors l'existence que par la télévision, et qui soudain leur est imposé.
Le président leur rappelle qu'on ne leur demande pas d'avoir raison ou tort. C'est très important. On leur demande simplement leur opinion, en leur âme et conscience. Aucun d'eux ne me condamnera ni me m'acquittera. Ils sont les représentants du peuple, chacun donnera son avis et c'est leur avis commun qui décidera de mon sort, pas leur décision individuelle.
Tout est impressionnant dans cette salle. Ses dimensions, le formalisme, les costumes, tout est fait pour rappeler au justiciable combien il est infiniment petit devant l'instituions et qu'il lui faudrait un miracle pour échapper au courroux de la justice.
Vie de couple. Vie quotidienne
Tout ce qui ne tue pas, rend plus fort, faire de chaque crise une opportunité