Voici donc que nous allons nous asseoir ensemble, au coin du feu, pour une nouvelle veillée de contes.
Ne pensez plus à rien, évadez vous de vos soucis et laissez vous bercer par le merveilleux celtique. Le tragique y fait bon ménage avec l'humour, le temps y est transcendé, les domestiques y sont plus malins que leurs maîtres, des êtres surnaturels récompensent les bienfaits et punissent la sécheresse du coeur.
Et, sous l'aspect d'un oiseau, peut se cacher une belle princesse ou celui d'un affreux crapaud, un noble prince.

Les croyances des Celtes n'étaient pas aussi horrifiantes. Non seulement, comme nous l'avons dit, ils ne prêtaient pas au Créateur la souveraine injustice de créer des bons et des méchants afin de faire bénéficier les uns du bonheur éternel, et de condamner les autres à des tortures éternelles, mais ils avaient de l'existence une tout autre notion métaphysique. En vérité, l'être n'est pas soumis au temps: il est. Il ne peut pas avoir de commencement, ni, a fortiori, de fin. Soyons franc: puis-je m'imaginer inexistant ? Pouvez-vous vous imaginer inexistant ou inexistante ? Si je me demande quel sens pouvait avoir pour moi le temps quand je n'existais pas, je me pose une question absurde. C'est donc une question qui ne peut pas se poser. Ce "quand je n'existais pas" ne peut avoir été une réalité. Ce n'est pas nous qui sommes dans le temps, c'est le temps qui est en nous. Le passé n'est pas une réalité, puisque c'est ce qui n'est plus, il n'existe que dans le présent. C'est pourquoi l'éternité n'est pas quelque chose qui nous est réservée pour l'avenir: l'éternité, nous y sommes; Quand je dis: "Je suis né à telle date", cela veut dire j'ai éternellement la qualité de "né à cette date" qui est une qualité actuelle.
Notre existence peut prendre des formes multiples, mais sera toujours notre existence. La naissance et la mort ne sont que deux points de passage sur le parcours de notre éternité, que nous sommes tous obligés de souffrir une fois et entre lesquels nous sommes provisoirement soumis au temps et à l'espace. C'est entre ces deux points que nous avons à faire nos preuves. Mais ni la naissance, ni le temps, ni l'espace, ni la mort ne sont des absolus. Tout n'est que transformation, métamorphose et effort vers la réalisation de soi-même.
- Dis-moi, Leborham, est-il vrai que le roi Marc'h ait eu sept femmes ?
- Sept ? Ma foi, c'est bien possible. Je crois, en effet me souvenir avoir été invitée plus de six fois à son mariage.
- Et que sont-elles devenues, toutes les sept ?
- Comment le saurais-je ? Je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas.
- Mon excellente Branwenn m'a affirmé qu'il les a toutes assassinées.
- Que dîtes-vous là, princesse Iseult ? Un roi n'assassine pas. Quand il supprime un de ses sujets, ce n'est pas un assassinat, mais l'exercice de sa justice souveraine.
- De quels crimes cette équipe matrimoniale, dont le nombre évoque les couleurs de l'arc-en-ciel, les notes de la gamme et les étages du ciel, s'était-elle donc rendue coupable ?

"Finis Terrae". Le pays du bout du monde. L' Europe pointe dans l'Atlantique quatre hautes étraves de granit tendues vers l'Univers d'au-delà les flots.
Premières terres qui accueillent le navigateur, elles semblent inviter au départ quiconque considère que les grandes voies du globe sont sur la mer.
Mais, pour les hommes du continent, elles ne sont que l'extrême ouest, le royaume du soleil couchant, après quoi il n'y a plus rien.
"Finis Terrae". Fin de la terre...
Fin de la terre : c'est le nom même qu'ils ont donné à trois d'entre elles, "Land's End" en Cornouaille britannique, "Finistère" en Bretagne, "Cap Finisterre" en Galice.
Seule la quatrième, et c'est pourtant la plus occidentales de toutes, l'admirable presqu'île de Dingle, en Irlande, ne s'est pas vu attacher l'étiquette d'extrémité du monde.
Sur ces quatre promontoires vivent les mêmes hommes. Des hommes aussi fiers, aussi rudes que leurs rocs. Ce sont, avec les écossais et les gallois, les derniers représentants de l'antique peuple celte : "Gaëls" en Irlande, "Bretons" au Cornwall, en Bretagne et en Galice.....
(extrait de "Finis Terrae", premier chapitre du volume paru aux éditions "France-Empire" en 1969)
Elle lisait dans ses yeux uns bouleversante tendresse et se sentait l'objet d'un désir fou qui la pénétrait et la brûlait jusqu'au fond des entrailles. il aurait pu profiter de son rang et de son prestige pour l'attirer contre lui d'autorité, et sans doute alors l'aurait-elle détesté, mais il n'en faisait rien et se contentait de la contempler avec des yeux éperdus.