La saison des pluies est terminée et l'assèchement des pistes va sûrement amener les envahisseurs fascistes. Que compte faire Sa Majesté ? Ravitaillement nécessaire. Port de Massaoua rempli de navires italiens. Troupes massées à Asmara, prêtes à attaquer nos frontières.
L'amour de sa mère, avait dit un jour son père, pouvait détourner le cours d'un fleuve et le plier à sa volonté. Ta mère, disait-il, donne à voir toute la beauté du monde.
On voit le Kenya, au profil de reine. La couronne pointue de l'Éthiopie effleure la mer Rouge. Là-bas, c'est le golfe d'Aden. L'océan Indien.
On voit un mendiant enchaîné et squelettique à genoux devant un homme à grosse tête arborant une couronne. En dessous, surmonté d'une succession de mots, le même mendiant se tient debout, ses chaînes brisées, avec à ses pieds la couronne fracassée de l'empereur. Un peu ventripotent à présent, il salue un soldat d'un bras dressé bien droit, avec un sourire de jubilation.
Ces Italiens veulent déclencher une révolte avant de s'emparer de notre pays, dit Aster. Mussolini veut que ces gens rejoignent son armée.
Elle lui fait face, le visage presque collé au sien. Et pourquoi on ne saurait pas lire, nous aussi? Hein, Carlo? Dans les livres les plus anciens, il est déjà question d'une Ethiopie. Notre peuple remonte plus loin que cette Rome antique dont vous êtes si fiers. On existait avant vous, quand vous n'étiez même pas un peuple, juste une bande de paysans.