Ce petit matin d'octobre 1948, c'est l'enterrement de Mme le Bihan que suit le cortège qui se dirige vers le cimetière de l'église de la rue Carnot à Lorient.
C'était écrit dans les pages de "La liberté", dans le quotidien qui se crie au coin des rues dès quatre heures du matin, Joséphine Conan a été assassinée.
Mais que l'on ne cherche pas ici un roman policier, ni une énigme à résoudre.
Qui a tué
Fine importe peu. D'ailleurs
Fine a-t-elle vraiment été assassinée ?
Charlotte Merle nous présente
Finette, Joséphine Conan, veuve
Le Bihan.
En 1943, elle a soixante et un ans, la peau tannée, les yeux tachés de rouge par le vent et toujours la goutte au nez.
Court vêtue sous le tablier large, elle pousse, dans l'épaisseur de chaque petit matin, sa brouette sous l'angle de la criée.
Elle attend le sardinier dont la pêche va ruisseler dans ses paniers d'osier.
Marchande de poisson à la brouette, elle va vivre, dans cet ouvrage, trois
journées
- dans la ville de Lorient bombardée et détruite,
- en Mayenne réfugiée à St Charles, petit village silencieux de quelques mares autour d'une église ancienne
- et de retour, plusieurs années après dans une cité neuve, reconstruite à l'américaine sur les ruines de l'ancien Lorient disparu à jamais.
En 1950,
Charlotte Merle signe un livre empreint de nostalgie, fait de paysages, d'évocations de rues et de quartiers disparus mais aussi et surtout elle brosse une peinture sensible, d'une humanité toute féminine, des personnages qu'elle nous présente.
Le style foisonnant, élégant et riche rend parfois la lecture un peu ardue.
Mais l'écrivaine réalise, ici, deux beaux portraits.
Celui d'une femme d'abord.
Puis celui de la vieille ville de Lorient.
Leur évocation est précise, crédible et en même temps poétique et nostalgique.
Ce très bel ouvrage est aussi une double tragédie.
Celle d'une ville frappée à mort et celle d'une femme morte d'avoir dû demander son chemin dans son propre quartier.
C'est un livre beau, lent, minutieux et attentif aux caractères de ses personnages.