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Citations sur Des grives aux loups, tome 4 : La Terre des Vialhe (14)

Derrière lui s’alignèrent aussitôt cinq nouvelles bandes de cette terre rougeâtre, un peu lourde qui, grâce à lui, s’ouvrait au soleil pour la première fois. Une terre aimable, qui se prêtait sans retenue au travail des socs. […]. Pour Dominique, c’était le bonheur. Bonheur d’avoir eu l’idée de cette défriche, de cette mise en valeur du sol qui, jusque-là, n’était qu’un morceau de mauvaise brousse et qui, peu à peu, devenait un labour. Bonheur enfin d’être le premier à sceller, grâce à la charrue, cette alliance entre la terre et les hommes, ces indispensables, vitales et fécondes épousailles.
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Comme l’avait prévu Jacques, la terre était magnifique, onctueuse et souple. Elle était aimable sous la caresse des socs qui la travaillaient sans à-coups ni brutalité. Juste assez humide pour s’ouvrir en douceur, elle offrait au soleil ses flancs bruns et luisants en de longs et rectilignes sillons où sautaient quelques bergeronnettes des ruisseaux. Et parce qu’il accomplissait là un travail qu’il avait toujours aimé et dont il ne se lassait jamais, Jacques était heureux.
Heureux malgré cette fatigue désormais permanente qui l’affaiblissait, rendait ses gestes plus lents et son souffle plus court. Heureux car conscient d’être encore utile puisque, grâce à lui, la Grande Terre serait bientôt toute verdoyante et riche de ce maïs qu’il allait semer. Heureux enfin car, depuis la veille et son entrevue avec le notaire, il avait arrêté ses dispositions. Celles qui, maintenant quoi qu’il arrive, géreraient au mieux les problèmes, mettraient Michèle à l’abri et laisseraient Dominique et Françoise libre de leurs mouvements.
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Parfois dans les nuages de pollen blond qu’irradiaient les saules en effervescence et qui frémissaient dans les rais de soleil virevoltaient les hirondelles en quête de moucherons. Et dans les typhas, carex et rubaniers de l’étang vocalisaient, à en perdre le souffle, les phragmites et les rousseroles comme pour entrer, en vain, de couvrir les caverneux appels des colverts et les gloussements aigus des poules d’eau.
Soudain tout se taisait l’espace d’un instant quand, furtive, passait au ras de l’eau l’ombre d’un busard des roseaux planant au-dessus de l’étang. Le rapace allait nicher là, dans l’inextricable fouillis des massettes, mortes depuis l’automne, aux tiges grises et cassantes, au pied desquels perçait maintenant la dague vert sombre des pousses de l’année. Déjà, posée au cœur de la roselière, son aire de roseaux et de brindilles se façonnait de jour en jour, s’agrandissait au rythme silencieux du mâle et de la femelle apportant leur part de matériaux.
Non loin, voisins indifférents et hautains, car forts de leur taille et de leur bec acéré comme un stylet, vaquaient à la même tâche deux hérons pourprés à la démarche nonchalante.
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― Ce qui m’ennuie c’est de te voir dans cet état. Je sais ce qui te manque, une opinion personnelle. Tu as besoin de voir, de juger. Ensuite, quel que soit ton point de vue, ça ira mieux, même si ta grand-mère va plus mal ; tu le sauras, tu feras avec et tu réagiras. Je me trompe ?
― Pas du tout. Tu as raison, il faut que j’aille voire bonne-maman. Je suis sûre que ça lui feras plaisir. Et puis, tu sais, je me suis toujours mieux entendue avec elle qu’avec maman. C’est comme ça, je n’ai rien à reprocher à maman, rien. Mais je dois tout à bonne-maman, elle m’a toujours comprise, toujours aidée. Et on n’avait même pas besoin de se parler, ni de s’écrire, ni de se voir. Je savais qu’elle était là, avec moi toujours. Il faut que j’aille le lui dire, tu comprends ?
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C’était une vieille Ami 8, sorte d’épave à roulettes, au moteur plus bruyant qu’un diesel fatigué, à la caisse bosselée de toutes parts et à la suspension agonisante grâce à laquelle cependant il empruntait sans hésitation les chemins les plus défoncés de sa tournée de médecin de campagne. Comparé à cette relique, le break R 18 de Jacques, pourtant lui aussi à bout de souffle, semblait presque neuf !
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A la proposition de Jacques d’accepter un apéritif, il n’avait hésité qu’un instant avant d’avouer en désignant la soupière qui chauffait au coin de l’âtre :
― Sauf si ça vous choque, je préfèrerais une grande assiette de soupe… Il va être dix heures et je n’ai rien mangé depuis ce matin, alors…
― Alors ça tombe bien, moi non plus je n’ai pas encore diné ! avait souri Jacques en sortant les assiettes.
Après la soupe était venu le jambon maison, puis une omelette suivie d’un fromage blanc fabriqué par Michèle. C’était ainsi, entre deux bouchées, que Jacques et lui avaient sympathisé. Depuis ce jour, le docteur Peyrissac était le médecin de la famille Vialhe et tout le monde en était satisfait.
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Il salua son beau-frère de la mains et piqua droit sur Coste-Roche qu'il devinait au loin, tout au bout du plateau, très au-delà des terres de Chez Mathilde et de celles dites Aux lettres de Léon. Des terres qui, pour certaines, appartenaient aux Vialhe depuis près de deux siècles. Des hectares acquis par cinq générations d'ancêtres. "et moi je suis de la sixième et je suis le dernier représentant des Vialhe", pensa-t-il, une fois de plus, en s'engageant dans la terre des Malides.
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Jacques et Delpeyroux étaient de la même classe ; ils se connaissaient donc depuis leur plus jeune âge, pratiquaient la même profession et avaient ensemble siégé pendant presque quarante ans au conseil municipal dont, pour Jacques, vingt-six ans comme maire, et étaient bon amis. A tel point que lorsque Jacques, deux ans plus tôt, excédé d'être presque systématiquement mis en minorité par son conseil municipal avait démissionné, Delpeyroux l'avait aussitôt suivi. Depuis, ni l'un ni l'autre ne regrettait leur geste, même si souvent les stupéfiaient quelques ahurissantes décisions de la nouvelle majorité. Certaines leurs paraissaient tellement farfelues et si peu en rapporta avec la bonne gestion d'un bourg rural en train de mourir qu'ils se demandaient s'il fallait rire ou pleurer !
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Et dans les typhas, carex et rubaniers de l'étang, vocalisaient à en perdre le souffle, les phragmites et les rousserolles, comme pour tenter, en vain, de couvrir les caverneux appels des colverts et les gloussements aigus des poules d'eau., à en perdre le souffle, les phragmites et les rousserolles comme pour tenter
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Assoupie dans le brouillard opaque qui sévissait depuis deux jours, la forêt perdait ses dernières feuilles. déjà, un mois plus tôt, au lendemain des premières gelées d'octobre, peupliers, charmes et frênes avaient pris leur silhouette d'hiver, grands squelettes grisâtres et griffus entre les bras desquels feulait le vent d'est comme un chat apeuré.
Et maintenant pleuraient les chênes centenaires en de longs sanglots de feuilles brunes qui ruisselaient dans les gaulis avant de se noyer dans la houle rousse des fougères pétrifiées.
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